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  • Michel Bedin
  • Musique

Tulle - Nuits de Nacre - du 17 au 20 septembre 2009

Pour sa vingt-deuxième édition, le célèbre festival d’accordéon de Tulle, les Nuits de nacre, avait décidé de mettre en avant l’accordéon jazz et le swing musette chers à Gus Viseur. Pour cela, l’organisatrice, Laurence Lamy, avait intitulé ses Nuits de nacre, Gratt’ Accordéon et invité, en vedette «Artiste Fil rouge», l’accordéoniste Jean-Claude Laudat. Un très bon choix.

Le 17, dans le parquet-salon à l’ancienne, c’est l’inauguration, à 18h, dans une ambiance de fête, en présence des élus dont François Hollande, et d’un préfet pétri d’humour, devant un public fort nombreux, toutes générations confondues...

...Remerciements aux bénévoles et aux sponsors, multiples, dont l’entreprise Maugein, dernier label français de fabricants d’accordéons, qui fête ses 90 ans d’existence. Dont aussi la SNCF qui a fait l’effort de fournir des tickets de train à un euro pour le parcours Brive-Tulle et idem au retour. Une tablée interminable attend le public pour un apéritif monstre fait de cocktails à base de Salers, la boisson locale à la gentiane.

Puis, c’est le Super Swing Musette de Paris, de Jean-Claude Laudat, qui ouvre le bal. Entouré de son complice Jean-Yves Dubanton (g, voc), de Samy Daussat (g) et d’Enzo Mucci (b) il donne tout de suite le ton. Son swing incomparable renoue avec celui des Jo Privat, Tony Murena et Gus. Jean-Yves Dubanton n’est pas en reste et, sur sa guitare, arpège à tout-va ou joue, avec assez de talent, les crooners (« La Belle Vie »).

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Puis, c’est la soirée sous chapiteau archibondé, avec Serge Lama, accompagné à l’accordéon par Sergio Tomassi et par Philippe Hervouet à la guitare. La voix a, certes, perdu de sa puissance, mais le spectacle, en forme de bilan de carrière, ravit un public conquis d’avance, qui est venu voir le chanteur de sa jeunesse ou bien dont il a entendu parler par ses parents. Lumières excellentes, un son très correct bien que le lieu ne s’y prête guère et un chanteur dont le métier n’est plus à démontrer. Un beau spectacle en définitive.

Le même jour, nous devions entendre de nombreux autres artistes : d’abord, la Tribal Banda qui, pendant ce festival, va jouer un peu partout dans les rues de la ville : un brass band avec accordéon diatonique, aux accents de fanfare, particulièrement dynamique. Puis le quartet Alkabaya, venu de Saint-Etienne, avec ses deux guitaristes en marcel et bretelles jouant des airs populaires, des valses ou des compositions sympathiques. Puis 5 Avenues, un couple de Marseillais, elle à l’accordéon, lui à la guitare, jouant de la chanson française intimiste, écrite comme à l’ancienne et pas prétentieuse du tout. Ou bien le quartet de Patrick Suplon, un accordéoniste à la Frédéric Schlick, venu d’Alsace avec deux guitaristes et un bassiste pour du swing musette survitaminé. Ou encore, au Globe, le trio (acc, guitare-basse, batterie) de Jacky Stéphane (Amor, amor, amor) ou bien à la Rotonde, le duo Hinkala (acc, g) qui joue du rock. Car beaucoup de cafés, de restaurants, accueillent des artistes pour des concerts ou des apéritifs-concerts. La foule est dense. On se croirait un samedi soir au Quartier latin à Paris. Et l’on n’est que le jeudi. Demain, les gens travaillent, mais le spectacle continue. A 23h30, commence le concert du quartet de William Chabbey. Admirez la distribution : Didier Ithursarry à l’accordéon, William Chabbey à la guitare, Fabien Marcoz à la contrebasse et le Martien Mourad Benhammou à la batterie. J’ai dit Martien, car Mourad Benhammou en est véritablement un. D’une inventivité étonnante, surprenant son auditoire à longueur de morceaux, ne faisant jamais deux fois la même chose, jouant aussi bien des balais que des baguettes, créant pour chaque morceau un beat différent, il est proprement époustouflant. Chabbey et Ithursarry, sur ces constructions rythmiques hardies, sont complémentaires à fond, complétant et embellissant leurs jeux l’un l’autre. D’abord deux compositions, puis William Chabbey attaque le répertoire qu’il affectionne particulièrement (Kenny Burrell entre autres). On est dans un jazz américain très tonique dont chacun, notamment Ithursarry et le guitariste se partagent les chorus. Une très très belle soirée.

Le vendredi 18, le temps est plus incertain. D’abord, les apéritifs concerts. Du jazz, il y en eut avec le quartet d’Alain Musichini (acc) et son guitariste Giovanni Angotta, à la guitare. Un excellent swing musette n’hésitant pas à reprendre des standards comme Caravan. Nous écoutons aussi le duo Morand, de la musique cajun, à la Rotonde. Ils ont dû entrer dans le bar, car la pluie vient de s’inviter en fanfare. Peu importe. Soit les musiciens se produisent à l’intérieur, comme eux, ou de façon plus ou moins abritée, comme le quartet Manaswing, devant le Globe. Sonia Rekis à l’accordéon et Eric Legrand à la guitare nous embarquent sur du swing manouche et des compositions du guitariste. La pluie a fait fuir le Divano Dromensa. Nous retrouverons ce groupe le lendemain : un quintet d’une belle tonicité, tirant les larmes du public avec Dva Guitari et ses chanteurs Vassili Tchereski (acc) et Estelle Panné (g). La place est libre quand la pluie s’arrête et un jeune jongleur-chanteur-accordéoniste non invité par le festival, Guillermo Magro, s’installe. Des airs sardes, espagnols, français, croates, chantés d’une drôle de voix de tête très prenante. Un artiste à suivre, manifestement.

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Nous nous partageons ensuite entre le concert de Michel Fugain et celui de Jean-Claude Laudat, qui sont donnés à la même heure, l’un sous le grand chapiteau, l’autre au parquet-salon d’hier. Chacun en reviendra enchanté.
Michel Fugain, sous le grand chapiteau, est entouré de sept musiciens, dont l’accordéoniste Daniel Mille, qu’on a trop peu entendu, à notre avis. C’est du beau spectacle, comme ceux auxquels nous a habitués Michel Fugain depuis des années. Festif, joyeux, convivial, ce qui n’empêche nullement le chanteur de dire sur le monde actuel ce qu’il a à dire, et qui n’est pas fait que de compliments. Normal, il y a de quoi. Quand on chante avec une conscience politique et sociale, fatalement, ça arrive. Retour sur ses succès : «Fais comme l’oiseau», «On laisse tous un jour», «Viens je t’emmène», «C’est la fête». Il raconte sa vie, rend hommage aux gens qui l’ont marqué, C’est un beau roman. Son jeu de scène est varié, vif, comme au temps du Big Bazar. Il fait semblant de se disputer avec un de ses musiciens, reçoit un coup de téléphone fictif d’Aznavour et s’excuse d’avoir saboté sa chanson. «Va vers le soleil va», «Liberté égalité fraternité», «Viva la vida». Puis rappels très mérités. «Je n’aurai pas le temps», «Chante la vie chante». Bref, un spectacle où selon son habitude, le chanteur a fait montre de sa générosité.

Quant à Jean-Claude Laudat, au parquet-salon, toujours avec son complice Jean-Yves Dubanton, il est cette fois dans du jazz carrément américain avec Laurent Fradelizi (b) et Jonathan Dickinson (dm) venu tout droit des States. L’occasion pour le public tulliste de découvrir un batteur hors pair. Jean-Claude Laudat est un sacré rythmicien et on ne sait si c’est lui qui pousse la section rythmique ou l’inverse. «Bye Bye Blackbird», des sambas, des standards, la «Danse norvégienne» de Grieg, en passant, «Lullaby of Birdland» sur tempo ultra rapide avec des breaks, une bossa pour le bassiste et le batteur, une valse, Swing manouche, de Gus Viseur, que des mamans et des papas, dans la salle du parquet-salon, exécutent avec leurs enfants, puis un bon vieux boogaloo où l’orgue Hammond est remplacé par l’accordéon de Jean-Claude Laudat.
A l’entracte, on fait un tour, juste pour voir : les rues sont noires de monde. Partout, des concerts de tous styles. Dans la rue, les Amis de la bourrée de St Privat, enfants et vieux en costume auvergnat, dansent la bourrée.
Après l’entracte, au parquet-salon, Jean-Claude Laudat continue : «Passion de Tony Murena», «Tea For Two», «Caravan de Juan Tizol», etc. Jonathan Dickinson, malgré le décalage horaire, est impérial. Puis des slows de deux heures du matin, où les couples se font plus volontaires pour danser. Un superbe concert.

Le samedi, sur le marché de Tulle et la grande brocante, passent les Pastoureaux du pays de Brive, en costume, jouant des musiques traditionnelles. Et sur le parvis de la Cathédrale, le groupe Tassouma de danseuses aux pieds nus nous offrant des danses africaines au son des tambours. Certaines semblent montées sur ressorts et infatigables. Un spectacle impressionnant.
L’après-midi, le quartet de la chanteuse Ghislaine Mouly («Je t’aime à la folie») anime le parquet-salon et la chanteuse-guitariste, avec Frédéric Valy (acc), se permet d’interpréter, ma foi fort bien, le «Gottingen» de Barbara. Un petit coup de rock, avec le groupe Aluna aux 6 Nations, un café rugbystique. Roboratif.
Au théâtre, on retrouve Jean-Claude Laudat, cette fois en accompagnateur du chanteur Eric Toulis, avec Brahim Haiouani (b), Robby Menière (dm) et Rémi Toulon (p). Si ça, ce n’est pas du jazz, il faudra qu’on nous explique. On en trouvera toujours certains pour prétendre que le jazz, c’est beaucoup plus intello, mais on n’est pas obligé de les croire. Car là, on est en plein dedans, puisqu’on est dans cette tradition des accordéonistes qui, en dépit des offensives anti-accordéon des yéyés, ont pu transmettre leur savoir et leur art, par l’intermédiaire des chanteurs. Que je vous présente Eric Toulis, trompettiste, humoriste et compositeur entre Coluche et Bernard Dimey. C’est un très bon et beau spectacle, fin, poétique, rigolo, et pas naïf pour un sou. Décapant et poétique.

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Lui succède Art Mengo, avec Lionel Suarez, qui était l’artiste «Fil Rouge» de l’an dernier. La salle, on s’en doute, était bondée. Un spectacle frais et touchant d’un chanteur «à la mode», mais en dehors des modes. Art Mengo, avec sa voix particulière, un peu éraillée, un peu étrange, avec sa personnalité d’homme fragile et réservé, conquiert aisément le public, notamment féminin.

Puis, direction le bal populaire sous le grand chapiteau (il a commencé il y a deux heures), bal en hommage à l’entreprise Maugein, la dernière en France à fabriquer des accordéons et qui fête ses 90 ans, soit la moitié de la vie de l’accordéon né le 6 mai 1829. Nous avons visité en début d’après-midi cette usine. Une visite étonnante en compagnie de gens passionnés par leur travail et d’une amabilité déconcertante. Le bal voit une pléiade d’accordéonistes, dont Jean-Claude Laudat, se succéder sur scène. Plus d’une vingtaine, venus avec leurs orchestres, et dans la salle, transformée en immense parquet-salon, ça danse, ça danse, ça danse, boléros, paso-dobles, tangos, valses et rocks.
Et partout dans la ville, des groupes de musiciens et des spectateurs…

Le dernier jour, le dimanche, après un tour sur le marché des producteurs du pays, c’est le concert final, celui de Joël Favreau, au théâtre, avec Jean-Jacques Franchin (acc), pour un hommage à Brassens, le dernier jour, dont on se souviendra longtemps. La salle est pleine, de Brassenssophiles, de Brassenssolâtres, de Brassenssomanes. Joël Favreau, le dernier accompagnateur de Brassens pendant douze ans, a la gentillesse et le respect qu’il faut pour chanter Brassens.
Du jazz, il y en avait aussi à l’exposition des photos de Bill Akwa Bétoté, où un portrait de Patrick Saussois n’a pas fini de nous questionner, parmi d’autres de Marcel Azzola ou de Marcel Loeffler.
Et puis il y avait tous ces musiciens qui ne jouaient ni jazz ni swing musette, ni musiques traditionnelles, mais dont le talent était certain. Nous pensons aux rockers de Portelli, à Mamienco, à Zakarya. Plus tous ceux que nous n’avons pu entendre tant ils étaient nombreux. Les Nuits de nacre, un festival pas comme les autres, mais tellement convivial que nous y retournerons l’an prochain et, qui sait ?, nous vous y verrons.

Texte de Michel Bedin & Yvette Canal
Photos : By courtesy of Bill Akwa Bétoté

Retrouvez vidéos, photos et infos sur le Festival Nuit de Nacre sur le site officiel :

www.accordeon.org



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