Théorème : plus qu’un film, la quintessence d’une réflexion (en Blu-ray et DVD)

Note artistique : (4/5)

Synopsis

Un mystérieux personnage connu uniquement sous le nom du « Visiteur » fait son apparition dans la vie d'une famille milanaise bourgeoise typique. Très beau, très séduisant et très énigmatique, il va bouleverser l'existence de cette famille. Chacun s'éprend de lui à sa manière et, grâce à lui, va assouvir ses désirs sexuels les plus secrets et ainsi, prendre conscience de ce qu'il est réellement. L'annonce de son départ va contraindre, chaque membre de la famille à a ronter ce qui était jusqu'alors dissimulé par les artifices de la vie bourgeoise.

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Titre original : Teorema
Support testé : Blu-ray
Genre : drame
Année : 1968
Réalisation : Pier Paolo Pasolini
Casting : Silvana Mangano, Terence Stamp, Massimo Girotti, Anne Wiazemsky, Laura Betti, Andrés José Cruz Soublette, Ninetto Davoli, Carlo De Mejo
Durée : 1 h 38 mn 44
Format vidéo : 16/9
Format ciné : 1,85/1 Noir et Blanc et Couleur
Sous-titrage : français
Pistes sonores : DTS-HD MA 2.0 monophonique italien, anglais,
Bonus : Digibook limité avec le Blu-ray du film et le DVD du film - un livre « Pier Paolo Pasolini Théorème » sur la vie du cinéaste par Hervé Joubert Laurencin, professeur d'histoire du cinéma en université et spécialiste de Pasolini (68 pages) - interview de Pier Paolo Pasolini lors de la sortie de Théorème (VOST, 1969, 2 mn 55) - conversation de Pier Paolo Pasolini (VOST, 6 mn 19) - entretien avec Henri Chapier, journaliste (25 mn 9) - entretien avec Pierre Kalfon, producteur (9 mn 55) - interview de Terence Stamp (VOST, 2007, 33 mn 14) - Pier Paolo Pasolini et la raison d’un rêve de film de Laura Betti (2002, 1 h 28 mn 35)
Éditeur : Sidonis Calysta

Commentaire artistique

Sixième long métrage de Pier Paolo Pasolini, Théorème est une œuvre inclassable, une énigme selon son auteur (cf. bonus) et un film en totale rupture avec ses réalisations antérieures. Ce drame, aux multiples clés d’analyse (cf. livret bonus), qui fit scandale à sa sortie, surtout en Italie plus qu’en France (cf. bonus), doit se regarder en ayant conscience de son contexte de production dans une Italie hostile aux messages gauchistes et subversifs et à une époque où la provocation sexuelle passait mal le cap de l’interprétation allégorique et se heurtait à des tabous plus directs qu’aujourd’hui. Selon Pier Paolo Pasolini, le sujet de Théorème est une « expérience religieuse » qui passe par le bouleversement sexuel d’une famille bourgeoise milanaise provoqué par la venue d’un visiteur angélique (Terence Stamp), un homme séduisant et d’une grande douceur mais dont la fréquentation est dévastatrice. Car à son contact, chaque membre de la famille va découvrir ses désirs refoulés et vivre une crise existentielle qui va définitivement perturber Lucia, la mère inhibée (Silvana Mangano), Paolo, le père troublé (Massimo Girotti), Odetta, la fille réservée (Anne Wiazemsky), Pietro, le fils angoissé (Andrés José Cruz Soublette) et même Emilia, la bonne très pieuse qui accédera à la sainteté (Laura Betti). Malgré la polémique, amplifiée par l’affaire du poème « anti-étudiants » (cf. livret) ou à cause d’elle, Théorème sera le premier film de Pier Paolo Pasolini a obtenir un franc succès commercial alors que, paradoxalement, c’est un film d’auteur, celui d’un penseur marxiste défendant ses thèmes les plus chers, comme la transformation de la société bourgeoise et la monté du consumérisme. Ce film symbolique, donc hermétique, sera accompagné par le livre « Théorème » que le cinéaste écrivit en parallèle du tournage et qui explicite un peu plus le mystère de son contenu. Bien que des recherches aient tenté de décrypter Théorème, sans jamais venir à bout de son exceptionnelle et foisonnante complexité, on a surtout retenu sa critique antibourgeoise, la question de l’homosexualité et l’impossibilité de traquer la vérité derrière les images. Le contenu spirituel du film, compliqué par les scènes jugées obscènes, a suscité l’opprobre des catholiques traditionalistes, mais le prix OCIC des progressistes va récompenser Théorème, une œuvre capable d’affirmer l’impossibilité bourgeoise de concilier le sacré et d’évoquer le rapport entre l’humain et le divin. Théorème est filmé avec une extrême connaissance des capacités émotionnelles du cinématographe : recherches sur l’image, sur les couleurs, entre monochromie et palette colorée (le film démarre sur des couleurs fades documentaires, passe au noir et blanc, puis à la couleur franche), sur le cadre pictural assuré par Giuseppe Ruzzolini. Soutenu par un assemblage musical savant associant la partition de jazz d’Ennio Morricone et la ferveur sacrée du Requiem de Mozart,Théorème possède un montage non linéaire qui finit par renvoyer au concept du « temps suspendu » (cf. livret), emprunté à Bertolt Brecht et Roland Barthes, qui se concrétise par sa fin non conclusive, un cri dans le désert, qui laisse au spectateur toute liberté de réflexion. Avec Théorème, Pier Paolo Pasolini livre un film fascinant sans équivalent, nourri d’opinions marxiste et freudienne, et qui ne peut être réduit à une analyse, aussi profonde soit-elle, ou à une critique quelconque qui ne fera que l’effleurer. Théorème est une parabole déroutante, qui peut diviser et dont plusieurs visions ne parviendront pas en épuiser le sens, mais c’est, assurément, avec le merveilleux L’Évangile selon saint Mathieu (1964), l’un des films les plus fascinant du cinéaste italien. À revoir avec tout le plaisir visuel que procure cette copie superbement restaurée.

Commentaire technique

La restauration en 4K a été réalisée par la Fondation de la Cinémathèque de Bologne et Mondo TV Group en collaboration avec Cinema Communication Services à partir du négatif et du son original. L’étalonnage a été supervisé par le directeur photographie Luca Bigazzi. La mise à disposition des éléments utiles pour cette restauration a été faite par La Cinémathèque Nationale. Les travaux ont été effectués au laboratoire L’immagine Ritrovata en 2022.

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Image : copie HD, très belle définition et piqué remarquable sur les visages, texture argentique fine (tournage en 35 mm avec caméras Arriflex, Master Format 4K restauré en 2022), très beau nettoyage, excellente gestion du contraste qui restitue de manière détaillée les écarts des éclairages entre les extérieurs lumineux et les basses lumières, noirs solides mais ombres détaillées, étalonnage variable selon les plans selon la volonté du cinéaste mais toujours naturel, colorimétrie nuancée aux teintes réalistes, compression irréprochable

Son : mixage italien 2.0 monophonique, post-synchro claire et équilibrée, pas de distorsion ou de souffle, excellente dynamique sur les ambiances et sur la musique d’Ennio Morricone et le Requiem de Mozart ; version anglaise 2.0 monophonique, claire, équilibrée, clarté un peu en dessous de la version italienne, doublage soigné