CD : une poignée de concertos et œuvres pour vents de Mozart
Ce généreux double album offre un florilège de concertos pour instruments à vent de Mozart, dont la moins jouée Symphonie concertante. Belle manière de célébrer un domaine important de ce répertoire, alors que, cerise sur le gâteau, est également donnée la grande Sérénade pour vents K 361. Une occasion aussi de distinguer la formidable habileté des instrumentistes britanniques, ici les premiers pupitres du LSO.
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L'attrait de Mozart pour les instruments à vent se manifeste à travers à peu près tous les genres qu'il a cultivés, et bien sûr au premier chef dans des concertos où l'un d'eux ou plusieurs dialoguent avec l'orchestre. Fruit de l'admiration que le compositeur portait à l'endroit d'interprètes talentueux de l'époque, dont plusieurs solistes de l'Orchestre de Mannheim. C'est à l'intention d'un certain Giuseppe Ferlendis, membre de l'orchestre de cour du Prince archevêque de Salzbourg qu'il écrit en 1777 le Concerto pour hautbois K 271k en Do majeur. Qu'il transcrira peu après pour flûte (K 314). On y admire le charme français du premier mouvement et la poésie recueillie de la longue et suave mélodie de l'Adagio médian où le hautbois dialogue presque d'égal à égal avec l'orchestre. Quant au finale Allegro, c'est un rondo plein d'allégresse de son fameux thème conquérant, qui sera repris dans l'air de Blonde de L'Enlèvement au sérail ''Welche Wonne, welche Lust'' (Quelle ivresse, quel plaisir). Le niçois Olivier Stankiewicz, hautbois solo du LSO, en livre une exécution emplie de zest. Le Concerto N°2 pour Cor K 417 en Mi bémol majeur (1783) a, comme les trois autres, été conçu pour le corniste Joseph Leutgeb avec lequel Mozart entretenait une amitié teintée d'espièglerie. On sait les mots triviaux qu'il avait à son endroit, telle l'adresse en tête de cette partition « WA Mozart a eu pitié de cet âne abruti et toqué de Leutgeb à Vienne, le 27 mai 1783 » ! De fait, l'écriture en est savante et inventive pour contrecarrer le caractère un peu monotone de l'univers sonore de l'instrument. Ce qui se manifeste en particulier dans un finale endiablé, façon cor de postillon. Timothy Jones, cor solo du LSO depuis 1986, n'en fait qu'une bouchée.
Bien sûr, le Concerto pour clarinette en La majeur K 622 reste une des œuvres les plus bouleversantes du répertoire du maître de Salzbourg, sa dernière composition instrumentale et l'ultime page livrée à l'orchestre, entre La Flûte enchantée et le Requiem. Elle est dédiée au clarinettiste Anton Stadler, qui inspira le Quintette pour clarinette deux ans auparavant, en 1789. On y trouve l'aboutissement glorieux de la forme concertante chez Mozart et un mélodisme souvent poignant, hérité de l'opéra. Et peut-être avant tout une certaine simplicité comme une évidence formelle. Il existe un lien indissoluble avec le quintette, une suite logique, qui fait dire aux Massin « la même fraternelle tendresse chante dans le Quintette et dans le Concerto ». Est-il besoin d'insister sur le lyrisme de la tonalité de La majeur à l'Allegro, sorte de lutte entre lumière et nuit, comme dans La Flûte, la première triomphant finalement, sur le sublime de l'Adagio de son noble thème, où transparaît le personnage de Sarastro, absolu sommet de l'écriture concertante, et sur l'« hymne de victoire » (ibid.) que constitue le finale, un rondo Allegro mené ici avec un panache certain, traversé à l'occasion de cette note tragique, si typiquement mozartienne, vite balayée pourtant. Andrew Marriner, clarinette solo au LSO de 1986 à 2019, joue la version pour clarinette conventionnelle et non celle adaptée pour cor de basset.
La Symphonie concertante pour instruments à vent en Mi bémol majeur K 297b a été écrite lors du second séjour de Mozart à Paris, en 1778, pour quatre solistes réputés de l'Orchestre de Mannheim, de passage dans la capitale française. Il réussit la prouesse de rajeunir la forme du concerto grosso pour faire dialoguer ses solistes, clarinette, hautbois, basson et cor, en les faisant briller tout en évitant l'impression d'un ensemble compact. Cette habileté caractérise les trois mouvements : un Allegro conquérant qui aboutit à une cadence des quatre voix, un Adagio d'un lyrisme serein, voire empreint de gravité, dont le chant est entamé par le cor, et un finale Andantino con variazioni où chacun décline un thème introduit par le quatuor à l'unisson. De la belle ouvrage entre les mains de Juliana Koch, hautbois, Chris Richards, clarinette, Rachel Gough, basson et Timothy Jones, cor. Ils sont accompagnés par leurs collègues du LSO dirigé par Jaime Martin qui prodigue une battue irréprochable, à laquelle on aimerait plus d'audace et une pointe de fantaisie, ici comme dans les concertos pour hautbois et pour cor.
L'album comprend encore la Sérénade N°10 ''Gran Partita'', K 361. Il est fascinant de comparer cette version avec celle excellente récemment proposée par les solistes de l'Akademie für Alte Musik Berlin. Nullement défavorable à l'ensemble anglais. Car le LSO Wind Ensemble, capté ici en 2015, aligne une brochette de ''principals'' de l'orchestre d'une formidable tenue. Où l'on retrouve Olivier Stankiewicz, Andrew Marriner, Timothy Jones avec neuf de leurs collègues, solistes du LSO, et Colin Paris à la contrebasse, venant, comme souvent, aux lieu et place du contrebasson distribué à l'origine de cette œuvre conçue pour 13 vents. L'affinité de Mozart pour ces instruments ne saurait être mieux démontrée, dans le droit fil d'ailleurs de la Symphonie concertante K 297b, là encore fruit de sa rencontre avec des artistes de choix comme Leutgeb et Stadler. L'envergure de cette musique se mesure à sa distribution instrumentale particulière, alignant, entre autres, quatre cors et deux cors de basset (clarinette basse) et à ses vastes proportions en sept mouvements. L'interprétation des musiciens londoniens magnifie aussi bien « l'agitation heureuse » que « l'idéal de tendresse » que les Massin discernent dans cette œuvre unique. Elle dispense aussi des sonorités quasi opératiques à maints endroits, tels le Trio II du premier Menuet, le céleste Adagio où les voix du hautbois et de la clarinette font penser à un duo vocal, ou encore la fantaisie de l'avant dernière-séquence Tema con variazioni.
Les enregistrements live, en 2015 (Sérénade) et 2019, au LSO St Luke's, qui fait aussi office pour l'orchestre de salle de concert de taille plus modeste que le Barbican Hall, possèdent tout le relief nécessaire grâce à une balance soignée entre solistes et orchestre dans les concertos et une spatialisation équilibrée pour ce qui est de la Sérénade.
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Texte de Jean-Pierre Robert
Plus d’infos
- Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto pour cor N°2 K 417. Concerto pour hautbois K 271k/ 314. Concerto pour clarinette K 622
- Symphonie concertante pour quatre instruments à vent K 297b
- Sérénade N°10 pour Vents ''Gran Partita '' K 361
- Timothy Jones (cor), Olivier Stankiewicz, Juliana Koch (hautbois), Andrew Marriner, Chris Richards (clarinette), Rachel Gough (basson)
- London Symphony Orchestra, dir. Jaime Martin
- LSO Wind Ensemble (K 361)
- 2 CDs LSOlive : LSO0855 (Distribution : [PIAS])
- Durée des CDs : 67 min 26 s + 78 min 52 s
- Note technique : (5/5)
Écouter des extraits
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