Babi Yar. Contexte : un documentaire exceptionnel sur le massacre de 1941 longtemps occulté (en DVD et VOD)

Note artistique : (4,5/5)

Synopsis

Les 29 et 30 septembre 1941, le Sonderkommando 4a du Einsatzgruppe C, avec l'aide de deux bataillons du Régiment de Police Sud et de la Police auxiliaire ukrainienne, a abattu, sans la moindre résistance de la part de la population locale, 33 771 Juifs dans le ravin de Babi Yar, situé au nord-ouest de Kiev. Le film reconstitue le contexte historique de cette tragédie à travers des images d'archives documentant l'occupation allemande et la décennie qui a suivi. Lorsque la mémoire s'efface, lorsque le passé projette son ombre sur le futur, le cinéma est la voix qui peut exprimer la vérité.

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• Titre original : Babi Yar. Context (Бабий Яр. Контекст)
• Support testé : DVD
• Genre : documentaire, historique
• Année : 2021
• Réalisation : Sergei Loznitsa
• Casting : Hans Frank, Dina Pronicheva, Hans Isenmann, Anastasya Osmachko, Vladimir Artobolevsky, Nikifor Timofeyevich Kalchenko, Nikita Khrouchtchev, Ivan Konev
• Durée : 1 h 56 mn 07
• Format vidéo : 16/9
• Format ciné : 1,37/1 Noir et Blanc et Couleur
• Sous-titrage : français
• Pistes sonores : Dolby Digital 5.1 et 2.0 multilingue (ukrainien, russe, allemand, polonais)
• Bonus : Sergei Loznitsa, invité de France culture, La caméra contre l'oubli avec la traduction simultanée de Joël Chapron (2022, 32 mn 55) - Sergei Loznitsa : comment peut-on confondre le régime russe avec les œuvres des auteurs russes ?, discours au Festival de Cannes pour la remise du prix France Culture Cinéma Consécration 2022 (mai 2022, 17 mn 33)
• Éditeur : Blaq out

Commentaire artistique

En utilisant avec pertinence des images d’archives, issues de films rares de propagande allemande et soviétique et de photographies, le cinéaste ukrainien Sergei Loznitsa nous invite à découvrir toute l’horreur des massacres perpétrés par les nazis dans un ravin proche de Kiev où ils exterminèrent près de 100 à 150 000 personnes dont plus de 33000 juifs en deux jours. Babi Yar, Contexte, par le seul biais d’images documentaires d’époque restaurées et sonorisées, mais dépourvues de commentaire en voix off et de musique, nous plonge dans les années troubles de l’offensive nazie en Ukraine en 1941, puis de la reconquête par l’Armée Rouge en 1943 : ce choix artistique permet de détailler plus précisément les circonstances durant lesquelles se sont déroulées les exactions qui culminèrent les 29 et 30 septembre 1941 par l’exécution de 33 771 juifs dans la banlieue de Kiev sur le site inhospitalier de Baby Yar (« ravin de la vieille femme »). Outre l’horreur de la Shoah par balles - ce sera le massacre le plus expéditif jamais accompli par les nazis - cet épisode a été totalement gommé par les autorités soviétiques qui ont substitué le nationalisme patriotique au singularisme antisémite du carnage. Étant donné qu’avant l’arrivée de l’Armée Rouge en 1943, le Kommando 1005 dirigé par Paul Blobel avait fait déterrer et brûler tous les corps, et qu’ensuite en 1952 le site avait été transformé en dépotoir pour les briqueteries du coin avant d’être englouti par une avalanche de boue en 1961, les traces sur le site ont été perdues et il faudra attendre la perestroïka pour que le massacre soit enfin défini clairement comme celui de citoyens soviétiques juifs. Néanmoins, l’hécatombe est sortie de l’oubli dès 1961 lorsqu’Evgueni Evtouchenko lui consacre un poème que le compositeur Dimitri Chostakovitch placera au début de sa critique des crimes contre l’humanité : sa Symphonie n° 13 qui faillit ne jamais exister. Il faudra attendre 2001 pour qu’un monument soit consacré aux juifs à Kiev et en 2016 pour la création d’un centre de commémoration spécifique. On imagine la résonnance (cf. bonus à Cannes sur la position très claire du cinéaste à ce sujet) qu’a pris ce massacre occulté par les soviétique en raison des évènements actuels entre la Russie et l’Ukraine et, par conséquent, l’importance majeure du film Babi Yar, Contexte. Évitant, le plus possible, les images brutales, voire insoutenables, pour rendre son film accessible (cf. bonus), Sergei Loznitsa a pu compter sur une quantité impressionnante d’archives. Malgré les lacunes (pas d’image du massacre), le montage très réfléchi de Babi Yar, Contexte nous projette au cœur de moments marquants : l’arrive des nazis et leurs parades dans Kiev, l’attitude des ukrainiens dans les rues de la ville, les prisonniers soviétiques, les destructions de fermes par l’armée allemande, la collusion des nationalistes ukrainiens avec les nazis, les sabotages soviétiques (images exceptionnelles) causes du massacre, la libération par l’Armée Rouge, les procès avec des témoignages bouleversants (Dina Pronicheva rescapée) ou glaçant (Hans Isenmann : Obergefreiter de la division SS Viking) et les pendaisons de douze criminels de guerre nazis… Malgré l’ambiguïté des sources (films de propagande), Babi Yar, Contexte propose au spectateur une réflexion critique salutaire sur les images débarrassées de tout jugement subjectif. Et malgré un choix délibéré de limiter les horreurs visuelles, le parti formel austère retenu rend compte de la terrifiante réalité et de la barbarie de ces exactions, surtout quand on sait qu’ils furent occultés pendant plus d’un demi-siècle. Une leçon d’histoire intense et remarquable pour un rappel indispensable du devoir de mémoire mais terriblement pessimiste sur le côté obscur de la nature humaine.

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Commentaire technique

Image : copie SD, bonne définition due à la restauration et piqué correct cependant limité par le support DVD, texture argentique souvent prononcée (images d'archives : photographies et film en 35 mm), défauts minimisés, contraste variable et fluctuant en fonction des sources, images souvent lumineuses, noirs soutenus, gris bien étagés, colorimétrie chaude aux tons saturés

Son : mixage multilingue 5.1, voix claires, excellente dynamique sur les ambiances reconstituées, spatialisation impressionnante et fortement immersive avec ouverture surround bien amplifiée (véhicules, incendie, défilés, etc.), LFE très énergique sur les explosions et les tirs