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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Mikko Franck et le Philhar illuminent la Symphonie de Franck

Franck by Franck

  • ''Franck by Franck''
  • César Franck : Symphonie en ré mineur. Ce qu'on entend sur la montagne, poème symphonique
  • Orchestre Philharmonique de Radio France, dir. Mikko Franck
  • 1 CD Alpha : Alpha 561 (Distribution : Outhere Music)
  • Durée du CD : 67 min 21 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5)

Le Philhar de Radio France rejoint le roster du label Alpha. Il n'est pas anodin que ce soit avec une symphonie française, et singulièrement celle de Franck. Son directeur musical Mikko Franck éprouve une évidente empathie pour cette œuvre. Alors qu'elle est finalement peu enregistrée, cette version s'établit au premier plan, grâce à une interprétation sincère et emplie de french feeling. Une découverte de taille complète le disque : Ce qu'on entend sur la montagne, poème symphonique des quelques années antérieures.

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Composée entre 1886 et 1888, la Symphonie en ré mineur est l'une des œuvres phares de César Franck. Dédiée à Duparc, elle connaît à sa création un succès mitigé, divisant l'opinion de ses pairs, comme Debussy, plutôt pour, la traitant d'« ébouriffante », et Ravel, violemment contre, qui se dit « déconcerté par des sonorités foraines » ! C'est que le musicien a recours au procédé cyclique et promeut des sonorités non éloignées des maîtres allemands. De quoi dresser contre lui plus d'un partisan de la subtilité gallique. Elle se présente tel un triptyque qui voit un thème récurrent revenir tout au long de la composition. Le risque est grand de surcharger, de forcer le trait. Rien de tel chez Mikko Franck qui, comme d'illustres prédécesseurs, Ansermet, Plasson ou Masur, privilégie une approche naturellement fluide sur les volumes et instaure une couleur bien française, aidé il est vrai par un orchestre répondant avec le raffinement et la maîtrise instrumentale qu'on lui connaît. L'introduction Lento, sombre et grave des altos et violoncelles, se déploie pour atteindre un climax éclatant. Le chef ne cherche pas à accentuer ce qui doit couler de source au fil des longues phrases sinueuses se mesurant les unes aux autres en vastes crescendos. Comme chez Bruckner... qui se serait francisé ! Après la transition sur les appels des cors, le développement est aisé avec quelque dramatisation, annonçant un  nouveau point culminant, peu à peu monté à son apothéose. Derniers soubresauts, derniers crescendos, la coda atteint son point d'orge sans recherche de l'effet.

L'Allegretto médian, comme il en est de la Septième symphonie de Beethoven, confère à l'œuvre son originalité. La cantilène plaintive du cor anglais sur les pizziccatos des violons I & II et le contrepoint des autres cordes graves, est prise à un tempo retenu. De ce qui fait figure de Scherzo, Mikko Franck lui donne un ton aérien, presque mendelssohnien. Le développement est tout de souplesse, sans s'appesantir, et le mouvement se conclut dans la sérénité. L'Allegro non troppo final est la récapitulation de ce qui précède, aboutissement de la forme cyclique. Et de cette manière gallique, si bien assimilée par Mikko Franck. Les traits de cuivres sont ici loin des facilités fustigées par l'auteur de Daphnis et Chloé. Une note de mélancolie appert çà et là dans cette vision toute en retenue mais intense, jusqu'à la coda empreinte de mystère avec ses traits de harpe, dont l'ultime crescendo ménagé par paliers s'enfle en apothéose. Une grande et belle interprétation que distingue une exécution d'un rare poli instrumental.

Le poème de Victor Hugo ''Ce qu'on entend sur la montagne'', extrait de Feuilles mortes (1831), a inspiré un poème symphonique à Liszt mais aussi à Franck. Une grande amitié unissait les deux musiciens. Celui qu'en a tiré ce dernier, en 1847, soit dix ans avant la pièce de Liszt, est resté inédit de son vivant, et longtemps demeuré dans l'oubli. Par ses vastes proportions, qui en font une grande fresque, il n'a pas la grandiloquence du poème symphonique de Liszt. Franck épouse au plus près la pensée d'Hugo sur le ''chant de la nature'' et le ''cri de l'humanité''. Comme sorti du néant, le début de l'œuvre évoque l'harmonie des origines par un orchestre scintillant, que ponctuent des coups de cymbales quasi berlioziens. Un 2ème thème, sorte de plainte de l'humanité, s'enfle lentement, douloureux. Un 3ème se construit sur la répétition de traits des cordes et progresse obstinément en vagues successives vers un climax. Le développement dégage un sentiment d'immensité de la nature et d'élévation de la pensée, au fil de pages d'un calme évocateur, dans une architecture sonore savamment renouvelée, toujours en vastes crescendos. On remarque de beaux solos à la petite harmonie, dont la clarinette. La fin de l'œuvre mène à une harmonie retrouvée que contemplerait un œil souverain : ''Avec le temps, l'espace et la forme et le nombre'' dit Hugo. Mikko Franck ausculte cette étonnante partition avec une conviction de tous les instants et son bel orchestre, nous faisant toucher du doigt ce qui est une découverte.

Les enregistrements, à l'Auditorium de Radio France, respectivement en 2018 et en 2019, dispensent une image d'un grand naturel. L'étagement des plans est fouillé, dont la ligne des bois et des violons I bien consistants. Voilà une prise de son d'une vraie rondeur sonore, qui possède encore plus de relief dans le poème symphonique.

Texte de Jean-Pierre Robert 

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