L'Étrange incident : un western pessimiste sur l’hystérie collective (en Blu-ray et DVD)

Note artistique : (4/5)

Synopsis

En 1885, au Nevada, un fermier de la région, Kinkaid, aurait été assassiné, et son bétail volé. En l’absence du shérif mais commandée par son adjoint, une troupe de cow-boys, des brutes épaisses, organise une chasse à l’homme pour retrouver l’assassin. Un vieillard, un Mexicain et un jeune homme sont accusés. Quelques citoyens s’élèvent contre cette arrestation aussi illégale qu’arbitraire…

LA SUITE APRÈS LA PUB

• Titre original : The Ox-Bow Incident
• Support testé : blu-ray
• Genre : western
• Année : 1943
• Réalisation : William A. Wellman
• Casting : Henry Fonda, Dana Andrews, Mary Beth Hughes, Anthony Quinn, William Eythe, Harry Morgan, Jane Darwell, Matt Briggs, Harry Davenport
• Durée : 1 h 15 mn 29
• Format vidéo : 16/9
• Format ciné : 1,37/1 Noir et Blanc
• Sous-titrage : français
• Piste sonore : DTS-HD MA 2.0 monophonique anglais
• Bonus : conversation entre critiques Frédéric Mercier et François Bégaudeau (33 mn 58) - La ballade des pendus, analyse par Frédéric Albert Lévy (60 mn 07) - Posse comitatus, avec IAC (6 mn 57)
• Éditeur : ESC Éditions

Commentaire artistique

Court et efficace, L’Étrange incident a loupé l’Oscar en 1943 (face à Casablanca) malgré l’intensité de son histoire et la qualité de la mise en scène de William A. Wellman qui avait toute liberté du studio pour tourner un « grand film de prestige « (comprendre : pas du tout rentable). Le thème abordé dans ce western n’est pas nouveau : il ne faut ne pas laisser la foule faire sa justice sous peine de tuer par erreur des innocents. Le scénario de Lamar Trotti traite en effet du lynchage expéditif (mot issu du juge Charles Lynch réputé pour ses procès expéditifs) faisant fi de la présomption d’innocence et se substituant aux autorités compétentes. Le récit, qui tient en haleine, narre la capture et l’exécution par un groupe de citoyens (posse comitatus) emmené par un « major » de trois hommes soupçonnés d’avoir tués un fermier. Deux persoannges, incarnés par Henry Fonda (ultime rôle avant de s’engager dans la Navy) et Harry Morgan, doivent participer contre leur gré à l’expédition et seront les témoins de l’aveuglement de la foule. Le sujet, évidemment fort, suscitera des commentaires élogieux et L’Étrange incident deviendra un western culte, une référence dans le genre, qui n’a pas fini d’alimenter les analyses (cf., bonus). Presque entièrement tourné en studio, dans des décors gigantesques, ce qui renforce son atmosphère étouffante et la noirceur de l’intrigue, L’Étrange incident est adapté d’un roman, inspiré d’un fait divers, qui enthousiasma William A. Wellman, décidé à tourner un western exempt de tout pathos. Contrairement aux classiques, ce western limite considérablement les séquences d’action, préférant s’attacher à créer l’atmosphère singulière motivée par l’intolérable attente de l’exécution : point de coup de feu ou de bagarre, les dialogues et le jeu maîtrisé des acteurs suffiront à concentrer l’attention ! Galerie de portraits finement étudiés, réactions soigneusement observées et psychologies subtilement décrites, L’Étrange incident excelle, par un admirable tableau humaniste, à décortiquer les ressorts dramatiques que recèlent les divers protagonistes, bons ou mauvais, sans jamais céder au manichéisme cher au western. Ce que démontre clairement le film, et qui fait froid dans le dos, c’est l’appétence de la foule à se laisser séduire par ses plus vils instincts : le pessimisme radical de ce western sans héros de William A. Wellman est à peine tempéré par la fameuse lettre que l’infortuné Donald Martin (Dana Andrews) adresse à sa femme. L’économie des moyens de la réalisation, concentrée sur un récit qui n’est jamais perturbé par des sous-intrigues, participe à l’efficacité de L’Étrange incident, un western, unique et mémorable, superbement photographié et éclairé par Arthur C. Miller, qui mérite vraiment la vision.

LA SUITE APRÈS LA PUB

Commentaire technique

Image : copie HD, bonne définition globale (tournage en 35 mm mais restauration 4K limitée par la disparition du négatif original et travail sur un contretype) mais le piqué est faillible, léger grain, excellent contraste respectant les éclairages tranchés du tournage, image parfois dense, propre et sans défaut, cadre stable, noirs denses, échelle de gris nuancée

Son : mixage monophonique anglais équilibré, dialogues clairs, ambiances nuancées, pas de distorsion, spectre limité