Audience et Vernissage de Vaclav Havel, du 9 novembre au 31 décembre 2016 à l'Artistic Théâtre (Paris)
Mise en scène de Anne-Marie Lazarini avec Cédric Colas (Ferdinand Vanek), Stéphane Fiévet (Sladek), Frédérique Lazarini (Véra), Marc Schapira (Michael)
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La découverte de l’œuvre littéraire de Franz Kafka en 1956 par Vaclav Havel va durablement le marquer tant dans son parcours romanesque que dans ce qu’il destine à la scène. Les deux courtes pièces présentées à l’Artistic Théâtre évoluent dans un espace résolument étouffant, piégé, où l’individu doit se débattre comme un beau diable pour ne pas tomber dans les filets d’une société corrompue, avilie, qui ne propose comme porte de sortie que la délation, le mensonge et la compromission sous toutes ses formes.
La première pièce, Audience, très largement autobiographique, met en présence l’employé (Ferdinand Vanek) et son supérieur (Sladek). La scène se déroule dans le bureau de ce dernier, qui s’efforce dans un premier temps de mettre à l’aise Ferdinand Vanek qui vient tout juste de prendre son poste dans cette brasserie où il effectue un travail harassant de manœuvre dont la principale fonction consiste à rouler des fûts de bière. Sladek au début de cet entretien avec son subalterne semble mettre les formes avec Ferdinand Vanek, lui faisant même miroiter, tel un mirage inaccessible, l’obtention d’un poste plus rémunérateur, avec même la possibilité inouïe de s’offrir de temps en temps un petit somme. Tout ceci proposé avec de terrifiantes libations obligatoires de bière que Ferdinand tente vainement de faire disparaître dans de providentiels pots de fleurs. Le ton presque protecteur adopté au début de ce dialogue forcé entre un supérieur et son employé va lentement se transformer en menaces. Ferdinand Vanek se rend compte qu’il est pris dans les griffes d’une brute alcoolique prête à tout pour conserver sa position privilégiée au sein de cette brasserie. S’apercevant que Ferdinand Vanek ne lui apportera aucun bénéfice concret concernant sa position dans la brasserie, l’attitude de Sladek devient de plus en plus agressive, surtout depuis qu’il sait que celui qu’il a en face de lui appartient à une caste qu’il déteste : les intellectuels. En grand péril, face à ce bourreau qui cherche à le réduire en esclavage, à en faire son larbin, Ferdinand Vanek va heureusement se tirer de ce mauvais pas grâce à l’aide d’un allié de choc : l’alcoolisme qui finit par mettre hors d’état de nuire son tortionnaire en le plongeant dans un profond sommeil.
La deuxième pièce, Vernissage, réintroduit à nouveau Ferdinand Vanek, qui se retrouve convoqué à une sorte de vernissage privé se déroulant dans l’appartement de deux parvenus de la bonne société, esthètes convaincus, snobs jusqu’à la démesure. Durant toute cette soirée ils vont torturer avec dextérité et sadisme le pauvre Ferdinand Vanek qu’ils considèrent comme leur plus cher ami et pour qui ils seraient prêts à se mettre entièrement à sa disposition si celui-ci le leur demandait. Pourtant malgré toutes ces belles déclarations, la soirée prend progressivement des allures de cauchemar, et devant le ton presque menaçant que prennent ses « protecteurs », Ferdinand va tenter de mettre fin à ce harcèlement en essayant de prendre congé. Mais face à ces velléités de fuite, Véra, la compagne de Michael se métamorphose soudain en furieuse tigresse exigeant qu’il demeure à jamais ou presque leur prisonnier. Hébété d’horreur, Ferdinand Vanek, telle une mouche prise dans une toile d’araignée va se résigner à demeurer à jamais prisonnier de ses hôtes…
Ces deux fables kafkaïennes sont mises en scène par Anne-Marie Lazarini qui en révèle toute la noirceur, servie par des interprètes donnant à leurs personnages toute l’épaisseur que nécessitent ces univers abominables, sortes d’antichambre de l’enfer…
Plus d'infos sur www.artistic-athevains.com
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Texte de Michel Jakubowicz