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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Mélodies de Lili & Nadia Boulanger

Lili Nadia Boulanger

  • Nadia Boulanger : choix de mélodies
  • Lili Boulanger : Quatre chants
  • Nadia Boulanger & Raoul Pugno : Les Heures claires
  • Cyrille Dubois (ténor), Tristan Raës (piano)
  • 1 CD Aparté/Palazzetto Bru Zane : AP224 (Distribution : PIAS)
  • Durée du CD : 66 min
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile grise (4/5)

Merveilleuse idée que d'associer au disque les deux sœurs Boulanger, Lili et Nadia, en un récital de mélodies au langage si élégamment français. Interprétées par des artistes qui ont déjà fait leur preuve dans ce répertoire, Cyrille Dubois et Tristan Raës. Une nouvelle étape dans l'entreprise de mise en valeur de la mélodie française initiée par le Palazzetto Bru Zane. 

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Nadia (1887-1979) et Julie-Marie Olga dite Lili (1893-1918) Boulanger sont deux figures majeures de la musique française de la première partie du XXème siècle. Issues d'une famille de musiciens, l'une et l'autre seront compositrices, de musique vocale en particulier. Génie précoce, Lili est saluée par ses pairs, dont Théodore Dubois qui aura cette jolie formule : « Cette petite est très bien douée ». Leur carrière créatrice s'interrompra soudain et simultanément en 1918, date de la disparition de Lili et de la décision prise par Nadia d'arrêter d'écrire, inconsolable de la perte de sa jeune sœur. Nadia poursuivra une carrière de professorat, et accessoirement de pianiste et de cheffe d'orchestre. Bien des musiciens importants du XXème ont bénéficié de ses talents de pédagogue et de ses conseils. Si les deux compositrices ont été influencées par leur maître Gabriel Fauré, elles font montre chacune d'un style profondément personnel, peut-être plus novateur chez Lili, en tout cas dans la veine du « lien ''madrigaliste'', si propre à cette école française qui rend langue et musique indissociables », comme le soulignent les présents interprètes.

Entre autres compositions vocales, Lili Boulanger écrit entre 1911 et 1916 ses Quatre Chants. Non destinées à former un cycle, ces pièces dénotent un univers harmonique original imprégné de symbolisme. Les deux premières (1911) empruntent à des poèmes de Maurice Maeterlinck : ''Attente'' et ''Reflets'' se situent dans le droit fil des harmonies fauréennes. ''Le Retour'' (1912), écrite pour Dufranne, créateur du rôle de Golaud de Pelléas et Mélisande, n'est pas sans faire penser à la manière pianistique debussyste dans les entrelacs de la main droite sur une basse obstinée de la gauche. Enfin ''Dans l'immense tristesse'' (1916) est une berceuse triste sur un texte de la poétesse aveugle et sourde Bertha Galeron de Calonne, où l'enfant attend que sa mère disparue revienne ''chanter pour l'endormir''.

Le style de Nadia Boulanger se caractérise par une rare économie de moyens. Le présent récital présente un florilège de ses mélodies dont certaines inédites. La musicienne fait appel à des auteurs symbolistes, comme Albert Samain pour ''Versailles'' qui décrit un paysage automnal non sans nostalgie, la voix cantonnée au registre piano sur un accompagnement berçant. Maeterlinck aussi, dans ''Heures ternes'', déchirante élégie enveloppée par un tapis pianistique doucement arpégé. Verlaine avec ''Écoutez la chanson bien douce'', d'un suprême et élégant lyrisme. Henry Bataille encore pour ''Prière'' et sa courbure archaïque non sans dramatisme. Sur sa propre prose, elle écrit ''Soirs d'hiver'' qui semble proche de la prosodie debussyste et dont le climat doucement angoissant rappelle celui du dernier acte de Pelléas et Mélisande.

Nadia Boulanger s'est associée au compositeur Raoul Pugno (1852-1914) pour le cycle Les Heures claires, sur l'œuvre éponyme du poète Émile Verhaeren. Ces huit pièces écrites ainsi à quatre mains dissèquent les mille nuances de la passion amoureuse. À l'aune des fréquentes indications de tempos dans une même mélodie, comme ''avec ferveur'', ''avec une chaleur croissante'' ou '' avec une sonorité un peu éteinte'', émaillant la mélodie ''Avec mes sens, avec mon cœur''. Le ton peut se faire intimiste, celui de la confidence (''Vous m'avez dit''), ou traduire un état fervent jusqu'aux élans les plus exacerbés (''C'était en juin''). L'apparente sérénité peut cacher l'ardeur (''Ta bonté'') ou la légèreté du propos s'enflammer peu à peu (''Roses de juin'').

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Le Duo Contraste se délecte du raffinement et de la profondeur de ces pièces. Le timbre clair et rayonnant de Cyrille Dubois, la quinte aiguë aisée, la déclamation sans affectation et la sensibilité pour les changements de climats enluminent ces pièces. Le jeu tout en finesse de Tristan Raës, soucieux des infinies nuances en émaillant le langage pianistique, complète des exécutions qui rendent justice aux deux compositrices.

L'enregistrement live au Palazzetto Bru Zane de Venise offre une image sonore très chambriste eu égard aux dimensions restreintes de son auditorium, et très poche pour ce qui est de la voix mais restituant bien le ton secret de ces mélodies.

Texte de Jean-Pierre Robert

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