Tatouage : une vengeance arachnéenne signe d’une crise des valeurs traditionnelles (en Blu-ray, DVD et VOD)
Note artistique : 
(4/5)
Synopsis
Parce qu'on l'empêche de vivre sa passion pour un apprenti, la jeune Otsuya fuit la maison parentale et se réfugie chez Gonji. Après avoir tenté d'abuser d'elle, ce dernier la vend au tenancier d'une maison de geishas. Un jour, un artiste fasciné par la beauté d'Otsuya lui tatoue une araignée sur le dos. C'est une révélation pour la jeune femme qui décide, dès lors, de se venger de la gente masculine.
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• Titre original : Irezumi (刺青)
• Support testé : Blu-ray
• Genre : drame
• Année : 1966
• Réalisation : Yasuzo Masumura
• Casting : Ayako Wakao, Akio Hasegawa, Gaku Yamamoto, Kei Sato, Fujio Suga, Reiko Fujiwara, Asao Uchida, Kikue Môri
• Durée : 1 h 26 mn 00
• Format vidéo : 16/9
• Format ciné : 2,35/1 (Daieiscope)
• Sous-titrage : français
• Pistes sonores : DTS-HD MA 2.0 monophonique japonais
• Bonus : combo avec el Blu-ra et le DVD du film - Le Cinéma de Masumura, entretien avec Clément Rauger (2023, 14 mn 52) - bande annonce d'origine (VO, 2 mn 16) - bande annonce de la ressortie (VOST, 1 mn 29)
• Éditeur : The Jokers
Commentaire artistique
Yasuzo Masumura réalise Tatouage en 1966 d’après un scénario de Kaneto Shindō qui s’inspire de deux nouvelles de Jun'ichirō Tanizaki : « Le tatouage » (1910) et « Le meurtre d’O-Tsuya » (1915). Le cinéaste, qui s’est formé dans les années 50 en Italie aux côtés des maestros du 7e Art (M. Antonioni, L. Visconti, F. Fellini), débute comme réalisateur en 1957 et, pour son second long métrage Jeune fille sous le ciel bleu, il dirige la jeune et jolie actrice Ayako Wakao qui va devenir son interprète de prédilection. Dans Tatouage, elle incarne Otsuya, la fille d'un riche marchand, amoureuse d’un modeste employé de son père, Shinsuke (Akio Hasegawa). Dans sa fuite, sa beauté incite un maitre tatoueur Seikichi (Gaku Yamamoto) à tatouer de force une araignée maléfique à visage humain sur son dos immaculé : marquée désormais comme dépendante d’un homme, Otsuya se transforme en ange exterminateur… emportée avec son amant (le bras armé du couple) dans un délire conspirationniste sanglant. Le film relève du mouvement artistique ero guro, sulfureux et pervers, qui combine érotisme et surréalisme macabre : ces composantes sont totalement intégrées dans l’atmosphère semi-gothique remarquablement créée par la mise en scène de Yasuzo Masumura et par le jeu intense d’Ayako Wakao. Selon les spécialistes du cinéma japonais, Tatouage recèle certaines métaphores folkloriques culturelles, en particulier celle du yōkai (démon) Jorōgumo, une créature mythologique séduisante, mi-femme, mi-araignée, capable d’attirer ses proies masculines : tout ce que représente la belle Otsuya, dont la personnalité complexe mêle les geignements de douleur proche de l’extase sexuelle et la férocité impitoyable de la tueuse, archétype de la femme fatale. Cependant la misogynie de l’intrigue, dans laquelle le sang et le sexe sont intimement liés à la personnalité de la geisha, n’est qu’apparente, car les mâles ambigus de l’histoire, veules, lâches, étriqués, ne sont pas des modèles de vertu. Outre la beauté manifeste d’Ayako Wakao, Tatouage est admirablement éclairé et photographié par Kazuo Miyagawa qui, en fonction des contraintes puritaines des années 60, parvient à montrer sur l’écran toute la sensualité dégagée par le corps de l’actrice (en fait, le dos d’une doublure) à peine dévoilé. Le film, qui possède une esthétique graphique raffinée à rapprocher de celle des estampes, se situe dans l’ère Edo qui voit se développer les tatouages corporatifs (irebokuro) ou décoratif chez les geishas et les yujos. L’araignée tatouée sur le dos d’Otsuya n’est pas un motif codifié traditionnel : elle a été conçue pour le film par le directeur artistique Yoshinobu Nishioka et dessinée par Makoto Nishida afin de donner le l’illusion du mouvement lorsque Otsuya bouge. Les gestes montrés dans le film et les sons produits sont ceux d’un véritable tatoueur professionnel de Nagoya. En dépit du soin extrême apporté aux décors, splendidement restitué par le Blu-ray, la réalisation en plans serrés chère à Yasuzo Masumura matérialise à la perfection le huis clos étouffant dans lequel se débattent les personnages animés de sentiments contradictoires comme la jouissance, l’obsession créative, la traitrise et le châtiment. Tatouage est un drame puissant qui transcende la simple vengeance d’une jeune fille abusée pour livrer le portrait d’une femme moderne échappant à la tradition. Possédée (ou non) par l’esprit du tatouage, Otsuya va utiliser le désir et le sexe comme une arme absolue pour anéantir ses tortionnaires mâles selon un renversement des valeurs qui annonçait l’émancipation féminine. Brillant.
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Commentaire technique
Restauré par Kadowaka Corporation à Tokyo Koon Co., Ltd. et Imagica Lab. Inc. Remerciements particuliers à Masahiro Miyajima pour ses conseils
Image : copie HD, superbe définition et piqué remarquable sur les gros plans (peau), texture argentique homogène (tournage en 35 mm Daieiscope, Master Format 4K 2021 restauré), image très propre, splendide contraste, image très lumineuse, noirs profonds, étalonnage chatoyant, colorimétrie vive aux superbes teintes naturelles, tons nuancés
Son : mixage 2.0 monophonique japonais, dialogues très clairs, équilibrés sans souffle ni distorsion, excellente dynamique sur les scènes d’action (meurtres) et la partition suggestive d’Hikaru Hayashi
Notre avis
Image : (5/5)
Mixage sonore : 
(4/5)
Bonus : (2/5)
Packaging : (3/5)
IMDb : https://www.imdb.com/title/tt0200740/
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