Actualités DVD « Remous » : le film audacieux d’un cinéaste méconnu…

Note artistique : (4/5)

Synopsis

La belle Jeanne épouse Henry Saint Clair, jeune ingénieur brillant. Le couple est promis à un avenir radieux, quant au retour de leur voyage de noces, ils sont victimes d’un accident de voiture. Si elle est indemne, il en sort infirme. Tiraillée entre le dévouement pour son époux et le désir d’un ailleurs, la jeune femme prend un amant. Henry ira jusqu’au bout pour libérer sa femme de ce malheur conjugal, et pourtant…

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• Titre original : Remous
• Support testé : DVD
• Genre : drame
• Année : 1934
• Réalisation : Edmond T. Gréville
• Casting : Jeanne Boitel, Jean Galland, Françoise Rosay, Maurice Maillot, Diana Sari, Robert Arnoux, Lyne Clevers, Jean Kolb
• Durée : 1 h 18 mn 28
• Format vidéo : 4/3
• Format ciné : 1,33/1 noir et blanc
• Sous-titrage : anglais
• Pistes sonores : Dolby Digital 2.0 monophonique français
• Bonus : entretien avec Bertrand Tavernier (49 mn 31) - enregistrement sonore d’une interview de Edmond T. Gréville par Claude Beylie, Bertrand Tavernier et André S. Labarthe (1961, 43 mn 52) - diaporama de photographies de tournage et d’exploitation (8 mn 17) - livret (12 pages) « Un mélodrame sexuel » par Philippe Roger
• Éditeur : Doriane Films

Commentaire artistique

Hormis les cinéphiles, qui connaît Edmond T. Gréville ? Son film Remous, adapté du roman de Peggy Thompson « A Kiss in the Dark » mais surtout inspiré de D. H. Laurence, a eu pourtant la réputation de « premier » film érotique du cinéma français sur un sujet audacieux pour l’époque, l’impuissance sexuelle. Ce drame, au demeurant psychologique où les scènes « lestes » sont en réalité inexistantes (du point de vue d’un spectateur contemporain), est exprimé par une incroyable utilisation de la caméra qui simule dynamiquement les émois des protagonistes en se substituant aux interprètes. Le réalisateur a précisé qu’il avait essayé d’appliquer les méthodes de Sigmund Freud et de Carl Gustav Jung afin « de reconstituer l’atmosphère de frustration et de refoulement résultant de l’infirmité du héros ». La mise en scène est en effet essentiellement fondée sur la forme qui ne cesse de nous surprendre par ses cadrages, son attention aux décors et aux objets, son savant montage effectué par le réalisateur et Françoise Giroud. Le résultat est mémorable, singulier et mérite l’analyse ; celle-ci est d’ailleurs fort bien faite et très documentée dans le livret d’accompagnement du DVD rédigé par Philippe Roger qui souligne l’interdépendance entre ce « mélodrame sexuel » et le cinéma contemporain de Max Ophuls. L’examen de Remous permet de distinguer les ressorts cinématographiques employés par Edmond T. Gréville, grand admirateur des techniques du cinéma muet, qui utilise tour à tour la métaphore d’un plan d’eau agité, la distanciation, symbolique des objets (« traduction fétichiste de réactions intimes » selon le réalisateur), la mobilité extrême de la caméra, les surimpressions, l’ellipse et une prédilection pour la musique sur les dialogues. Réduite à la sécheresse de l’analyse, la mise en scène de Edmond T. Gréville révèle le prodigieux talent créateur (scène du cabaret, scène finale) de ce cinéaste passé de mode mais, vu avec l’émotion suscitée par le spectacle cinématographique, ce mélodrame psychanalytique, splendidement incarné par la grande comédienne Jeanne Boitel (espionne de la Résistante et épouse du directeur du Louvre Jacques Jaujard), témoigne surtout de sa dimension de film précurseur. La transposition allégorique des pulsions amoureuses, qui seront si bien évoquées dans les années 60 par les films de Louis Malle et de François Truffaut, est manifestement au cœur de l'œuvre de ce cinéaste avant-coureur méconnu du grand public dont Bertrand Tavernier s’est fait, à juste titre, l’ardent défenseur dans son dernier film Voyage à travers le cinéma français (2016). Un film qui mérite vraiment d’être redécouvert.

Commentaire technique

Copie SD restaurée par la Cinémathèque, assez précise et détaillée malgré une granulation modérée et des défauts ponctuels (rayures, taches), bon contraste, noirs francs, gris nuancés ; mixage français monophonique clair mais affectés par un souffle important et des aigus limités