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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Philippe Jordan dirige les symphonies Nos 6 & 8 de Beethoven

Philippe Jordan Beethoven Symphonies6et8

  • Ludwig van Beethoven : Symphonie N° 6 op. 68, ''Pastorale". Symphonie N°8 op. 93
  • Wiener Symphoniker, dir. Philippe Jordan
  • 1 CD Wiener Symphoniker : WS016 (Distribution : Sony Music)
  • Durée du CD : 65 min 22 s
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5)

Pour l'avant-dernier volume de son intégrale des symphonies de Beethoven, Philippe Jordan réunit les Sixième et Huitième, un couplage favorisé naguère par Nikolaus Harnoncourt. Dans des interprétations qui comme pour les précédentes symphonies (Nos 1 & 3, Nos 4 & 5, Nos 2 & 7), montrent une sûre réflexion sur le sens profond des œuvres et une impressionnante maîtrise technique, à la tête de "son" orchestre des Wiener Symphoniker.

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"La Pastorale recherche la liberté et la rédemption dans la nature", souligne Philippe Jordan, qui ajoute qu'il ne s'agit pas ici d'une dialectique d'imitation, comme à l'époque baroque. Et de rappeler que pour Beethoven, la description est inutile. Il faut s'attacher plutôt à l'expression du sentiment qu'à la peinture musicale. La Symphonie N° 6 op. 68, "Pastorale", créée en 1808 au Theater an der Wien, est "vraisemblablement la première pièce impressionniste". Et ce par "des moyens d'une étonnante économie", comparé à la très dramatique Cinquième, souvent en usant de motifs courts et changeants. Une volonté d'allègement, de raffinement presque "schubertien", caractérise la vision de Jordan, et une sonorité à bien des égards chambriste, flattant le registre piano, aux cordes en particulier. Ainsi de l'Allegro ma non troppo, pris à un tempo résolu et bien articulé, autorisant un travail extrêmement accompli sur celles-ci, jusqu'aux plus extrêmes nuances pppp. L'Andante, "Scène au bord du ruisseau", est pourvu de couleurs pastel dans le dialogue aérien de la flûte et du hautbois sur un tapis de cordes allégées. Jordan fait jouer ces dernières avec une sourdine de bois pour obtenir une sonorité plus caractéristique. La péroraison, de l'appel des oiseaux, flûte, hautbois et clarinette, est "une évocation, non une illustration", au-delà d'une pure description de la nature. Le sentiment de vie que renferme cette exécution, le scherzo en fournit la preuve manifeste grâce à un tempo très soutenu. Jordan assume des prises de risque comme il en va du second thème, légèrement martelé, symbolisant une scène paysanne de danse populaire proche d'une polka avec ses appels de cors précipités. La transition vers la séquence de l'orage est magistralement ménagée dans un pianissimo menaçant que ponctue soudain un gigantesque éclat sonore. L'épisode livrera sa charge ''électrique" et ses fiers climats. Beau contraste avec l'Allegretto final, dansant, dégageant une joie conquérante, pour les seuls fff de toute la symphonie, souligne Jordan. Selon lequel le mouvement devient "une exagération du finale de la Cinquième, à travers sa tranquillité, son tracé solennel, le renoncement à tout développement". Et dont le panthéisme contient déjà le "Tous les hommes deviennent frères'' de la Neuvième Symphonie. Les musiciens viennois lui offrent des sonorités d'une rare transparence et d'un exceptionnel panel de nuances.

Pour le chef, la Symphonie N° 8 op. 93 est "une musique énervée, insolente, bizarre, excentrique même, comme jamais auparavant" chez Beethoven. Ce qui transparaît dans son interprétation fort énergique. Dépourvu d'introduction, le premier mouvement Allegro vivace e con brio débute comme une bourrasque dans son accord liminaire, ouvrant sur une manière très articulée. Le court développement progresse avec une rigueur implacable, ses phrases comme des vagues s'entrechoquant. La pulsation boulée n'affecte cependant pas la lisibilité. La virtuosité des Wiener Symphoniker est remarquable, en particulier à la coda, d'un formidable drive. L'Allegretto scherzando, sorte d'Humoresque inspirée du mouvement répétitif lancinant du métronome de Maelzel, récemment inventé, porte une belle dose d'humour, qui n'a rien à envier à Josef Haydn. À moins que ce ne soit à Rossini dans l'effet d'écrasement des cordes tandis que les bois paradent à découvert. Sans parler de la péroraison dont le crescendo fait encore penser à la verve de l'italien. Le Tempo di Menuetto revient à la coupe classique, mais son trio est d'une folle ingéniosité avec son solo de violoncelle en contrepoint de l'échange savoureux entre la clarinette et les cors. Le finale Allegro vivace confine au tour de force : après un début ppp, le mode explosif triomphe, mais toujours dans cette approche racée, dansante, que Jordan aura imprimée à cette ''Petite symphonie'', comme l'appelait son auteur, comparée à sa contemporaine, la plus ambitieuse Septième. Le drive est remarquable avec même quelque effet d'accélération, libérant toutes les turbulences d'une musique qui conserve ici toujours sa plus parfaite clarté. Et ce jusque dans la fameuse succession d'accords finaux aussi compacts que tranchants. Là encore, les musiciens viennois sont d'une richesse de ton, d'une flexibilité dans le jeu, singulièrement des cordes, qui n'ont rien à envier à leurs éminents collègues des Philharmoniker. 

Les enregistrements, dans la Goldener Saal du Musikverein de Vienne, procurent une image pleine d'atmosphère, bénéficiant de l'acoustique aérée de cette salle mythique, apte à restituer toutes les facettes du travail éminemment fouillé du chef sur les volumes sonores. Remarquable à cet égard est la consistance des passages pianissimos des cordes. Comme il en va aussi de l'étagement des plans.

Texte de Jean-Pierre Robert

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