Le Sang d'un poète : la mécanique du rêve sans dormir selon Jean Cocteau (en Blu-ray)

Note artistique : (4/5)

Synopsis

Une cheminée d'usine s'apprête à tomber. Durant ce temps, dans la chambre d'un poète, une statue sans bras s'anime brusquement. Cette dernière l'invite à plonger dans un miroir et de découvrir un autre monde…

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• Titre original : Le Sang d'un poète
• Support testé : Blu-ray
• Genre : fantastique
• Année : 1930
• Réalisation : Jean Cocteau
• Casting : Lee Miller, Pauline Carton, Odette Talazac, Enrique Rivero, Jean Desbordes, Fernand Dichamps, Lucien Jager, Féral Benga, Barbette
• Durée : 50 mn 43
• Format vidéo : 16/9
• Format ciné : 1,37/1 Noir et Blanc
• Sous-titrage : français
• Piste sonore : LPCM 2.0 monophonique français
• Bonus : Jean Cocteau une poétique hallucinogène de Dominique Maillet avec Claude Arnaud et Dominique Marny (2019, 28 mn 56)
• Éditeur : StudioCanal

Commentaire artistique

C’est grâce au financement du vicomte Charles De Noailles que Jean Cocteau réalise en 1930 son premier film Le Sang d’un poète : à cet époque il a déjà une solide réputation d’écrivain, de dramaturge, de poète et de peintre. Bien que la commande porte sur un film d’animation, l’artiste préfère la prise de vue réelle pour mieux construire un univers poético-fantastique souvent qualifié de « surréaliste » malgré le déni permanent de l’artiste pour cette appellation. Il faut préciser que son film a été « mécéné » en même temps que L’âge d’or de Luis Buñuel auquel il est fortement associé (d’aucun iront jusqu’à parler de plagiat!). Selon Jean Cocteau Le Sang d’un poète doit être compris comme un « blason à déchiffrer », en quelque sorte un autoportrait foncièrement métaphorique relié au mythe d’Orphée dans lequel il expose la souffrance endurée par le poète pendant l’acte de la création. Annonçant ses futures réalisations, Le Sang d’un poète traite de thèmes qui seront récurrents dans son œuvre cinématographique : la traversée du miroir, le ciel étoilé, la singularité du corps humain et la mort abrupte. Dès ce premier film, il use des effets spéciaux propres au cinéma et se joue de la temporalité : le film se déroule le temps qu’une cheminée d’usine ne s’écroule (quelques secondes) mais sans aucune logique narrative, une « manière d’employer le mécanisme du rêve sans dormir ». Le film est donc totalement déconcertant, enchaînant des séquences, sans lien de causalité, passant de la chambre du poète et du monde de l’autre côté du miroir à l’agonie d’un enfant, au suicide du poète et à la statue animée. Le Sang d’un poète, c’est le triomphe de l’imagination poétique et filmique : Jean Cocteau utilise avec un talent consommé les possibilités des artifices de l’art cinématographique que les autres arts ne peuvent lui fournir. Au moment où il réalise son film, Jean Cocteau, qui ne connaît rien au cinéma, avoue qu’il croit que son film ne sera jamais projeté et le travaille comme une « poésie plastique ». Il peut donc se lancer, sans retenue, dans des expérimentations diversifiées, parfois bancales mais toujours inventives : mélange parlant-muet, travail sur la diction et les sons, interpellation du public, mélange musical, personnages semblant défier la pesanteur le long d’un mur (en fait un décor fabriqué à l’horizontale), etc. Essai personnel, Le Sang d’un poète est un film incomparable, unique et incontournable depuis sa première projection le 20 janvier 1932.

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Commentaire technique

Image : copie HD, bonne définition mais variable selon les plans, grain argentique discret, excellente gestion des contrastes, quelques variations de densité et d’éclairages, image propre et stable, noirs profonds, gris bien étagés

Son : mixage 2.0 monophonique français, voix claires mais souffle important, pas de distorsion, spectre très limité dans les aigus, dynamique honorable qui profite à la partition de Gorges Auric