CD : Femmes compositrices – Les œuvres pour piano de Germaine Tailleferre
Seule femme du Groupe des Six, Germaine Tailleferre est une compositrice prolixe, injustement négligée au concert comme au disque. Au sein d'une production importante, la musique de piano occupe une place essentielle. Nicolas Horvath s'est lancé le défi de remettre ces œuvres en lumière, en les enregistrant. Ce premier CD présente un habile florilège de pièces écrites entre 1913 et 1937. À découvrir.
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Excellente pianiste, jouant en duo avec Satie ou Stravinsky, Germaine Tailleferre composait naturellement pour le piano. Son langage restera d'une étonnante constance tout au long de ses compositions. Fondé sur l'harmonie classique, il se teinte volontiers de traits modernistes, frappés au coin de l’ambiguïté tonale, et allie esprit et énergie, non sans une certaine recherche de la complexité. Ainsi en est-il de courtes pièces isolées comme Romance (1913), offrant une régularité digne de Fauré et de paisibles harmonies changeantes, ou Fandango (1920), empli d'ostinatos et d'agrégats sonores dans une façon de refrain. Plusieurs pièces portent le titre de ''Pastorale'' : Pastorale Inca (1930), sorte de mouvement perpétuel très animé avec ostinatos martelés, dont émane un sentiment de joie fiévreuse, Pastorale Amazone, très rythmique, ou encore Pastorale en Ut (1929), dédiée à Cortot, perpetuum mobile avec des accents à contretemps. Le morceau vif et coloré Au pavillon d'Alsace a été écrit en 1937 pour L'Expo Universelle de Paris, La compositrice cultive parfois l'humour. Ainsi de Berceuse, presque caricaturale dans ses chromatismes, traduisant la volonté de l'enfant de ne pas succomber au sommeil. Ou cette étonnante Marche funèbre (comique ?) : si elle n'avait pas été écrite comme musique de film, cela pourrait s'appeler une musique d'épouvante eu égard à son rythme angoissant.
Tailleferre aimait pasticher la musique baroque, française et italienne. Comme Francis Poulenc. Les Petites ouvertures d'airs anciens (transcription et réalisation de la basse continue) convoquent les italiens Leo, Rossi, Scarlatti ou Monteverdi, et les français Lully, Clérambault, Philidor, Mouret ou Lambert (« Il n'est point d'amour sans peine ») au fil d'une vingtaine de brèves pièces, de l'ordre de la vignette souvent. Toutes fleurent bon un mode ancien légèrement suranné mais bien séduisant. Suite dans le style ''Louis XV'' est une musique de scène pour la pièce de Jean Sarment ''Madame Quinze'', alias Mme de Pompadour, créée à la Comédie Française en 1935, et à l'origine écrite pour clavecin. Le pastiche du XVIIIème est tout aussi éloquent au long de cinq morceaux contrastés.
Au titre des œuvres formant cycle, on citera Fleurs de France (1930), huit pièces pour moins de 8 minutes célébrant à chaque fois une fleur attachée à une province. En apparence faciles, elles distillent des parfums différents, de ton vrai-faux populaire assumé, joliment contrastés. Sous le rempart d'Athènes (1927) est une commande de Claudel comme musique de scène pour son « Dialogue philosophique ». C'est une musique extrêmement travaillée, sur les indications même de Claudel. Le discours moderniste, à la limite de la dissonance, s'anime, traversé d'agrégats sonores dans le médium et l'aigu du clavier. La trame se complexifie et monte en puissance par des accords plaqués, alors que par un soudain contraste, le phrasé revient aux harmonies mouvantes du début, comme si l’œuvre trouvait enfin son aboutissement.
Nicolas Horvath est le serviteur ému de ces musiques auxquelles il apporte sens du rythme et des couleurs, infinies nuances et une élégance toute gallique. Comme il en est de ses précédents hommages à Anne Louise Brillon de Jouy et à Hélène de Montgeroult. Le piano Steinway est capté proche et bien centré dans La Fabrique des Rêves Recording Studio, Horvath étant lui-même producteur et ingénieur du son.
Texte de Jean-Pierre Robert
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Plus d’infos
- ''Œuvres pour piano réhabilitées, vol. 1''
- Germaine Tailleferre : Petites Ouvertures d'airs anciens. Sous le Rempart d'Athènes. Fleurs de France. Suite dans le style ''Louis XV''. Exercice d'harmonie. Impromptu. Romance. Pas trop vite. Pastorale en Ré. Pastorale Inca. Pastorale Amazone. Fandango. Hommage à Debussy. Très vite. Sicilienne. Berceuse. Marche funèbre (comique ?). Au pavillon d'Alsace
- Nicolas Horvath, piano
- 1 CD Grand Piano : GP 891 (Distribution : Outhere Music France)
- Durée du CD : 83 min 21 s
- Note technique : (5/5)
CD disponible sur Amazon
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