Tabou : l’ultime chef-d’œuvre de F. W. Murnau (en Blu-ray et DVD

Note artistique : (4,5/5).

Synopsis :

Bora-Bora, une île enchanteresse du paradis tropical. Matahi, pêcheur de perles, aime passionnément la belle Reri. Mais Hitu, prêtre tout puissant de la tribu, a d'autres projets pour elle : il exige que Reri soit consacrée gardienne du temple des dieux. Désormais, elle est « tabou » : aucun homme ne doit l'approcher ni même la désirer. La fuite des amants semble la seule issue…

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• Titre original : Tabu A Story of the South Seas
• Support testé : blu-ray
• Genre : drame
• Année : 1931
• Réalisation : Friedrich Wilhelm Murnau
• Casting : Matahi, Anne Chevalier, Bill Bambridge, Hitu, Ah Fong, Jules, Mehao
• Durée : 1 h 25 mn 31
• Format vidéo : 16/9
• Format ciné : 1,19/1 noir et blanc
• Sous-titrage : anglais, français
• Piste sonore : DTS-HD MA 2.0 musique d’Hugo Riesenfeld
• Bonus : documentaire Tabou, dernier voyage d'Yves de Peretti (76 mn 38) - entretien avec Bernard Eisenschitz (50 mn 47) - court métrage Treibjagd in der Südsee sur la pêche dans les mers du sud, réalisé à partir des rushes de Tabou (1940, 11 mn 12) - livret (48 pages) : « Lettre à Salka et Berthold Viertel » de F. W. Murnau, « L'étoile du Sud » de F. W. Murnau, « The Dancing Cannibal - Itinéraire d'une héroïne de Murnau » d'Yves de Peretti, « Quelques réminiscences » de David Flaherty
• Éditeur : Potemkine et MK2

Commentaire artistique

Ultime œuvre de Friedrich Wilhelm Murnau, Tabou est né de la rencontre avec Robert Flaherty, documentariste encensé pour Nanouk l’Esquimau tourné en 1922 et qui avait ouvert la voie au docufiction. C’est d’ailleurs lui qui proposera l’idée de départ que va ensuite scénariser Edgar G. Ulmer et que filmera magnifiquement l’opérateur Floyd Crosby pour son premier long métrage. Hélas la mésentente entre les cinéastes conduira R. Flaherty, qui avait une conception de tournage radicalement opposée à celle de F. W. Murnau et trouvait scandaleux de manipuler la réalité, à abandonner la réalisation à ce dernier. La grande originalité du film ne réside pas tant dans sa belle histoire d’amour entre deux natifs de Bora Bora, une romance ardemment souhaitée par F. W. Murnau, mais dans son tournage dans les décors idylliques de la Polynésie avec la participation d’acteurs non professionnels recrutés sur place et l’utilisation du propre yacht de F. W. Murnau. La métaphore classique de la destruction de l’éden terrestre par la civilisation est au cœur de Tabou et le cinéaste parvient sans le besoin du moindre dialogue à concrétiser cette menace après nous avoir fait savourer l’innocence de ce paradis perdu. Les images de toute beauté, dans le cadre étriqué du format (1,19/1), accroissent l’ingénuité de la vie dans les îles qui ne semble s’écouler que comme une longue suite de chants, de danses, de baignades et autres tissages de colliers floraux ! C’est du moins ce qu'illustre la première partie (Le paradis) dont quelques images de baignades ont été tournées par R. Flaherty. Mais comme souvent la passion amoureuse débouche sur la tragédie de la seconde partie (Le paradis perdu) déclenchée par une décision extérieure qui consacre alors le caractère tabou de la jeune fille. Désormais, en contraste violent avec les scènes d’exposition, le film ne cesse de montrer l’inexorabilité du destin plus fort que l’amour, une vision carrément pessimiste qui s’inscrit dans la perspective de bien d’autres chefs-d’œuvre du cinéaste. Si le film est muet, il est cependant soutenu par une très belle musique composée par Hugo Riesenfeld et qui sera combinée avec quelques réminiscences classiques. Friedrich Wilhelm Murnau ne verra jamais la première de son film : il se tue en voiture le 11 mars 1931 accréditant l’idée d’une malédiction suite à un tournage assez houleux à Bora Bora et Tahiti durant dix-sept mois. Sensuel et documenté, Tabou demeure une œuvre emblématique, autant pour son témoignage précieux sur les traditions locales polynésiennes oubliées que pour son incontestable puissance artistique. Admirable.

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Commentaire technique

Il s’agit de la copie de la première version (plus longue et au montage différent) sur pellicule Kodak 1930 détenus par les héritiers de F. W. Murnau et donnée en 1982 aux Archives fédérales de Coblence. C’est la fondation Murnau qui assuré sa sauvegarde en 2005, le négatif et la restauration numérique ayant été réalisés par Haghefilm (Amsterdam). Le mastering HD de Omnimago GmbH (Ingelsheim) a été réalisé à partir du négatif de sauvegarde : images restaurées mais aucune stabilisation n’a été volontairement effectuée.

Image : copie HD, très bien définie, granulation très fine, quelques défauts sur les bords de l’image, instabilité du cadre (conservée volontairement), excellent contraste, échelle de gris régulière, défauts nettoyés

Son : mixage musicale stéréo 2.0 ample et dynamique, léger bruit de fond