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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : vibrant hommage à Pauline Viardot

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Comme naguère Cecilia Bartoli pour Maria Malibran, la cantatrice Marina Viotti rend hommage à une autre grande figure du chant du XIXème, Pauline Viardot. Une personnalité hors du commun qui durant près de quarante ans enchanta le Paris lyrique. Dans une sélection d'airs d'opéras emblématiques de son répertoire, Christophe Rousset avec ses Talens Lyriques apporte toute son expertise à un univers qu'il entend privilégier désormais aux côtés du baroque.

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Fille du ténor Manuel Garcia, sœur de Maria Malibran, Pauline, devenue Viardot (1821-1910) de par son mariage avec le collectionneur d'art Louis Viardot, va mener une longue et prestigieuse carrière, rapidement internationale, qui la conduira jusqu'en Russie. Elle dominera la scène lyrique de 1830 à 1873. Le présent hommage focalise sur les trois champs de son répertoire : l'opéra italien au cœur du bel canto romantique, l'opéra français dont le Grand Opéra, enfin son action en faveur des compositeurs émergents, tels Gounod ou Massenet. Dans chacun, ses moyens exceptionnels quant à l'ambitus de la voix, l'agilité quel que soit le registre, les couleurs d'un timbre capiteux, comme sa présence scénique autorisaient une expressivité que peu de ses collègues pouvaient offrir au public de l'époque.

S'agissant de l'opéra italien, le nom de Rossini vient immédiatement. Avec une de ses pages les plus célèbres ''Una voce poco fa'' de Rosina de Il Barbiere di Siviglia, que Marina Viotti enlumine d'un vrai timbre de mezzo, barde de cocottes, quoique mesurées, notamment au mot névralgique ''ma'' qu'elle distille avec un brin de coquetterie, et orne d'un trait suraigu inattendu à l'envolée finale. De Semiramide, la cavatine du personnage titre au Ier acte offre un mixte des registres soprano et mezzo, lesquels ne faisaient qu'un à l'époque de Viardot. De Donizetti le récitatif et l'air de Léonor ''Ô mon Fernand'' enchaîne une introduction d'une extrême clarté d'élocution, une cavatine d'un doux legato, enfin une cabalette, bien allante ici, qui compense son aspect académique.

Dans le répertoire français, Marina Viotti interprète un des grands airs d'Orphée et Eurydice de Gluck, dans la révision de Berlioz, ''Amour, viens rendre à mon âme''. L'aisance de la vocalise rejoint une quinte aiguë dégagée. De La Juive d'Halevy, l'air de Rachel, créé par la Falcon, offre le sens du mystère de l'attente émue à travers des intervalles larges à la quinte finale. Remarquable est encore l'air final de Didon des Troyens de Berlioz ''Je vais mourir'', immense invocation où plane pour nous le souvenir de Régine Crespin. La perfection de la diction, le poids des mots d'une femme blessée mais fière, confèrent à cette page une aura de grandeur. La séquence ''Adieu fière cité'' atteint une émotion vraie par sa simplicité. 

Pauline Viardot a aussi promu les jeunes auteurs de son temps. Ainsi de Saint-Saëns et son Samson et Dalila qu'elle crée en privé. Dans le récitatif et l'air ''Amour, viens aider ma faiblesse'', le beau mezzo de Viotti se coule fièrement sans surjouer. Elle interprète aussi le rôle-titre de Sapho de Gounod (1851), sur un livret d’Émile Augier, en l'espèce la bouleversante romance ''Ô ma lyre immortelle'', dans un tempo retenu au son de la harpe et d'un bourdonnement de cuivres. Enfin de Marie-Magdeleine du jeune Massenet, créée par Viardot en 1873, sa dernière apparition scénique, est présentée ici l'invocation ''Ô mes sœurs'', prière d'une simplicité touchante sur un orchestre pourtant riche avec quelque chose de mystique. 

Ce récital confirme les moyens eux aussi exceptionnels de la chanteuse suisse Marina Viotti : outre la beauté intrinsèque du timbre, un large ambitus du soprano au mezzo grave, une diction aussi soignée en italien qu'en français et surtout un sens du texte et une aptitude à se couler dans les différents climats et exigences de morceaux aussi différents que ceux de Halévy ou de Rossini, de Berlioz ou de Donizetti. La réussite de l'album est tout autant celle de Christophe Rousset. Comme son interprétation de Faust de Gounod, ou de La Vestale de Spontini, l'un et l'autre au Théâtre des Champs-Élysées, il signe une évolution notable vers le répertoire romantique, dont l'appréhension bénéficie grandement de sa longue expérience du baroque. Là où le chef atteint d'emblée le ton vrai dans l'accompagnement et une totale symbiose avec la voix soliste. Ce que l'on trouve encore dans les pièces purement instrumentales, comme l'Ouverture de Semiramide, ses cuivres liés, son ressort, les contrastes de tempos et d'intensité, les ritournelles rehaussées de bois, possédant élasticité sans dureté, enfin les fameux crescendos ''montés'' dans une propulsion tourbillonnante. Et à la reprise, ce qu'il faut de légèrement plus appuyé pour libérer l'ivresse sonore. Ses musiciens des Talens Lyriques secondent ces points forts, cordes soyeuses, non brillantes, bois agiles, cuivres mordorés.

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La prise de son au Conservatoire de Puteaux offre une ambiance large, légèrement résonnante et l'équilibre voix-orchestre est proche de l'idéal.

Texte de Jean-Pierre Robert 

Plus d’infos

  • ''A Tribute to Pauline Viardot''
  • Airs extraits d'opéras de Christoph Willibald Gluck/ Berlioz (Orphée et Eurydice), Vincenzo Bellini (I Capuleti e i Montecchi), Jules Massenet (Marie-Magdeleine), Fromental Halevy (La Juive), Gioacchino Rossini (Il Barbiere di Siviglia, Semiramide), Gaetano Donizetti (La Favorite), Hector Berlioz (Les Troyens), Charles Gounod (Sapho), Camille Saint-Saëns (Samson et Dalila)
  • Ouvertures de Semiramis et de La Favorite
  • Marina Viotti, mezzo-soprano
  • Les Talens Lyriques, dir. Christophe Rousset
  • 1 CD Aparté : AP 290 (Distribution :[ntegral]) 
  • Durée du CD : 70 min
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5)

CD disponible sur Amazon



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