CD : Mozart et l'Harmoniemusik
- ''Gran Partita''
- Wolfgang Amadé Mozart : Sérénade pour instruments à vents K 375 en Mi bémol majeur. Sérénade pour 13 instruments à vents ''Gran Partita'' K 361 en Si bémol majeur
- Solistes de l'Akademie für Alte Musik Berlin
- 1 CD Harmonia Mundi : HMM 902627 (Distribution :[PIAS])
- Durée du CD : 71 min 47 s
- Note technique : (5/5)
Il est bien agréable d'entendre de nouveau deux des grandes sérénades pour vents de Mozart, où là encore s'exprime son génie à la rencontre d'un genre alors en vogue, celui de la musique dite d'harmonie. Car au-delà de l'idée de divertissement qu'implique l’appellation de Sérénade, la combinaison de rusticité et de raffinement comblera les esprits les plus exigeants. Surtout dans l'interprétation qu'en livrent les vents de l'Akamus de Berlin.
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La musique dite d'harmonie connaît son essor à la cour de Joseph II à Vienne lorsque celui-ci dote ses forces musicales d'un ensemble de vents. Mozart donnera au genre trois partitions, dont deux sont honorées ici, les Sérénades K 375 et 361, contemporaines de l'opéra Idomeneo. L'alliance des timbres, l'inventivité thématique n'ont rien à envier à sa musique de chambre pour cordes. Et l'association de la veine populaire et de la musique savante apporte un indéniable chic à ces œuvres qui s'écoutent aisément. La Sérénade K 375 en Mi bémol majeur, de 1781, est écrite pour un octuor de vents, deux hautbois, deux clarinettes, deux bassons et deux cors. Elle est constituée de cinq parties organisées en un plan symétrique, deux allegros et deux menuettos encadrant un adagio central. La sérénade s'ouvre en effet par un Allegro maestoso sur un rythme de marche, pour s'étirer en une vraie scena d'une grande liberté formelle. Suit un premier Menuetto au thème entraînant et dont le trio contraste par sa complexité. Cœur de l'ouvrage, l'Adagio, pris soutenu ici, voit son premier thème introduit par la clarinette. Cela chante comme à l'opéra, successivement aux divers instruments d'une manière concertante, non sans une pointe de mélancolie. Le second Menuetto est presque sautillant, avec opposition des voix aiguës et graves du meilleur effet. Le trio sera plus expansif. Le finale Allegro est guilleret et presque combatif jusqu'à une péroraison éclatante.
La Sérénade K 361 pour 13 vents, en Si bémol majeur date des années 1781/1782. Les circonstances de sa composition demeurent incertaines, l’œuvre ayant connu des ajouts successifs. Elle ne sera créée semble-t-il qu'en 1784, dans une formation comptant le fameux clarinettiste Anton Stadler. De vastes proportions, elle se compose de pas moins de sept mouvements tissant une dramaturgie singulière. Et se compare favorablement aux œuvres du genre pour cordes, telles les Sérénades ''Posthorn'' ou ''Haffner''. Elle est jouée ici par 12 vents et une contrebasse, celle-ci remplaçant le contrebasson prévu à l'origine. L'ampleur quasi symphonique s'explique par l'instrumentarium : deux hautbois, deux clarinettes, deux bassons, deux cors de basset et quatre cors, outre la contrebasse. Mais aussi par les modes compositionnels qui traitent les diverses parties de vents avec un art suprême des couleurs et alternent les tempos, jusqu'à l'intérieur d'un même mouvement. Ainsi du premier qui débute par un solennel Largo captant immédiatement l'attention, auquel s’enchaîne un Allegro débordant de vie, dont le vaste développement multiplie les combinaisons entre tessitures et rythmes. Le premier Menuetto n'a rien du genre galant, étalant au contraire un sentiment de grandeur. Le premier trio est mené par le hautbois, le second chantant évoque une aria d'opéra. L'Adagio atteint un sommet d'expressivité où brillent hautbois et clarinettes dans un accompagnement des parties instrumentales plus graves. Les solistes de l'Akamus offrent une prodigieuse intensité dans ce flot continu combien expressif. Plus court que le premier, le second Menuetto tranche par son allure décidée. Il est là encore agrémenté de deux trios, l'un dramatique, l'autre dans un rythme de danse de Landler, là où la contrebasse assure un amusant contrepoint. Vient un nouveau mouvement lent, ''Romance'', autre épanchement qui ne verse pas ici dans le sentimentalisme, où s'illustrent les deux cors de basset. Le ''Tema con variazioni'' renouvelle l'intérêt de cette longue composition grâce à son thème primesautier que les six variations vont décliner dans les tons tour à tour, spirituel, moqueur, tendre, ironique ou mélancolique. Le finale Allegro signe en fanfare le cheminement vraiment non pareil de cette sérénade, ici rondement mené, avec une once ''alla turca'' comme on l'aimait à l'époque à Vienne, annonçant quelques thèmes allègres de L'Enlèvement au sérail.
Les vents de l'Akamus Berlin distillent de généreuses sonorités, libérant le charme inhérent à ces compositions. L'expressivité ici ne ressortit pas à l'apprêt mais procède du naturel du jeu conçu à l'origine pour le plein air. La qualité superlative des instrumentistes l'autorise bien sûr.
Ils sont enregistrés au Teldex Studio Berlin avec le souci d'une efficace spatialisation, associant relief et immédiateté.
Texte de Jean-Pierre Robert
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