L'Amour fou : un film expérimental sur une crise conjugale (en Blu-ray et DVD)

Note artistique : (4/5) 

Synopsis

Claire, comédienne, et Sébastien, metteur en scène, vivent ensemble. Claire s'apprête à jouer Hermione dans une mise en scène d'Andromaque de Racine que Sébastien et sa troupe répètent, sous l'œil d'un réalisateur de télévision qui filme leur travail. Lors d'une répétition où elle peine à dire son texte, la jeune femme quitte brusquement le théâtre. Sébastien la remplace, au pied levé, par Marta, son ancienne femme. Alors, tandis qu'au théâtre les répétitions avancent, Claire, seule dans son appartement, s'enfonce dans la tristesse.

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• Titre original : L'Amour fou
• Support testé : Blu-ray
• Genre : comédie dramatique
• Année : 1968
• Réalisation : Jacques Rivette
• Casting : Bulle Ogier, Jean-Pierre Kalfon, Josée Destoop, Michèle Moretti, Celia, Françoise Godde, Maddly Bamy, Liliane Bordoni
• Durée : 2 h 10 mn 48 + 2 h 03 mn 53
• Format vidéo : 16/9
• Format ciné : 1,85/1 Noir et Blanc (16 et 35 mm)
• Sous-titrage : français
• Piste sonore : DTS-HD MA 2.0 monophonique français
• Bonus sur le Blu-ray Partie 1 : Le Cinéma en jeu : L'Amour fou de Jacques Rivette revisité, documentaire inédit de Robert Fischer (2024, 1 h 33 mn 54)
• Bonus sur le Blu-ray Partie 2 : analyse du film par Pacôme Thiellement (2024, 61 mn 54) - entretien inédit avec Caroline Champetier et Audrey Birrien sur la restauration de L'Amour fou (2024, 26 mn 08) - entretien inédit avec Hélène Frappat (2023, 30 mn 25) - Histoires de titres : L'Amour fou, interview de Jacques Rivette par Michel Boujut (20 mn 14)
• Éditeur : Potemkine Films

Commentaire artistique  

En 1969 quand il réalise L’Amour fou, Jacques Rivette a déjà un long passé de critique aux Cahiers du cinéma, dont il fut le directeur en chef, et une réputation de cinéaste intellectuel qui, amorcée dès 1956, est affirmée avec son adaptation plébiscitée de La Religieuse (1967). De l’avis unanime, L’Amour fou à l’instar de La Maman et la Putain (1973), constitue une des œuvres phares de la Nouvelle Vague. Les nombreuses analyses, recherches et études que ce film continue de susciter (cf. bonus) attestent de son importance dans l’histoire du 7e Art. Tourné en 1967, juste avant la période particulièrement agitée qui secoua l’hexagone, mais sorti en 1969, le très long film de Jacques Rivette est autant une fine analyse du couple en crise qu’une réussite comme film expérimental. C’est en tournant Jean Renoir le patron, un documentaire pour la série Cinéastes de notre temps, que le réalisateur découvre l’attrait du cinéma vérité : dans son futur film, il demandera à son acteur de monter réellement la pièce de Racine et à ses comédiens de réellement partager collectivement la création du film. Combinant son penchant pour la littérature avec son amour du théâtre, L’Amour fou propose au spectateur une exploration singulière du thème de la jalousie : alors que le metteur en scène Sébastien (Jean-Pierre Kalfon) essaye de monter une version de la pièce de Jean Racine « Andromaque » (1667), son couple avec Claire (Bulle Ogier) est en perdition. Dès le début du film Jacques Rivette signifie au spectateur l’issue négative de son histoire qui fonctionne selon un dispositif inédit : les répétitions de la tragédie sont filmées en 16 mm par une petite équipe de télévision dirigée par André S. Labarthe dont les rushes, intégrés au film, alternent avec la vie du couple filmée en 35 mm par Jacques Rivette. Ce double tournage résulte de l’intention du cinéaste de concilier avec adresse ses deux passions, le cinéma et le théâtre,  selon une subtile correspondance entre fiction (l’appartement) et réalité (le théâtre). Cette structure narrative élaborée et chapitrée laisse entendre que le couple à la ville, Sébastien et Claire, éprouve les mêmes errances que le couple de la pièce, Pyrrhus et Hermione. Claire, comme Hermione, est jalouse des infidélités de son mari : la crise conjugale peut dès lors éclater selon une franche localisation topographique partagée entre le lieu privé, qui enferme et exaspère Claire, et le lieu public où Sébastien peut tout autant assurer son métier de metteur en scène que son pouvoir de séduction. Toute la force de ce film-fleuve singulier résulte dans la liberté retrouvée du cinéaste après la réalisation plus rigide et artificielle de La Religieuse : avec L’Amour fou, il peut compter sur l’improvisation de ses acteurs à partir d’un agenda des personnages qu’il a coécrit avec Marilù Parolini en guise de scénario, sur la fascination de la création artistique en direct et sur la dynamique théâtrale intimement liée à l’action. L’Amour fou surprend par son insistance à dynamiter les codes de la fiction par le jeu de discordance narrative du montage et par un travail très particulier sur le son avec quantité de bruits qui parasitent les voix. On l’aura compris, L’Amour fou exprime, dans une œuvre incomparable, toute l’énergie créatrice renouvelée du cinéaste : une réédition en HD intelligemment restaurée (cf. bonus) qui permettra d’apprécier toute la modernité de ce film majeur.    

Commentaire technique

Le négatif 35 mm ayant brulé dans l’incendie au laboratoire GTC en 1973, la restauration a été réalisée grâce des éléments de sources diverses conservés aux Archives du Film et dans les stocks d’Eclair-Préservation soit : 8 boîtes d’un marron incomplet, 14 boîtes d’un contretype complet et les rushes 16 mm incomplets. Le film tourné en juillet-août 1967 a été restauré en 4K au laboratoire Hiventy à Boulogne-Billancourt sous la supervision de Caroline Champetier, AFC (cf. bonus). L’étalonnage a été fait par Pauline Bassenne, la restauration numérique par Frédéric Hedin, la restauration son par Aymeric Gavend et le suivi des travaux par Audrey Birrien

Image : copie HD, définition variable, qui chute dans les plans tournés en 16 mm, piqué excellent en 35 mm, grain argentique épais en 16 mm plus fin et homogène en 35 mm (tournage en 16 mm et 35 mm, Master Format 4K), copie propre sans défaut notoire, bon contraste général, quelques plans plus délavés, blancs nuancés, noirs homogènes, gris assez harmonieux 

Son : mixage français 2.0 monophoniques, dialogues clairs (appartement) ou murmurés (théâtre), souvent parasités par les sons ambiants durant les répétitions (bruits constants de la scène en bois), léger souffle, bonne dynamique sur les ambiances (instruments de musique, trafic)

Notre avis

Image : (4/5)
Mixage sonore : (3,5/5)
Bonus : (4/5)
Packaging : (3/5)

IMDb : https://www.imdb.com/title/tt0062663/

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