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Chimen an mwen : voyage aux Antilles sur fond de double culture dans le premier film d'Harry Eliézer

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Plutôt connu comme homme de radio sur France Inter puis sur France Bleu, Harry Eliézer tourne son premier film qui retrace la quête d'une identité à la fois française et antillaise. Raconté à la manière d'un conte antillais, Chimen an mwen (Mon Chemin) propose une approche du rapport interethnique réconciliatrice et surtout pas doloriste, empreinte d’humour et de chaleur humaine.

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Alors que le film est en campagne KissKiss BankBank pour son second tournage, ON Mag a eu le plaisir de rencontrer Harry Eliézer et de lui poser quelques questions.

OM : Peux-tu nous dire un peu qui tu es, et quels sont les côtés de ta personnalité qui t'ont poussé à faire ce film?

H. E : J’ai la conviction que nous ne sommes pas sur terre dans le seul but de satisfaire des besoins égoïstes. Je me dis que nous avons forcément de plus grandes choses à réaliser. C’est ça qui a motivé l’écriture de mon film. Je n’arrive pas à me résoudre à rester là en silence, à regarder notre société se déliter lentement. Il faut réagir !! Chimen an mwen est ma façon de réagir. J’ai grandi dans une banlieue parisienne, un monde où tous, blancs, noirs, arabes, chinois, juifs, musulmans, chrétiens … se fréquentaient, échangeaient, rêvaient ensemble. Je me souviens d’une époque où les musulmans avaient un plat de substitution à la cantine quand il y avait du porc au menu. Ça ne posait de problème à personne. Que s’est-il passé pour que l’intolérance soit devenue la règle ? Que s’est-il passé pour que ceux qui dans mon adolescence cherchaient à s’intégrer soient aujourd’hui tentés de se replier vers des cultures, des religions plus fantasmées que réelles ?

OM : Beaucoup décrivent la Guadeloupe comme un endroit ségrégué, qu'en penses-tu?

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H. E : Il faut être conscient que la Guadeloupe s’est bâtie sur le racisme. De même que la Révolution française est le début de toute chose dans la France métropolitaine contemporaine, l’exploitation économique racialisée, l’esclavage, est le fondement même de la société guadeloupéenne. Alors oui, aujourd’hui encore, on peut constater des résidus de cette époque avec à la direction des entreprises des blancs et dans les taches exécutives des noirs. Toutefois, les guadeloupéens se retrouvent tous autour d’une même culture. On ne dira jamais à des personnes de type indien, chinois ou syro-libanais nées sur le territoire qu’elles ne sont pas Guadeloupéennes. Le simple fait qu’elles parlent la langue les inclut dans la communauté. Le sentiment de mal-être que peuvent ressentir certains métropolitains vient essentiellement de leur statut de métropolitain. C’est autre chose qui entre en ligne de compte, c’est le rapport de l’île à la Métropole. Un mot assez bizarre d’ailleurs car il sous-entend que l’île n’est pas au même niveau d’égalité que le continent. Les guadeloupéens n’ont jamais vraiment aimé qu’on les infériorise. Savez-vous que du temps de l’esclavage, c’était les fortes têtes qu’on envoyait sur cette île ?

OM : Dans les extraits du film, on entend souvent le mot "noir" ou le mot "blanc". Pour toi, que signifient ces mots?

H. E : Ces mots ne représentent pas grand-chose pour moi. Ils ne sont pas connotés. La couleur de ma peau est marron et les « blancs » sont plutôt roses. Ces mots ne désignent pas vraiment ce que l’on voit mais plutôt des représentations que l’on s’est fait des groupes d’individus. Je sais que beaucoup de gens ont du mal à dire qu’un homme est noir. Ils préfèrent le mot « black », plus « politiquement correct » selon eux. La question que l’on doit se poser est « qu’est-ce que j’ai mis derrière le mot « noir » pour qu’il devienne si difficile à utiliser pour désigner un être humain ? » Ou encore « pourquoi devrais-je me vexer parce que l’on me dit que je suis noir ? ». Ce qui me semble important, plus que les mots « noir » et « blanc », c’est davantage tout le poids de clichés que l’inconscient collectif continue de traîner avec lui.

Autre chose, des personnes souvent très bien intentionnées me disent : « je ne vois pas la couleur de ta peau ». Ça va vous paraître contradictoire mais j’ai besoin qu’on la voit. Qu’est-ce qui fait la particularité d’un bouquet ? C’est la variété des couleurs des fleurs qui le compose, non ? Il ne vient à l’idée de personne de dire « pour moi, toutes les fleurs ont la même couleur. Ce qui compte, c’est que ce sont des fleurs ». La couleur de ma peau raconte quelque chose, une histoire, une spécificité. Elle est porteuse d’éléments qui devraient générer de la curiosité plutôt que du rejet, de l’intérêt plutôt que de l’indifférence. Je suis Français et noir, je suis porteur d’une richesse incroyable. Je suis un être singulier et je n’ai pas du tout envie d’être assimilé, uniformisé.

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OM : Quand nous nous sommes rencontrés, tu as cité "Peau noire, masque blanc" de Franz Fanon, quelle est la place de ce personnage dans ton film ?

H. E : Il habite tout le film parce qu’il a largement contribué à l’établissement de ma pensée. J’ai subi le racisme de la part de blancs depuis mes premiers pas à l’école, mais aussi de la part de noirs qui me trouvaient… trop noir. Eh oui ! Le racisme, ça concerne tout le monde. C’est grâce à Fanon que j’ai compris ce qui se jouait et parcouru ce chemin que je vous fais découvrir dans ce film. Le discours de Fanon pousse à une introspection, à un questionnement sur les effets du colonialisme sur le genre humain via les rapports noirs-blancs. C’est un discours qui mène à une émancipation du noir et une prise de conscience du blanc. C’est un message de concorde : il n’est nullement question de tenir l’homme du 21ème siècle pour responsable d’actes que ses ancêtres lointains auraient pu commettre. C’est cet esprit qui habite ma volonté de faire ce film. La France que j’ai connue quand j’étais enfant et ado permettait à un arabe et à un juif de se parler. Le racisme existait bel et bien mais pas le repli communautaire. Je suis inquiet quand je vois que les gens répondent au rejet par le rejet. Certes, ça fait mal, ça met en colère parfois, mais nous nous devons d’envisager les choses avec plus de hauteur. Il y a une phrase que dit Kery James dans sa chanson Banlieusard et que j’adore : « Je ne veux pas brûler des voitures, je veux en construire et puis en vendre ». Pour moi, la résistance suprême, la révolte qui a du sens, c’est celle qui me conduit à ne pas me laisser enfermer dans le schéma que l’inconscient collectif avec tous ses clichés a envie de m’imposer. Je deviens un homme libre quand je suis capable de dire « non », de choisir l’orientation que je veux donner à ma vie.

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" Non, la France n’est pas coupable d’avoir voulu faire partager sa culture aux peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Nord. " que penses-tu de cette phrase prononcée par François Fillon ?

H. E : Que répondre à cela ? « Allez vous documenter M. Fillon, vous avez dû manquer trop de cours d’histoire au cours de votre scolarité troublée ? » François Fillon est un homme politique en campagne pour l’élection présidentielle. Il est intelligent, cultivé, je n’imagine pas un instant qu’il ne soit pas au courant de ce que fut la colonisation et de son impact encore aujourd’hui sur les populations. Le souci est qu’il ne pourrait probablement pas être crédible et reçu en tant que politicien de droite s’il tenait un autre discours. Pourtant, le bénéfice pour les français dits « de souche » et tous les français issus des colonies serait tellement grand. La société française aurait tellement à gagner à ce que l’Etat (j’ai bien dit l’Etat et pas les individus) reconnaisse ses responsabilités et pousse à l’enseignement d’une histoire qui corresponde à la réalité des faits.

Plus d'info :
www.chimenanmwen.com
facebook.com
kisskissbankbank.com



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