L'Homme qui rit (1928) : une adaptation mémorable de Victor Hugo (en Blu-ray et DVD)
Note artistique : (4/5)
Synopsis
En Angleterre, à la fin du XVIIe siècle. Après l'assassinat de son père par le roi Jacques, Gwynplaine, alors très jeune, est défiguré́ par des trafiquants d'enfants. Parvenant à s'enfuir, il trouve un bébé́ aveugle, Dea. Affublé d'une cicatrice qui lui fige un sourire sur le visage, Gwynplaine devient une célèbre attraction dans un spectacle ambulant. Il est surnommé l'homme qui rit…
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• Titre original : The Man Who Laughs
• Support testé : blu-ray
• Genre : muet, drame
• Année : 1928
• Réalisation : Paul Leni
• Casting : Conrad Veidt, Mary Philbin, Olga Baclanova, Brandon Hurst, Cesare Gravina, Stuart Holmes, Sam De Grasse, George Siegmann, Josephine Crowell
• Durée : 1 h 50 mn 13
• Format vidéo : 16/9
• Format ciné : 1,20/1 Noir et Blanc
• Sous-titrage : français
• Pistes sonores : DTS-HD MA 2.0 : piste audio Movietone originale (1928) ou nouvelle composition musicale du Berklee Silent Film Orchestra (2018)
• Bonus : le film par Mathieu Macheret, journaliste au Monde (24 mn 23) - Jeux musicaux, la musique de L'homme qui rit par Jacques Cambra, pianiste Ciné Concertiste (27 mn 56) - bande annonce (1 mn 20) - galerie de photographies (1 mn 21) - jaquette réversible avec affiche originale - DVD du film
• Éditeur : Elephant Films
Commentaire artistique
Lorsqu’il écrit « L’Homme qui rit » en 1866, comme à l’habitude, Victor Hugo mêle étroitement l’Histoire et la romance avec un contenu fortement politique qui n’exclue pas un ton poétique. Échec à sa publication, le roman en quatre tomes décontenance ses lecteurs par sa structure baroque aux personnages monstrueux voire grotesques et dont la narration ponctuée de métaphores est interrompue par de longues digressions. Mais la puissance évocatrice du personnage central Gwynplaine, défiguré à vie par un rictus, a immédiatement fascinée : du cinéma à la BD en passant par la comédie musicale, il a été l’objet de nombreuses adaptations. La première version cinématographique, L’Homme qui rit est un film muet « sonorisé » réalisé en 1928 à la charnière avec le cinéma parlant par Paul Leni dans les studios Universal. Pour son avant-dernier film (il meurt en 1929) le cinéaste réunit un casting de premier ordre. Le rôle principal est confié à Conrad Veidt (Lon Chaney, acteur envisagé, n’étant pas disponible) : ce grand acteur du cinéma expressionniste allemand, encensé pour son rôle de Cesare dans Le Cabinet du docteur Caligari (1920), incarne Gwynplaine avec un maquillage saisissant conçu par Jack P. Pierce à l’aide de prothèses dentaires et qui inspirera le personnage du Joker des DC Comics. Le rôle de Dea est interprété par Mary Philbin qui s’était illustrée dans Le Fantôme de l’Opéra, la version de 1925 réalisée par Rupert Julian et celui de la duchesse Juliana échoit à Olga Baclanova, l’inoubliable trapéziste Cléopâtre dans Freaks de Tod Browning (1932). Brandon Hust compose un machiavélique Bakilphredo et Cesare Gravina un touchant Ursus. On n’oubliera pas dans ce casting, le chien Zimbo devenu le loup Homo un protagoniste non négligeable de l’histoire. L’ouvrage fleuve de Victor Hugo est considérablement allégé par J. Grubb Alexander, ce qui n’empêche pas l’adaptation d’être plutôt fidèle à l’esprit du roman expurgé de toutes ses digressions et condensé en une fresque romanesque aux personnages plus grands que nature. Contrairement à ce que son titre conjecturait, L’Homme qui rit n’est pas un film d’horreur dans la lignée des productions Universal des années 20 mais un superbe drame romantique entre la belle et la bête. La mise en scène de Paul Leni, entièrement au service de la romance, s’attarde sur les péripéties dramatiques vécues derrière son rictus par Gwynplaine et son amoureuse au regard éteint, la fragile aveugle Dea. Avec une photographie expressionniste aux éclairages suggestifs de Gilbert Warrenton, non exempte de superbes mouvements de caméra, et un jeu d’acteur déclamatoire, caractéristique du muet, L’Homme qui rit exalte les grands sentiments, l’amour, l’amitié, la tolérance, et les turpitudes de l’humanité, la jalousie, la cupidité, la bestialité. Magnifiquement restauré en haute définition, la vision de L’Homme qui rit, une fois admis les codes de l’époque inhérents à l’absence de sons et l’emphase visuelle héritée du courant expressionniste, cette adaptation rend justice au drame hugolien avec ses magnifiques décors de studio et ses scènes pétries d’émotion. L’édition blu-ray donne le choix entre la bande son originale (musique, chanson et bruitages) et la musique très plaisante composée en 2018 par le Berklee Silent Film Orchestra (Boston) et dont l’analyse passionnante par Jacques Cambra, dans un bonus à voir (et à écouter) absolument, démontre tout la complexité et la subtilité d’une musique d’accompagnement de films muet. L’Homme qui rit de Paul Leni est un mélodrame romantique à l’esthétique incomparable qu’il faut avoir vu pour la splendeur plastique de sa photographie et la composition nuancée de Conrad Veidt.
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Commentaire technique
Restauration 4K en 2017 par NBCUniversal Studio Post pour Universal Pictures à partir d’une copie 35 mm composite à grain fin des archives Universal fabriquée en 1954 à partir du négatif original nitrate
Image : copie HD, format 1,20/1 respecté, très belle définition avec du piqué sur certains plans, cadre stable et bonne compression, léger grain et défauts très limités, contraste homogène, noirs francs, échelle de gris très régulière
Son : mixage original 1928 Movietone monophonique non exempt de défauts, au souffle prononcé et au spectre très limité dans les aigus ; mixage stéréophonique de mai 2018 par le Berklee Silent Film Orchestra, très dynamique avec une belle présence frontale de l’orchestre
Notre avis
Image : (4/5)
Mixages sonores : 2018 (4/5) 1928 (2,5/5)
Bonus : (4/5)
Packaging : (3/5)
IMDb : https://www.imdb.com/title/tt0019130/
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