Annie colère : l’engagement absolu d’une femme ordinaire (en Blu-ray, DVD et VOD)

Note artistique : (4/5)

Synopsis

En février 1974, parce qu'elle se retrouve enceinte accidentellement, Annie, ouvrière et mère de deux enfants, rencontre le MLAC - Mouvement pour la Liberté de l'Avortement et de la Contraception - qui pratique les avortements illégaux aux yeux de tous. Accueillie par ce mouvement unique, fondé sur l'aide concrète aux femmes et le partage des savoirs, elle va trouver dans la bataille pour l'adoption de la loi sur l'avortement un nouveau sens à sa vie.

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• Titre original : Annie colère
• Support testé : Blu-ray
• Genre : drame
• Année : 2022
• Réalisation : Blandine Lenoir
• Casting : Laure Calamy, Zita Hanrot, India Hair, Rosemary Standley, Damien Chapelle, Yannick Choirat, Florence Muller, Cédric Appietto
• Durée : 1 h 59 mn 36
• Format vidéo : 16/9
• Format ciné : 1,66/1
• Sous-titrage : français
• Pistes sonores : DTS-HD MA 5.1 et 2.0 français
• Bonus : scènes coupées (15 mn 00) - entretien avec Blandine Lenoir et deux anciennes militantes du MLAC, Irène Jouannet et Brigitte Daudu (13 mn 44) - commentaire audio de Blandine Lenoir et Lucile Ruault (conseillère historique sur le film) - bande annonce (1 mn 32)
• Éditeur : Diaphana Edition Video

Commentaire artistique

Avant le vote de la loi Veil en 1974, l’avortement était un crime et un acte condamnant les femmes à recourir aux « faiseuses d’ange » (Claude Chabrol : Une affaire de femme, 1974) et à subir d’atroces souffrances (Audrey Diwan : L’Évènement, 2021). Dans les années 70, le décès de plus de 300 femmes par an ainsi que le Manifeste des 343 femmes et le Manifeste des 331 médecins incitant à la désobéissance civile, provoquent la création en avril 1973 du MLAC dont les bénévoles, médecins et féministes, vont pratiquer gratuitement l’avortement avec la méthode indolore Karman (en usage pour la première fois en 1972 dans l’appartement de Delphine Seyrig). Annie colère de Blandine Lenoir, coécrit avec Axelle Ropert, propose, par le biais de la fiction, d’évoquer ces actions et de remettre en lumière ce mouvement éphémère (18 mois) qui a incité les politiques (dont Giscard d’Estaing) à voter la loi sur l’IVG. Pour concrétiser l’histoire oubliée de cette lutte décisive, la cinéaste s’est appuyée sur le travail universitaire de Lucile Ruault soutenu à Lille en 2017 : « Le spéculum, la canule et le miroir. Les MLAC et mobilisations de santé des femmes, entre appropriation féministe et propriété médicale de l’avortement (France, 1972-1984) ». Cette étude démontre que l’existence du MLAC a eu des conséquences en profondeur sur l’émancipation féminine ainsi que comme facteur de brassage social : dans le film, les femmes qui se font avorter sont issues d’horizons très diversifiés (classes, professions, lieux). Annie, formidablement incarnée par Laure Calamy, est l’une de ces femmes qui, après subi l’avortement Karman, devient une ardente militante du MLAC qui a bouleversé sa vie d’épouse rangée anonyme. En prenant une part active, allant jusqu’à pratiquer elle-même l’avortement, elle acquiert une liberté insoupçonnée, même si Jean (Yannick Choirat) son mari, militant politique, est loin d’être un époux autoritaire et rétrograde. Pour illustrer la diversité des personnalités féminines engagées dans l'insoumission, Blandine Lenoir a fait appel à une galerie d’actrices remarquables de justesse et de délicatesse sachant évoquer l’empathie et l’écoute que se portent ces militantes comme Rosemarie Standley (Monique la chanteuse) ainsi que les professionnels de santé qui les accompagnent, en particulier Zita Hanrot (Hélène l’infirmière), India Hair (Claudine la doctoresse). Eric Caracava (Dr Chevals) et Damien Chapelle (Jean) incarnent avec douceur deux de ces médecins complices. À l’inverse de la noirceur habituelle des fictions consacrées au sujet, Annie colère présente les avortements avec une bienveillance inhabituelle et empathique, sans pour autant négliger les détails de l’opération mais sans non plus chercher à traumatiser. Deux détails précis montrent l’écoute totale de l’entourage pour la femme qui avorte : l’explication systématique de toutes les étapes et le recourt à la parole et/ou au chant pour l’apaiser. Ces séquences, particulièrement réussies et pleines de tact, attestent de la compréhension et de l’absence de jugement moral nécessaires à effacer les notions de honte et de culpabilité qui entouraient l’IVG alors considéré comme un crime. Loin du film militant, qui risquait d'être caricatural à vouloir être trop édifiant, Annie colère possède une dimension attachante et nuancée concrétisant, par le choix d’une héroïne ordinaire, humaine et touchante, les bienfaits de la solidarité et de la compassion. Le talent de toutes les comédiennes, la justesse de la reconstitution et la délicatesse de la mise en scène sont à la hauteur de l’évocation de ce combat courageux et sans sectarisme pour la liberté féminine qui allait aboutir à la loi Veil. Un acquis majeur, actuellement menacé dans certains pays, dont la conquête méritait d’être rappelée.

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Commentaire technique

Image : copie HD, excellente définition et très bon piqué sur les détails (tournage numérique avec caméra Sony Venice), gestion naturaliste du contraste avec nuances d’éclairage selon les saisons, noirs soutenus, étalonnage réaliste, colorimétrie aux teintes naturelles nuancées avec palette chromatique diversifiée (hiver, été) rappelant les émulsions des années 70, tons saturés

Son : mixage français 5.1, dialogues très clairs et équilibrés, superbe dynamique sur les ambiances (usine, rue, manif, hôpital) et la musique de Bertrand Belin, spatialisation mesurée aux effets surrounds immersifs sans excès, LFE ponctuellement efficace