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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Matthias Goerne chante Chostakovitch

Poursuivant leur exploration des œuvres symphoniques de Chostakovitch avec voix de basse, et après la Quatorzième symphonie, Matthias Goerne et Mikko Franck abordent la Suite sur des poèmes de Michelangelo Buonarroti. Cette œuvre tardive et éminemment personnelle du musicien russe reçoit une exécution de classe.

C'est en 1974, alors malade et meurtri par la mort de David Oïstrakh, l’arrestation de Soljenitsyne et le départ pour l'Occident de Mstislav Rostropovitch, que Chostakovitch se tourne vers des textes de Michel-Ange, qui formeront la Suite sur des poèmes de Michelangelo op.145 pour basse et piano. Il l’orchestrera peu après (op.145A). Pour les onze morceaux du cycle, nombre fétiche chez lui, à l'exemple des onze mouvements de la récente Symphonie N°14, il choisit autant de textes parmi les œuvres poétiques de l'auteur italien, essentiellement consacrés au thème du deuil. La partition est dépouillée, ascétique même dans l'orchestration, souvent chambriste, permettant de mettre en valeur la voix, elle-même confinée dans une certaine austérité, avec à l'occasion des passages a cappella.

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Matthias Goerne, qui avait déjà donné au disque une interprétation de trois de ces poèmes avec l'accompagnement de piano de Daniil Trifonov, livre ici une vision extrêmement fouillée et nuancée. Bien sûr, le timbre est celui d'un baryton-basse, et non d'une basse profonde comme l'était Evgueni Nesterenko, le créateur en 1974. Mais la coloration qu'y apporte le chanteur allemand fait toute la différence, à l'appui d'une caractérisation saisissante de ces textes poignants. Où alternent des modes expressifs extrêmement divers. Ainsi de la douceur de ''Matin'' (N°2), que l'on retrouve dans le dernier poème ''Immortalité'' qui, débuté dans la gaieté, se conclut par des vocalises quasi immatérielles. De la tendresse amère de ''Séparation'' (N°4) et ce vers « je vous laisse en gage mon cœur ». Mais aussi, à l'autre extrémité du spectre, de ces passages de révolte où la voix est poussée à ses limites dans le haut du registre de la basse (N°5) ''Courroux'' ou (N°8) ''Créativité'' et son orchestre véhément, comme heurté, dans l'alliance cuivres-percussions. Le sonnet ''Mort'' (N°10), son orchestre au complet et ses cuivres logés dans le grave, semblent refuser la lumière (« Je sens la mort, sans en connaître l'heure », car « le monde est aveugle »). Comme déjà relevé dans le précédent album de la Symphonie N°14, l'alchimie est étroite entre chanteur et chef. Car Mikko Franck saisit toute la force intérieure irriguant cette musique, ses couleurs propices à la méditation.  

En complément, et dans un tout autre ordre d'idée, le CD propose le poème symphonique Octobre op.131. Il s'agit d'une œuvre de commande faite en 1967 à Chostakovitch pour commémorer le cinquantenaire de la Révolution d'Octobre 1917. La relative banalité de la musique constituerait, selon Rostropovitch « un sabotage », comme si le compositeur avait voulu délibérément ironiser sur les désirs grandioses des commanditaires. De fait, Chostakovitch parodie jusqu'à l'outrance son propre style. Les boursouflures dont résonne la musique en disent long à cet égard : rythmes de marche exacerbés, usage de percussions en batterie à la limite de l'exagération, autocitations grinçantes, sautes d'humeur et finale grandiloquent, presque caricatural. Malgré la qualité de l'exécution par Mikko Franck et ses forces du Philar de Radio France, ce fill up est plus d'un intérêt historique que proprement musical parmi les œuvres symphoniques de l'auteur.  

Les captations live dans l'Auditorium de Radio France (2021/Suite, 2024/Octobre) sont soignées. La voix est bien dégagée par rapport à la texture symphonique, elle-même d'une belle transparence et saisie dans un large spectre.
Texte de Jean-Pierre Robert   

Plus d’infos

  • Dmitri Chostakovitch : Suite sur des poèmes de Michelangelo Buonarroti op.145A. Octobre, poème symphonique op.131
  • Matthias Goerne, baryton-basse
  • Orchestre Philharmonique de Radio France, dir. Mikko Franck
  • 1 CD Alpha : Alpha 1121 (Distribution : Outhere Music France)
  • Durée du CD :  52 min 50 s
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5) 

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Mikko Franck, Orchestre Philharmonique de Radio France, Chostakovitch, Matthias Goerne

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