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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : le piano des sœurs Boulanger

Sisters Lili et Nadia Boulanger

  • ''Sisters''
  • Lili Boulanger : Préludes en Ré bémol & en Si. Thème et variations. Trois Morceaux pour piano
  • Nadia Boulanger : Pièce pour deux pianos. Petites Pièces pour piano. Morceau de concours pour le Conservatoire. Vers la vie nouvelle. Mélodie ''Mon Âme''
  • Johan Farjot, piano
  • Avec Karine Deshayes, mezzo-soprano (''Mon Âme'')
  • 1 CD Klarthe : KLA124 (Distribution : [PIAS])
  • Durée du CD : 49 min 27 s
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile grise (4/5)

Belle idée que de présenter l'ensemble des œuvres composées pour le piano par les sœurs Boulanger. Leur production réduite n'a d'égale que leur haute qualité musicale. Johan Farjot donne une passionnante lecture de cette mini intégrale qui, grâce aux recherches les plus récentes et à l'aide du Centre International Nadia et Lili Boulanger, s'agrémente de trois premières au disque.

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Peu à peu, l'on redécouvre avec bonheur la musique de Lili et de Nadia Boulanger. Après un album consacré à leurs mélodies, chanté par le ténor Cyrille Dubois, voici l’œuvre pour piano. Un concentré de leurs talents compositionnels, car si Lili n'a laissé à l'instrument que quatre œuvres avant sa disparition prématurée en 1918, la carrière créatrice de sa sœur aînée Nadia s'est très tôt interrompue, offrant au clavier le même nombre de morceaux. Dans l'un et l'autre cas, on observe une même inspiration de style impressionniste, déclinée cependant de manière quelque peu différente.

Lili Boulanger écrit ses deux courts Préludes en mars 1911. Si le Prélude en Ré bémol est une page mystérieuse, le Prélude en Si est tout aussi envoûtant, presque orchestral, avec son balancement à la main gauche et sa claire mélodie évoluant dans le registre aigu. Vient ensuite Thème et variations, de 1914 : morceau plus conséquent, page sombre et mystérieuse à partir d'un thème simple énoncé à la main droite et noté « Assez lent, avec douleur mais noble ». Ce qui pourrait bien être la devise de toute la musique pianistique de la jeune femme. Car ici les diverses variations sont déclinées dans le ton de la gravité et d'un certain hiératisme, ce qui est traduit par un usage du registre grave du piano, jusqu'à la péroraison presque tourmentée dans un crescendo angoissant. Quelques pages plus fluides (variation 3) ou en accords répétés (variation 4) ne se départissent pas de cette vision presque pessimiste. Les Trois Morceaux pour piano, de la même année 1914 et publiés posthume en 1919, font se succéder une première pièce mélancolique (''D'un vieux jardin''), une autre d'une grande douceur (''D'un jardin clair'') tressant un thème simple revenant en boucle et évocateur d'une sorte de bonheur attendri. Le dernier morceau, ''Cortège'', de ton assez différent, marqué ''léger et gai'', brille par son rythme déhanché. Debussy n'est pas loin. 

On ne connaissait de Nadia Boulanger que deux œuvres de piano. Les Petites Pièces pour piano de 1914, contemporaines des Trois Morceaux de sa sœur Lili, égrènent là aussi trois morceaux lumineux, une mélodie simple et insouciante, puis une section lente au rythme syncopé et aux harmonies complexes, ne dépassant pas la minute d'horloge, enfin un ostinato sur une note répétée à différentes octaves. Le morceau intitulé Vers la vie nouvelle, de 1915, travaillé sur le même principe de pédale de grave, déploie une musique étrange, presque inquiétante de par sa tension croissante. Mais on découvre deux autres œuvres inédites. La Pièce pour deux pianos, conçue en 1910, a été conservée à la BNF. L'enregistrement en a été rendu possible par Farjot en utilisant le procédé de rerecording pour la deuxième voix. Le Morceau de concours pour le Conservatoire, daté du 27 juin 1914, a été écrit pour l'entrée dans la classe de piano femmes pour l'épreuve de déchiffrage. Le disque offre enfin, autre première, la mélodie ''Mon Âme'' écrite en 1906 et tout récemment publiée. Elle l'est, comme d'autres pièces vocales de Nadia Boulanger, sur un poème d'Albert Samain, en l'occurrence tiré de son recueil ''Au Jardin de l'Infante''.

On sait gré à Johan Farjot de cette entreprise qui enrichit notre connaissance de l’œuvre de ces deux femmes pionnières. Des musiques de piano d'une grande valeur, aux caractéristiques différentes : de conception plus orchestrale chez Lili, « plus ciselée » pour Nadia, et « plus incarnée instrumentalement », souligne-t-il.

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Les enregistrements au Bal Blomet à Paris pourvoient un piano saisi de près dans une acoustique feutrée.

Texte de Jean-Pierre Robert 

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