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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : ''Le code de la route'', Hommage à Boris Vian

LeCodeDeLaRoute

  • ''Le code de la route'' Hommage à Boris Vian
  • Chansons de Boris Vian, Maurice Vaucaire, Maurice Rollinat, Charles Cros, Alfred Jarry, Maurice Mac-Nab, Vincent Hyspa, Arnaud Marzorati
  • Arrangements et transcriptions de Pierre Cussac, Arnaud Marzorati, Agathe Peyrat
  • Les Lunaisiens : Agathe Peyrat (soprano et ukulélé), Fabien Norbert (trompette), Pierre Cussac (accordéon et bandonéon), Raphaël Schwab (contrebasse), Arnaud Marzorati (baryton et direction)
  • 1 CD Muso : MU-038 (Distribution : Outhere Distribution) www.muso.mu
  • Durée du CD : 63 min 17 s
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5)

Dans la suite logique de leur CD ''Les Ballades de Monsieur Brassens'', Les Lunaisiens rendent hommage, cette fois, à Boris Vian, dans un album réjouissant. Du Caf'conc à la chanson, de l'étrange à l'incongru, du grotesque au sous-entendu plus que leste, voilà des morceaux d'anthologie d'une verve bien française, qu'honorèrent encore quelques autres comme Jarry, Hyspa ou Cros. Servis par une équipe qui connaît son affaire, sous la houlette d'Arnaud Marzorati, à la fois chanteur et arrangeur.

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Le patrimoine de la chanson française connaît une belle renommée depuis des lustres et sans doute la Révolution. Au XXème, les chansonniers se sont imposés comme des voix libres et insolentes cherchant noise au bourgeois, aux conventions et à la ligne droite. Boris Vian en est le chantre, épris de liberté, fou de jazz, terriblement inventif. Celui qu'on surnomme le « Satrape » est le « Promoteur Insigne de l'Ordre de la Grande Gidouille » au collège de Pataphysique, « la science des solutions imaginaires ». Ses textes font mouche par leur facilité à mordre dans l'absurde, à montrer du potache au rire agile, voire à imposer quelque esprit libertaire, pour des histoires simples, aptes à mettre en fureur des gens graves. Vian a puisé chez Jarry, s'est inspiré de Queneau. Il a touché au répertoire du Caf' conc et du Chat Noir. La sélection concoctée par Arnaud Marzorati raconte un Boris Vian nourri à ces sources, et dont la popularité posthume a fait plus qu'une piètre célébrité de son vivant. Ce qui le rapproche de Jarry, son maître, du poète Charles Cros ou de chansonniers comme Vincent Hyspa. Le texte est central et Marzorati le sait, qui le peaufine, le triture et le met à portée d'oreille et d'intellect : une insolence, comme l'icône qu'il défend, une morgue à pâlir, une gouaille à frémir, de la chanson politique au morceau grivois à rougir. Des portraits souvent pas tendres, sans concession. Tout cela dans des arrangements et transcriptions savamment relevées, à partir et autour d'un instrument fétiche : la trompette, celle du jazz mais aussi du classique. En compagnie d'autres chers aux Lunaisiens, l'accordéon, le ukulélé et bien sûr la contrebasse, la reine de l'accompagnement au cabaret.

Des chansons de Vian, on citera l'humour à froid de ''Envole-toi'', sur une musique de Jimmy Walter, une sordide histoire de cafard : « un gros cafard est monté sur la table ce soir / Et m'a dit me voilà / Je suis venu m'installer pour te vriller le crâne ». Ou la ''Cantate des boîtes'', musique d'Alain Goraguer, là où l'empilement de mots tient lieu de vocabulaire, quant aux diverses façons d'être d'une boîte, « coffret, drageoir, esquipot, fourreau, giberne, utricule ou vésicule... », « boîte de vitesse, à malice, à sel, à outils », mais encore « à buter les facteurs ». C'est peu dire que tout cela est bien moralisant. ''Les villes tentaculaires'', chanson dédiée à Émile Verhaeren, avec ses rimes soulignées swingue à la trompette et se termine par un solo de contrebasse. ''Monsieur Victor'' est jazzy dès son introduction instrumentale et à sa péroraison mélancolique : « on y a fait des funérailles nationales / Ce salaud là », mais « tout le monde se marrait ». Vian pouvait être à la fois parolier et musicien. Ainsi de ''Le petit Lauriston'' et son joli refrain « O gué O gué le joli Lauriston ». Dans ''A poil'', sur l'air de ''La Femme à barbe'' d'une certaine Thérésa, on se moque bien de ces dames. Qu'en diraient celles de Me too ? Car « la Femme hagarde / A barbe, arabe / établit sa domination sur la tribu des Roustes... »

Enfin ''Le code la route'', sur quelques airs traditionnels, conte une savoureuse anthologie sur ce qu'il faut faire ou ne pas faire au volant d'une automobile. Sur ''J'ai du bon tabac'' : « quand on va croiser, quand on n'y voit goutte / C'est toujours pareil, à droite faut serrer ». Sur ''Le bon Roi Dagobert'' : « il n' faut pas dépasser la vitesse réglementaire ». Sur ''Meunier tu dors'' : « tout véhicule doit être tel-leu / Que le champ de visibilité... / Soit suffisant pour que le conducteur puisse conduire sans risque d'anicroche ». Sur ''Il était une bergère'' : « une plaque de constructeur / Portant des détails saugrenus / S'ra fixée à demeure  / Et n' se démont' ra plus plus plus ». Il en faudra deux « Sinon vilain jeanfoutre / Gare aux contraventions ronron »... Et tutti quanti à la mélodie, voire au parlé. Car « Si vous n'avez pas encore de voiture, ayez soin d'apprendre aussi le code du piéton, qui vous permettra de vous faire écraser avec la loi pour vous » !

Quelques morceaux d'autres maîtres complètent l'hommage. De Maurice Rollinat, ''Les mauvais champignons'', composent une fête funèbre, de ces empoisonneurs et empoisonneuses qui « tireront parti de ces champignons verts ». Charles Cros, pour ''Le Hareng Saur'', musique de Marzorati, livre un tour de force d'humour froid grâce à la sempiternelle association de mots répétés chacun trois fois, sur un ton de plus en plus glaçant. Nous voilà au Caf'conc avec ''Chanson du décervelage'' de Jarry, sur un musique de Charles Pourny. Vincent Hyspa, et ''Le Ver solitaire'', instille un climat on ne peut plus étrange dans des répétitions forcenées et des contrastes incongrus. Enfin Maurice Mac Nab est plus que grivois, tout à fait osé/  dans ''Le Clysopompe'' ou hymnique dans ''L'Ange et l'enfant''.

Ces morceaux sont interprétés par Arnaud Marzorati avec le vrai ton du diseur caustique qui gourmande ses mots et expressions et ne perd rien de ces pochades dévastatrices, et par Agathe Peyrat, joli soprano. Ils ne nous lâchent pas un instant. Comme les musiciens des Lunaisiens : la trompette agile de Fabien Norbert, solo de l'orchestre Les Siècles et membre d'un ensemble de jazz contemporain, l'accordéon libéré de Pierre Cussac, qui le troque aussi pour le bandonéon. Raphaël Schwab à la contrebasse contribue largement à l'ambiance tous azimuts. Ils sont enregistrés, à la Cité de la Voix à Vézelay, dans une prise de son d'une belle immédiateté et parfaitement en situation.

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Texte de Jean-Pierre Robert    

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