Harka : une interprétation intense et saisissante (en DVD et VOD)

Note artistique : (3/5)

Synopsis

Ali, jeune tunisien rêvant d'une vie meilleure, mène une existence solitaire, en vendant de l'essence de contrebande au marché noir. À la mort de son père, il doit s'occuper de ses deux sœurs cadettes, livrées à elles-mêmes dans une maison dont elles seront bientôt expulsées. Face à cette soudaine responsabilité et aux injustices auxquelles il est confronté, Ali s'éveille à la colère et à la révolte. Celle d'une génération qui, plus de dix ans après la révolution, essaie toujours de se faire entendre.

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• Titre original : Harka
• Support testé : DVD
• Genre : drame
• Année : 2022
• Réalisation : Lofty Nathan
• Casting : Adam Bessa, Najib Allagui, Salima Maatoug Ikbal Harbi, Khaled Brahem, Hsouna Heni, Jamel Madani, Mohamed Ouni
• Durée : 1 h 24? mn
• Format vidéo : 16/9
• Format ciné : 2,39/1
• Sous-titrage : français
• Pistes sonores : Dolby Digital 5.1 et 2.0 arabe/français
• Bonus : interview de l'acteur Adam Bessa (16 mn 05)
• Éditeur : Blaq out

Commentaire artistique

Récompensé par le prix de la meilleure performance dans la section «Un certain regard» (Cannes, 2022), l’acteur tunisien Adam Bessa incarne Ali Hamdi le protagoniste aux abois de Harka écrit et réalisé par Lofty Nathan. Le cinéaste américain d’origine égyptienne s’était fait connaitre par un documentaire sur les rodéos urbains à Baltimore : 12 O’Clock Boys (2013). Pour sa première fiction, il change de sujet pour s’intéresser aux effets du Printemps arabe en Tunisie et revenir sur le suicide par immolation de Mohammed Bouazizi en 2010, un vendeur ambulant de Sidi Bouzid. Cet acte désespéré avait provoqué la colère des habitants de la bourgade agricole et, malgré la répression, le mouvement de contestation s’était étendu rapidement pour atteindre Tunis : ce fut l’amorce des manifestations insurrectionnelles qui conduisirent au départ de Ben Ali en janvier 2011. Le scénario de Harka, qui signifie « brûler » et « migrant » en argot, analyse, selon une fiction particulière et poignante ancrée sur la terre tunisienne, les facteurs qui ont conduit un individu au suicide et les populations à la révolte. Le film s’attache à décrire les conditions économiques désastreuses qui vont entrainer Ali Hamdi dans une spirale tragique. Ne pouvant compter sur aucune aide des pouvoirs en place (gouverneur) et contraint, par la mort de son père et l’expulsion de sa famille, à subvenir à la vie de sa mère et de ses deux sœurs, il doit faire face grâce à sa débrouillardise et au trafic d’essence. Confronté à son impuissance, malgré toute sa bonne volonté de soutien de famille, Ali se laisse habiter par une colère envahissante et une souffrance intolérable. Il faut souligner la composition saisissante d’Adam Bessa à incarner cette rébellion qui gronde chez ce jeune homme qui parvient à conserver une vraie bienveillance pour son entourage, notamment pour sa jeune sœur Alyssa (Salima Maatoug). Cette rage contenue, exaspérée par les magouilles et la corruption des petits profiteurs qui s’enrichissent sur son dos, finira par s’extérioriser tragiquement et servir de révélateur à tous ces déshérités d’un système économique en faillite. Dans une veine plutôt naturaliste, Harka a profité d’un tournage à Sidi Bouzid en décors réels et d’une très belle photographie de Maximilian Pittner. En documentariste accompli, Lofty Nathan va profiter d’un casting non-professionnel et saisir l’opportunité d’une réelle manifestation locale pour une séquence. La terrible réalité du fait divers évoqué dans le film ouvre sur une dimension plus universelle qui dépasse le Printemps Arabe tunisien. Elle rejoint les colères exprimées dans tous les pays dans lesquels les populations subissent jusqu’à l’exaspération les vexations et les misères des systèmes politiques corrompus en place. Sans doute un peu inégal et parfois trop démonstratif avec ses allusions appuyées aux flammes, Harka est dominé intégralement par l’interprétation saisissante d’Adam Bessa qui mérite, à elle seule, la vision. Poignant.

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Commentaire technique

Image : copie SD, très belle définition et piqué correct, texture argentique discrète (tournage en 35 mm avec caméra Arricam LT, Master Format 4K), contraste réaliste, images lumineuses aux noirs soutenus, étalonnage naturaliste, colorimétrie nuancée aux teintes réalistes sans dominante, tons saturés

Son : mixage arabe/français 5.1, dialogues clairs et équilibrés, excellente dynamique sur les ambiances (manifestation, trafic essence en voiture) et sur la musique d’Eli Keszler, spatialisation naturaliste convaincante aux effets surrounds immersifs, LFE ponctuellement efficace