Silence : l’adaptation japonaise du roman de Shūsaku Endō (en Blu-ray et DVD)

Note artistique : (4/5)

Synopsis

Au XVIIe siècle, deux prêtres jésuites, le père Rodrigo et le père Garrpe, débarquent sur les côtes japonaises. Dans ce pays où la religion chrétienne est interdite et ses fidèles persécutés, les deux missionnaires sont accueillis avec enthousiasme par les croyants, obligés de se cacher pour pratiquer leur foi. Le but des deux Occidentaux est d'aider à réimplanter le christianisme dans le pays, mais également de découvrir la vérité sur leur mentor, le père Ferreira, mystérieusement disparu après sa capture par les autorités cinq ans plus tôt…

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• Titre original : Chinmoku
• Support testé : Blu-ray
• Genre : drame, historique
• Année : 1971
• Réalisation : Masahiro Shinoda
• Casting : David Lampson, Don Kenny, Tetsurô Tanba, Mako Iwamatsu, Shima Iwashita, Eiji Okada, Yoshiko Mita, Rokko Toura
• Durée : 2 h 09 mn 33
• Format vidéo : 16/9
• Format ciné : 1,37/1
• Sous-titrage : français
• Pistes sonores : DTS-HD MA 1.0 monophonique japonais
• Bonus : préface de Pascal-Alex Vincent, cinéaste et enseignant, spécialiste du cinéma japonais et co-auteur du « Dictionnaire des acteurs et actrices japonais » (2021, 6 mn 34) - bande annonce originale (3 mn 30) - bande annonce 2019 (1 mn 21)
• Éditeur : Carlotta Films

Commentaire artistique

En 1966, Shūsaku Endō, écrivain japonais catholique, publie « Silence » (沈黙 ou Chinmoku), un roman historique sur le sort de deux missionnaires jésuites envoyés au Japon en 1638 pour enquêter sur l’abjuration de l’un des leurs et pour constater les persécutions subies par les autochtones convertis. Le roman, d’ailleurs plus plébiscité par ses lecteurs de gauche que par les catholiques, reçut l’un des prix littéraires les plus importants du Japon. L’auteur indique avoir cherché à exprimer la bienveillance divine matérialisée dans la personne de Jésus qui « souffre avec nous ». Cette œuvre essentielle allait susciter un opéra (2000), une symphonie (2002) et deux films : le premier sera réalisé par Masahiro Shinoda en 1971, le second par Martin Scorsese en 2017. Le scenario de Silence, première version cinématographique du roman, a été produit par la Tōhō et adapté directement par Shūsaku Endō mais qui n’apprécia pas qu’on change la fin du film contre sa volonté. Le film sera dirigé par Masahiro Shinoda, un ex-assistant de Yasujirō Ozu devenu par la suite un réalisateur multirécompensé. Présenté à Cannes en 1972, Silence était resté inédit en France jusqu’en 2019 où il est présenté en version restaurée, ce qui a permis de découvrir cette remarquable adaptation rigoureuse et dépouillée et de se rendre combien Martin Scorsese a été influencé par ce film pour sa propre version. Sobrement filmé en grande partie en décor naturels par Kazuo Miyagawa, Silence surprend par son aspect austère et sa musique dérangeante, composée par Tōru Takemitsu. Son casting, tout aussi singulier, réunit deux acteurs anglais, Don Kenny et David Lampson qui jouent les jésuites Sebastian Rodrigo et Francisco Garrpe. Les autres comédiens sont japonais : Tetsurô Tanba incarne le missionnaire « apostat » Cristóvão Ferreira (qui exista réellement), Mako Iwamatsu joue le froussard Kichijiro et Shima Iwashita, grande actrice et épouse du réalisateur, interprète Kiku. Silence est intéressant à plus d’un titre puisqu’il informe de faits historiques méconnus et interroge sur la force de la foi. Jusqu’à la publication du roman en 1971 en France, les persécutions catholiques dans le Japon du XVIIe siècle étaient relativement ignorées : le film, dans toute sa sècheresse documentaire, en livre un aperçu sans concession qui culmine dans sa seconde partie. La description du Japon féodal et rural est dépeinte intensément au gré des aventures des deux missionnaires et de leur contact avec des populations à la croyance très rudimentaire. Silence aborde de nombreux autres thèmes cruciaux : l’exigence d’apostasie extérieure (rituelle plus que sincère) dans un souci de main mise politique plus que spirituelle sur les populations converties et la solidité de la foi en corrélation avec la question existentielle du « silence de Dieu » et du bienfondé de l’adaptation du catholicisme à l’esprit nippon, objet du débat qui s’installe entre Ferreira er Rodrigues. Si la rigueur excessive de la mise en scène convient parfaitement à une vision impartiale de la violence (tortures), cette modération semble simplifier plus que nécessaire la profondeur du roman. Le film minimise, en effet, le « silence » de Dieu en le présentant comme la cause de la renonciation de Ferreira mais en brouillant l’intercession de Jésus comme justification de celle de Rodrigues. La comparaison avec le film de Martin Scorsese, plus hollywoodien à grand spectacle, montre que le cinéaste américain a mieux saisi l’essence du roman, c’est à dire l’ambiguïté de l’apostasie imposée par Dieu lui-même, via le rite du shumi-e (piétinement d’une image pieuse) mais, en revanche le film de Masahiro Shinoda est mieux ancré dans le naturalisme avec son tournage au Japon, ses acteurs parlant tous le japonais et sa vision non occidentale. Très intéressant.

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Commentaire technique

Image : copie HD, nouveau Master restauré HD, bonne définition et piqué sur les gros plans, grain argentique régulier et discret, bonne gestion du contraste, noirs francs, image propre, étalonnage homogène, colorimétrie naturaliste aux teintes réalistes

Son : mixage japonais 1.0 monophonique, dialogues clairs et équilibrés, pas de souffle ou de saturation, excellente dynamique en particulier pour la musique de Tōru Takemitsu