L'Incinérateur de cadavres (version restaurée) : une comédie horrifique tchèque, unique et décisive (en Blu-ray)

Note artistique : 



(4,5/5)
Synopsis
Constatant que l'Allemagne se prépare à envahir la Tchécoslovaquie et persuadé d'avoir du sang germanique, Karl Kopfrkingl, un employé modèle du four crématoire de Prague, se hâte de mettre en application la théorie raciale des nazis, en commençant par sa femme et ses enfants qu'il soupçonne d'avoir du sang juif…
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- Titre original : Spalovač mrtvol
- Support testé : Blu-ray
- Genre : comédie horrifique
- Année : 1968
- Réalisation : Juraj Herz
- Casting : Rudolf Hrušínský, Vlasta Chramostová, Miloš Vognič, Jana Stehnová, Zora Bozinová, Ilja Prachař, Eduard Kohout, Jiří Menzel
- Durée : 1 h 40 mn 30
- Format vidéo : 16/9
- Format ciné : 1,66/1 Noir et Blanc
- Sous-titrage : français
- Piste sonore : DTS-HD MA 2.0 monophonique tchèque
- Bonus : Brutalités récupérées, premier court métrage de Juraj Herz (VOST, 1965, 32 mn 07) - This Way to the Cooling Chamber, documentaire de Daniel Bird (2017, VOST, 22 mn 23) - interview de Juraj Herz, Stanislav Milota et Vlasta Chramostová (2008, VOST, 18 mn 30) - Histoire, politique et Nouvelle Vague tchécoslovaque par Christian Paigneau, réalisateur de Un conte de fées tchécoslovaque (2024, 38 mn 22) - Juraj Herz et L'Incinérateur de cadavres par Christian Paigneau et Garance Fromont, chercheuse et enseignante en cinéma spécialiste de la Nouvelle Vague tchécoslovaque (2024, 55 mn 22) - analyse esthétique par Garance Fromont (2024, 9 mn 34)
- Éditeur : Malavida / Potemkine Films
Commentaire artistique
L'Incinérateur de cadavres est le troisième long métrage du cinéaste tchécoslovaque Juraj Herz, réalisateur prolifique de 47 films souvent assimilé, contre son avis, à la Nouvelle Vague tchèque (cf. bonus). Il est vrai que ce film aux résonnances politiques explicites pourrait pencher pour un étiquetage de ce nouveau cinéma à coloration politico-réaliste, bien que visiblement L'Incinérateur de cadavres soit avant tout une comédie satirique et morbide. Le scénario coécrit par Juraj Herz et Ladislav Fuks est vaguement basé sur le roman « Spalovač mrtvol » que ce dernier publia en 1967 : si les dialogues sont conservés, leur distribution est différente et la fin modifiée est plus noire que dans le roman (la fin originale du film qui était très critique envers l’USS a été détruite par le studio). L’intrigue décrit la folie progressive qui gagne Karel Kopfrkingl qui travaille au crématorium de Prague dans les années 30. Il va peu à peu se persuader que le meurtre et la crémation purifient les morts : sous l’influence du nazisme, manipulé par le partisan Walter Reincke (Ilja Prachař), et du bouddhisme tibétain, qui hante ses hallucinations dans lesquelles il se voit en dalaï-lama, il va devenir un tueur de masse impitoyable prêt à liquider sa propre famille : sa femme Lakmé (Vlasta Chramostová), son fils Mili (Miloš Vognič) et sa fille Zina (Jana Stehnová). L'Incinérateur de cadavres est principalement construit autour des monologues de l’inquiétant et volubile Karel Kopfrkingl dont la folie furieuse est admirablement incarnée par Rudolf Hrušínský. La façade cubiste extraordinaire du crématorium de Pardubice (République tchèque), choisie par le décorateur Frantisek Straka, donne le ton de ce film singulier qui a été tourné dans diverses architectures quasi expressionnistes (cf. bonus de Daniel Bird). Le tournage s’est effectué en version muette, sans aucune prise de son, et la totalité du mixage a été réalisée en postproduction. Bien que souhaité en couleurs par son réalisateur, le film a été tourné en noir et blanc selon la volonté du directeur photo Stanislav Milota qui a systématiquement privilégié les focales courtes pour augmenter le champ de vision et changer les perspectives, ce qui rend plus pertinent la folie qui se lit sur le visage déformé de l’incinérateur et confère au film une esthétique un peu plus dérangeante. Cet aspect est conforté par le montage syncopé de Jaromír Janáček qui use et abuse d’insertion d’images insolites censées traduire la confusion mentale de Karel Kopfrkingl, comme ces détails de tableaux de Jérôme Bosh qui appuient le discours final de l’incinérateur ou ces effets de changements subit de situations et de lieux inspirés de Jean-Paul Sartre. Analysé à l’infini par les chercheurs (cf. bonus), la richesse thématique de L'Incinérateur de cadavres semble quasi inépuisable abordant tout à tour le totalitarisme, sensible en raison des liens entre les nazis et les autorités tchèques, la conscience de classe, le rôle du parti (communiste jamais explicitement cité), la propagande, l’antisionisme, etc. Amateur de films de genre, Juraj Herz n’a pas manqué d’exploiter leurs ressorts majeurs que sont la prédilection pour morbide et le goût pour l’érotisme. Mal vécu par les autorités politiques en place, L'Incinérateur de cadavres a convaincu la critique de son importance majeure dans l’histoire du cinéma et a salué autant son esthétique unique que la force de son message condamnant l’Holocauste. Selon auteur, qui avoue avoir profité en 1968 d'une totale liberté de création, L'Incinérateur de cadavres est un film qui dénonce, sur le mode grinçant de l’humour noir, la réalité de l’horreur nazie. Son style singulier provocant était déjà en prémices dans son court-métrage Brutalités récupérées (1965). Le cinéaste précise que sa volonté était de mettre « l’accent sur l’humour », qu’il qualifie d’« humour horrifique », et qu’il a été surpris des réactions différenciées des spectateurs transformant, selon les pays, l’histoire en drame déprimant ou en comédie débridée ! Pour son auteur, L'Incinérateur de cadavres est manifestement un thriller psychologique réalisé selon un style expressionniste durant l’époque bénie et éphémère du « Printemps de Prague » et l’on pourra s’amuser à déchiffrer toutes les allusions cryptées du film critiquant sévèrement le pouvoir communiste qui, ironie du sort, a été imposé par la force militaire soviétique juste après la sortie du film. Si L'Incinérateur de cadavres n’est pas une manifestation canonique de la Nouvelle Vague tchèque, sa critique politico-sociale en fait une œuvre essentielle qui n’a pas été considérée à sa juste valeur. Quel plaisir donc de la (re)voir dans une magnifique version restaurée qui aurait largement supportée une édition UHD 4K…
Commentaire technique
Nouvelle restauration numérique 4K en 2019 à partir du négatif original 35 mm et du contretype négatif d’un positif conservée aux Archives nationales du film.
La restauration a été rendue possible grâce à un don de Mme Milada Kučerová et de M. Eduard Kučera et a été réalisée par Karlovy Vary IFF dans les studios d'UPP et de Soundsquare, en coopération avec le Národní filmový archiv à Prague et le Czech Film Fund.
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Image : copie HD, splendide définition et piqué chirurgical sur les détails et les gros plans, le grain argentique est fin et homogène (tournage en 35 mm, Master Format 4K restauré), copie bien nettoyée, superbe gestion des contrastes, image très lumineuse aux éclairages francs, noirs profonds, blancs nuancés, échelle des gris harmonieuse
Son : mixage tchèque 2.0 monophonique, dialogues postsynchronisées clairs et sans distorsion ni souffle, belle dynamique sur les effets sonores et sur la musique suggestive et insolite, mélangeant valses et mélodies asiatiques, de Zdeněk Liška, pas de défaut particulier
Notre avis
Image : (4,5/5)
Mixage sonore : (4/5)
Bonus : (5/5)
Packaging : (3/5)
IMDb : https://www.imdb.com/fr/title/tt0063633/
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