CD : Théotime Langlois de Swarte joue avec Les Quatre saisons

Naturellement tombé dans le maelström des concertos pour violon de Vivaldi, Théotime Langlois de Swarte aborde les inusables Quatre saisons. Il les met en miroir avec d'autres œuvres du Prete rosso et quelques pièces de compositeurs contemporains qui en perpétuent l'esprit, complétant un album aussi original que novateur dans sa conception et son interprétation.
Le corpus des concertos vivaldiens semble inépuisable autant que fertilisant. En témoignent les propositions discographiques toujours aussi nombreuses, parfois excentriques, le plus souvent séduisantes. Elles constituent un vrai répertoire des pratiques d'interprétation. Car l'évolution de celles-ci, notamment dans les concertos destinés au violon, ne cesse de s'enrichir, de se diversifier. Fruit d'intenses réflexions, de questionnements, de prises de risque même, depuis Fabio Biondi, Rinaldo Alessandrini, entre autres, et plus récemment Amandine Beyer. L'appétit insatiable des jeunes interprètes es-baroque trouve chez le Prete rosso matière idéale pour peaufiner jeu soliste et direction d'orchestre. Théotime Langlois de Swarte, violoniste prodige, qui ne cesse de nous étonner comme il le fait de ses pairs, dont William Christie, se plonge à son tour dans cet univers immense du concerto vivaldien. À la fois comme soliste et chef, primus inter pares en fait. Avec une rare sensibilité et une fraîcheur enthousiasmantes. Comble de témérité, il s'attaque à ce qui paraît le plus rebattu : les Quattro stagioni. Un cycle pour lequel il éprouve « une fascination profonde, emporté par l'énergie communicative d'une partition à la fois narrative, descriptive et empirique ».
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Entouré de son merveilleux Orchestre Le Consort, constitué de quelque 25 musiciens, permettant une belle transparence de texture, il déborde d'imagination dans le choix des tempos. Comme le Presto tempétueux final du concerto L'été, traversé d'éclairs et monté en formidables crescendos, au milieu desquels voltige le soliste ; ou l'infinitésimal pianissimo inaugurant L'hiver, pour s'enfler démesurément en un affolant crescendo. Pas moindre n'est l'audace quant à la manière d'aborder certains traits, déjà originaux. Comme les coups d'archets secs, rageurs, dans le contrepoint du Largo du concerto Le printemps ; ou l'obsessionnelle rengaine des cordes graves en contrepoint de la ligne sinueuse soliste au Largo de L'hiver. Frappant encore, le raffinement dans la manière de pacifier le jeu soliste, mais aussi l'accompagnement du ripieno. Ainsi du premier Allegro du concerto L'automne, comme dansé dans une joie contagieuse ; ou le final du même concerto, articulé façon danse populaire qui semble se déhancher. Enfin est-on gagné par la manière distinctive dont le violoniste-chef différencie les éclairages : Adagio de L'été, dont la partie de violon est comme gorgée de soleil ; ou l'Allegro final de L'hiver, dont émane une douceur réconfortante, le bonheur caché de pages où l'on a trop souvent perçu tristesse et mélancolie. En un mot, voilà des interprétations impressionnantes, au-delà d'une simple virtuosité gratuite, dont jaillit une vraie liberté et dispensant un étonnant naturel. Des lectures qui, interrogeant le matériau sonore pour un maximum d'effet, retrouvent l'élément figuraliste essentiel à ces quatre partitions.
Cette approche, on la retrouve dans la poignée de concertos que Langlois de Swarte met en miroir avec la célèbre tétralogie, en « exploitant les mêmes symboliques de tonalités », comme une sorte d'autre cycle des saisons. Ainsi du Concerto pour violon RV 264, dans le même Mi majeur que celui du Printemps, dont la partie soliste avec force trilles évoque la joie des danses symbolisant le renouveau de la première saison. Ou du Concerto RV 292, montrant pareille équipée démonstrative quant aux tempos et à la dynamique que ceux pratiqués dans les illustres pièces. Quant au Concerto pour cordes et violon solo RV 155 en Sol mineur, celui-là même de L'été, il déploie d'aussi riches contrastes que celui-ci.
Pour ajouter un brin de fantaisie à une somme déjà débordante d'imagination, est proposée une rareté, en première au disque : les Danze da Nuova e curiosa scuola de'balli teatrali de Gregorio Lambranzi (av. 1700-1750). Ces dix brefs morceaux en forme de duos ou de trios, pour violon, clavecin, violoncelle et percussions offrent un parfait exemple, cocasse et fantasque, de la danse théâtrale vénitienne de l'époque : truculent Mato, Rigaudon endiablé ou ce bref moment de calme apparent qu'est ''Folie d'Espagne''. Ils sont mis en valeur par des interprètes sous le charme, comme le claveciniste Justin Taylor, la violoniste Sophie de Bardonnèche et l'indispensable percussionniste Marie-Ange Petit. On entend encore avec plaisir la voix agile de la soprano Julie Roset enluminer une aria tirée du Motet de Vivaldi ''Nulla in mundo pax sincera'' (Dans le monde, il n'y a pas de paix sincère) RV 630, donnée en écho aux dernières mesures de L'hiver, installant, par opposition, l'idée de renaissance du cycle saisonnier.
Tous sont saisis avec extrême relief dans l'acoustique agréablement aérée de la Grande salle de l'Arsenal de Metz.
Texte de Jean-Pierre Robert
Plus d’infos
- ''Le Quattro stagioni''
- Antonio Vivaldi : Concertos pour violon en Mi majeur RV 269 ''Le printemps'', en Sol mineur RV 315 ''L'été'', en Fa majeur RV 293 ''L'automne'', en Fa mineur RV 297 ''L'hiver''
- Concertos pour violon en Mi majeur RV 264, en Fa majeur RV 292. Concerto pour cordes et violon solo en Sol mineur, RV 155. Largo du concerto pour basson en Fa mineur. Largo du concerto pour violon en Fa mineur RV 202 (trans. pour violon)
- Aria extr. du Motet ''Nulla in mundo pax sincera'', RV 630
- Gregorio Lambranzi : Danze da Nuova e curiosa scuola de'balli teatrali (arr. pour duo & trio par Olivier Fourés et Théotime Langlois de Swarte)
- Giorgio Gentili : Adagio extr. de la Sonate en trio en La majeur op.1 N°1
- Orchestre Le Consort, violon & dir. Théotime Langlois de Swarte
- 2 CDs Harmonia Mundi : HMM 902757.58 (Distribution :[PIAS])
- Durée du CD : 1 h 30
- Note technique :
(5/5)
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