Skip to main content
PUBLICITÉ
  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Simon Rattle livre une exceptionnelle lecture de la Septième symphonie de Mahler

Dans le cadre de sa nouvelle intégrale des Symphonies de Mahler, et tout juste après la Sixième, Sir Simon Rattle présente la Septième, saisie live à Munich avec l'Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise. Une égale réussite en termes d'engagement et de perfection instrumentale, restituant à cette singulière symphonie sa puissance émotionnelle, au plus près de l'authenticité du timbre mahlérien.

Simon Rattle et la Septième Symphonie de Mahler, c'est une longue et fructueuse association avec l'une des œuvres orchestrales les plus originales du maître. Depuis Birmingham, en passant par Berlin, le chef en est à sa quatrième publication. Cette fois c'est avec L'Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise, dont il est Chefdirigent depuis la saison 2023-2024, qu'il fait équipe, prestigieuse formation s'il en est dans ce répertoire, à en juger par les enregistrements effectués par les éminents chefs mahlériens qui l'ont précédé, Kubelik, Haitink ou Jansons. S'inscrivant dans cette lignée, la présente interprétation tutoie l'exceptionnel ; comme déjà remarqué pour la Symphonie N°6. Si cette dernière cultive le tragique, la suivante, baptisée du titre apocryphe de ''Chant de la nuit'', décline des climats bien différents, tour à tour presque joyeux, fantomatiques et même d'humour, au long de ses cinq mouvements. Disposés en arche, les premier et dernier extravertis, les deux médians, dits ''Nachtmusik'' (II & IV), plus intimistes, autour du Scherzo central (III), pivot de l’œuvre. Cette apparente différence de perspectives, comme si deux styles distincts s'y confrontaient, ont contribué à forger la réputation d'accès difficile de ce septième opus. Mais l'unité est assurée par le Scherzo dont les thèmes sont dérivés à la fois de ceux du premier mouvement et des Nachtmusik.

LA SUITE APRÈS LA PUB

Ce que cette exécution de concert, avec l'adrénaline qu'elle comporte pour chef et musiciens, saisit parfaitement. Dès le premier mouvement débuté Adagio, lourd, pathétique et mystérieux - « Ici brâme la nature » disait Mahler -, est-on emporté par l'extrême tension qu'impose le chef. Qui n'hésite pas à différencier largement la dynamique, depuis l'entrée solennelle du cor solo et la marche funèbre, jusqu'à la section risoluto qui voit l'espoir naître de l’accablement. De ces états de flux et reflux, Simon Rattle installe un formidable allant. Et insuffle une totale lisibilité entre luxuriance de forte non agressifs et intense lyrisme nanti de pianissimos d'une extrême douceur, entre fière ardeur, proche du chaos, et tendresse éperdue, d'un calme profond.

Mais c'est sans doute dans les trois mouvements centraux que l'interprétation atteint son acmé. La Nachtmusik I, procession nocturne, fantomatique, « mélange d'idylle, de grotesque et d'élégie », selon Jean Matter, captive par le ton volontairement chambriste adopté par le chef, sa petite harmonie pépiante d'une beauté inouïe sous les doigts des musiciens bavarois. Cette séquence ne n'inscrit-elle pas dans la tradition des musiques nocturnes du XVIIIème, notamment mozartiennes. Elle procède de l'univers mahlérien du Wunderhorn. On savoure la tendresse, l'humanité à travers la soudaineté des enchaînements et les incessants changements de tempos, et le caractère envoûtant des pianissimos, comme si le matériau cherchait à s'évanouir. Pareille sensation avec la Nachtmusik II, marquée Andante amoroso, qui prend la forme d'une sérénade, ou d'un Lied sans parole, mélange de raillerie délicate et de tendresse souriante. Rattle ne cherche pas à mettre en exergue les fameuses interventions de la guitare et de la mandoline. Il les fond dans la texture et le traitement presque confidentiel confère au discours quelque chose de surnaturel. Au milieu de ces deux épisodes, le Scherzo en prolonge l'atmosphère. Rattle fait de sa valse déconstruite une danse d'ombre démoniaque, tournoyant sur elle-même, s'emballant pour retomber dans sa mécanique grinçante. Le trio, s'il apporte le répit, laisse vite la danse reprendre sa course infernale, avant de s'effilocher encore plus fantasque.  

Reste le Rondo-Finale qui renouant avec la faconde du premier mouvement, doit conduire la symphonie à son apothéose. Le chef accentue le contraste avec les séquences médianes, par un tempo très soutenu, pour faire émerger une énergie débordante, un climat de joyeux tumulte et une sensation de trop-plein de vie : une vision extravertie dominée par des cuivres glorieux, qui voit l'apparition fugace d'un thème tiré de Die Meistersinger de Wagner, et la reprise du rythme signature de la marche. Ces divers éléments sont assemblés avec soin et un évident plaisir de ''divertir''. Ainsi le Tempo I, Allegro ordinario devient-il un presto extrêmement articulé, quoique sans boursouflure, et le Tempo II, Allegro moderato ma energico, une course poursuite démonstrative, à laquelle l'orchestre bavarois répond avec enthousiasme, scellant une interprétation d'une exceptionnelle puissance. Une forme « d'affirmation de la vie » (ibid.).

Ce que la prise de son live à l'Isarphilharmonie im Gasteig de Munich restitue avec acuité. Le large spectre sonore permet un saisissant relief instrumental dans l'étagement des plans, dont les effets de distanciation exigés par les Nachtmusik. Les écarts dynamiques sont saisis avec une précision d'horlogerie.
Texte de Jean-Pierre Robert 

Plus d’infos

  • Gustav Mahler : Symphonie N°7
  • Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, dir. Sir Simon Rattle
  • 1 CD BR Klassik : 900225 (Distribution : Outhere Music France). Durée du CD : 75 min 38 
  • Note technique :  (5/5) 

CD disponible sur Amazon

- ACHETER LE CD

LA SUITE APRÈS LA PUB


Autres articles sur ON-mag ou le Web pouvant vous intéresser


Gustav Mahler, coup de cœur, Sir Simon Rattle, Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks

Commentaires (0)

Attach images by dragging & dropping or by selecting them.
The maximum file size for uploads is 10MB. Only gif,jpg,png files are allowed.
 
The maximum number of 3 allowed files to upload has been reached. If you want to upload more files you have to delete one of the existing uploaded files first.
The maximum number of 3 allowed files to upload has been reached. If you want to upload more files you have to delete one of the existing uploaded files first.
Commentaire de
    PUBLICITÉ