Skip to main content
PUBLICITÉ
  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : le Philhar mène Richard Strauss au sommet

Strauss Burleske Serenade

  • Richard Strauss : Burleske en Ré mineur. Sérénade pour vents en Mi bémol majeur op.7. Mort et transfiguration, poème symphonique op.24
  • Nelson Goerner, piano
  • Orchestre Philharmonique de Radio France, dir. Mikko Franck
  • 1 CD Alpha / Radio France : Alpha 733 (Distribution : Outhere Music)
  • Durée du CD : 55 min 18 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5)

Pour leur deuxième disque sous label Alpha, le Philharmonique de Radio France et son chef Mikko Franck abordent Richard Strauss et sa rutilante orchestration. Un test pour juger de la santé d'un orchestre. Parfaitement réussi tant les trois œuvres jouées, fort dissemblables, respirent la perfection instrumentale comme le souffle de l'inspiration de leur auteur. 

LA SUITE APRÈS LA PUB

C'est en effet un tout autre défi que se lancent chef et orchestre, après leur album César Franck. Car Richard Strauss est exigeant côté pâte sonore. Et les versions sont nombreuses, de la part de phalanges renommées comme les Berliner ou les Wiener. Dire que le Philharmonique de Radio France ne pâlit pas face à ces géants est déjà en soi un gage de succès. Ajouter que le chef finlandais, tant apprécié par ses musiciens, en tire le meilleur, scelle une parfaite réussite. Ils ne jouent pourtant pas la facilité en associant des œuvres dissemblables. Écrite en 1886 et créée quatre ans plus tard par Eugène d'Albert au piano et l'auteur à la baguette, Burleske a connu un sort chaotique : délaissée par Strauss qui ne lui donnera pas de numéro d'opus, il s'en souviendra pourtant pour l'afficher à son dernier concert, à Londres en 1947. Plutôt qu'un concerto, c'est une fantaisie primesautière dotée d'une riche orchestration et d'une partie soliste virtuose en diable. Ce que Nelson Goerner restitue par une exécution scintillante, sans ostentation, que complémente l'accompagnement transparent adopté par Mikko Franck, singulièrement dans l'épisode central presque élégiaque. La courte cadence grandiose est ouvragée et entraînante laissant transparaître légèreté, voire humour, annonçant le style qu'on trouvera plus tard dans l'opéra Der Rosenkavalier.

Tout autre univers avec la Sérénade pour vents en Mi bémol majeur op.7, de 1882. Cette courte pièce se souvient de Mozart et de sa Sérénade pour vents K 361. Car elle prévoit la même configuration de 13 instruments (flûtes, hautbois, clarinettes et bassons par deux, contrebasson et quatre cors). D'un seul tenant, elle est construite en arche. S'y succèdent une atmosphère nocturne, puis un discours s'animant peu à peu à partir d'une intervention solo du hautbois N°1 et un retour au climat méditatif du début. À la magistrale maîtrise des textures sonores et des timbres répond une exécution de haute volée par les vents du Philhar.

Nouveau changement avec Mort et Transfiguration op.24, poème symphonique composé en 1889, peu après Don Juan. Cette fresque dont le programme a fait couler beaucoup d'encre, se voit offrir une interprétation dégagée de toute grandiloquence. Un démenti apporté à ceux qui voient là une œuvre ampoulée, de par sa référence littéraire à la prose d'un certain Alexandre Ritter : les derniers jours d'un artiste terrassé par la maladie, alors qu'assailli par les souvenirs du passé, et avant qu'il n'en soit délivré, transporté en esprit dans une sorte de monde idéal. Là où d'aucuns fustigent, pas toujours à tort, la facilité d'écriture qui épouse de très près un contenu métaphysique, Mikko Franck adopte le parti du refus de l'emphase, même dans les passages les plus paroxystiques. La construction des divers épisodes est révélée dans sa netteté. Ainsi du début mystérieux d'où sourd le solo de Ier violon, puis la montée en puissance vers la lumière, avec une légère accélération pour atteindre les grands climax. Ce qui évite tout sentiment de boursouflure et montre la solidité des cordes du Philhar. Les épisodes de lyrisme ne sont pas appuyés, comme le retour du violon solo, non plus qu'est surjouée la séquence héroïque sur contrepoint de cuivres en guise de réminiscences glorieuses, préfiguration des grands torrents d’Ein Heldenleben. À l'heure de la péroraison, avec son lent cheminement cadencé crescendo et ses enroulements de violoncelles puis des violons I & II, comme ses répétitions à l'envi, on se laisse aisément captiver par la fameuse modulation straussienne. Le large ambitus de celle-ci comme la séduction de timbres qui émane de cette œuvre, les forces du Philharmonique de Radio France l'assument avec aplomb grâce à une sonorité claire que transfigure la transparence gallique de tous ses pupitres.

Les enregistrements, à l'Auditorium de Radio France, entre juin 2019 et janvier 2021, ont fait l'objet d'un soin tout particulier. Outre les techniciens habituels, on note la présence dans chaque cas d'un ''musicien metteur en ondes''. La restitution sonore prodigue un judicieux équilibre entre piano et orchestre (Burleske) ou les divers vents (Sérénade). Dans le poème symphonique Mort et transfiguration, l'étagement des plans, cordes, bois, cuivre, ressort avec netteté tout comme la profondeur du registre grave, définissant un spectre large mais cohérent, de l'extrême pianissimo aux tutti les plus chargés.

Texte de Jean-Pierre Robert  

LA SUITE APRÈS LA PUB

CD et MP3 disponibles sur Amazon



Autres articles sur ON-mag ou le Web pouvant vous intéresser


Mikko Franck, Orchestre Philharmonique de Radio France, Richard Strauss

PUBLICITÉ