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Chers Camarades ! : analyse intimiste d’un répression tragique (en Blu-ray, DVD et VOD)

Blu ray Chers Camarades 00

Note artistique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile grise(4/5)

Synopsis

Une ville de province dans le sud de l'URSS en 1962. Lioudmila est une fonctionnaire farouchement dévouée au Parti Communiste. Sa fille décide de participer à la grève d'une usine locale et les événements prennent une tournure tragique. Les autorités dissimulent la violence de la répression. Lioudmila se lance alors dans une quête éperdue à la recherche de sa fille disparue.

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• Titre original : Dorogie tovarishchi (Дорогие товарищи)
• Support testé : Blu-ray
• Genre : drame
• Année : 2020
• Réalisation : Andrei Konchalovsky
• Casting : Julia Vysotskaya, Vladislav Komarov, Andreï Gusev, Yulia Burova, Sergei Erlish, Alexander Maskelyne, Yegor Gordienko, Yuri Grishin, Roman Kalkaev
• Durée : 2 h 00 mn 35
• Format vidéo : 16/9
• Format ciné : 1,33/1 Noir et Blanc
• Sous-titrage : français
• Pistes sonores : DTS-HD MA 5.1 et 2.0 russe
• Bonus : présentation du film par Joël Chapron, historien et spécialiste du cinéma russe (7 mn 53) - entretien avec François-Xavier Nérard, Maître de conférences en histoire contemporaine à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (41 mn 55) - bande annonce (1 mn 39)
• Éditeur : Potemkine

Commentaire artistique

Le long métrage réalisé en 2020 par Andreï Kontchalovski, Chers Camarades !, auréolé du prix spécial du jury à la Mostra de Venise, expose, avec toute la distanciation artistique d’un maître du 7e Art, les tragiques évènements qui se sont déroulés en 1962 à Novotcherkassk, ancienne capitale cosaque du Don située à un millier de kilomètres au sud de Moscou. Ce fait historique, longtemps occulté par le pouvoir, résulte d’un contexte politico-économique singulier qui mérite quelques explications : on se reportera au bonus passionnant dans lequel François-Xavier Nérard expose longuement les tenants et les aboutissants de cette émeute menée par les ouvriers d’une usine de locomotives qui faillit déstabiliser le régime de Nikita Khrouchtchev. Le film propose une dramatisation de ce mouvement social en le situant dans un registre plus humain et plus concret pour le spectateur à travers le destin de quelques protagonistes emblématiques : Victor, un homme du KGB symbole du pouvoir, incarné par Andrey Gusev, et trois générations d’une même famille aux opinions tranchées, la mère Lioudmila partisane de Staline jouée par Julia Vysotskaya, la fille émeutière disparue Svetka interprétée par Yulia Burova et le père cosaque qui n’a pas oublié le passé pré-soviétique joué par Sergei Erlish, Ensemble, tous ces caractères ainsi que les nombreux personnages secondaires (officiels, ouvriers, citadins, militaires, personnel médical, etc.) permettent au cinéaste d’aborder les faits tangibles avec la volonté de réaliser un film aussi proche que possible de la réalité et qui rende compte de tous les points de vue. Au spectateur ensuite de se faire une idée sur la dimension exceptionnelle de cette émeute jugée si anticommuniste que le pouvoir en place en 1962 en fit disparaître presque toutes les traces. Pour mieux nous plonger dans l’époque, Chers Camarades ! a volontairement été tourné en noir et blanc, au format basique 1,33/1 qui était utilisé par le cinéma soviétique dans les années 60, et parfaitement maîtrisé par le directeur photo Andreï Naidenov. Pour la même raison, le casting, excepté l’actrice Julia Vysotskaya, est composé d’acteurs peu connus et de non professionnels. L’essentiel du tournage s’est fait à Moscou (complexe olympique de Loujniki et studios Mosfilm) où a été reconstituée la place principale de Novocherkassk en 1962 : la fidélité des décors donnent au film une allure digne d’un docu-fiction. Tout l’enjeu de Chers Camarades ! était d’être crédible et d’éviter tout manichéisme primaire, à charge ou à décharge, pour, au contraire, construire une intrigue sur l’équivoque des êtres, jamais ni tout blancs, ni tout noirs. Si chaque protagoniste a des raisons d’être critiqué pour ses positions,  le film révèle aussi les fragilités et les conflits intérieurs, de Viktor, habitué aux sales besognes mais capable de bienveillance, au père de Lioudmila, porté sur la bouteille mais pour une très bonne raison. Si Lioudmila, adepte de la manière forte, est clairement nostalgique du stalinisme, on la découvre si humaine à la recherche de sa fille. Son intransigeance ne résistera pas à l’absurdité des évènements lorsqu’elle sera confrontée à l’aveuglement bureaucratique des responsables tout comme sa fille admettra la fin de ses idéaux révolutionnaires. Chers Camarades ! relate avec une certaine minutie pédagogique l’enchaînement des actions : grève des ouvriers le 1er juin (contre la baisse des salaires et la hausse des prix), amplitude du mouvement social et marche vers la mairie, dispersion musclée le 2 juin par des tirs à balles réelles sur les émeutiers avec le terrible bilan de dizaines de morts et de blessés. Dans le film la thèse retenue (mais pas actuellement prouvée) serait celle de tireurs embusqués du KGB. C’est alors que commence la quête insoutenable de Lioudmila pour retrouver sa fille insurgée qui ne donne plus signe de vie tandis que sur place une chape s’abat sur les participants : chape de goudron sur le sang répandu des morts et chape morale pour les survivants contraint par menaces et par contrat de se taire à jamais. Structuré en deux parties, l’émeute et la quête de Lioudmila, Chers Camarades ! joue sur la palette des émotions : humour de l’irrationalité des dirigeants, horreur de la solution répressive, angoisse de ce que va découvrir Lioudmila. Le massacre de Novotcherkassk sera classifié secret d’état, une omerta symptomatique de la conscience morale et politique de l’ère soviétique, empêtrée dans une contradiction mortifère puisque la révolte était le fait d’ouvriers qui demandaient juste le respect de l’égalité garantie par la constitution ! Il faudra attendre 1992 pour que soit ouverte une enquête officielle dont le chef des enquêteurs de l’époque, l’actuel général Youri Bagrayev, servira de consultant pour le scénario… ce qui n’a pas empêché certains critiques russes de suspecter le film d’être russophobe. C’est dire si l’œuvre d’Andrei Konchalovsky touche une corde sensible ! Pour son esthétique, pour sa rigueur formelle et pour son interprétation remarquable, Chers Camarades ! est sans doute un film intéressant. Mais, plus que la simple évocation historique consistant à aborder frontalement la face sombre du communisme soviétique, ce film est avant tout une invitation à la réflexion sur l’ambivalence de la nature humaine. Fascinant.

 

Blu ray Chers Camarades

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Commentaire technique

Image : copie HD, définition splendide, piqué remarquable sur les gros plans et les textures (tournage avec caméra Arri Alexa Mini, Master Format 2K), excellente gestion des contrastes, image lumineuse, noirs soutenus, blancs nuancés, gamme des gris très homogène

Son : mixage russe 5.1, dialogues clairs au centre, très bonne dynamique sur les ambiances (manif, troupe), spatialisation naturaliste immersive aux effets surrounds ponctuellement amples et spectaculaires, LFE limité mais très efficace

Notre avis

Image : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile demi rouge(4,5/5)
Mixages sonores : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile grise(4/5)
Bonus : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile grise(4/5)
Packaging : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile griseetoile grise(3/5)

IMDb : https://www.imdb.com/title/tt10796286/

 

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