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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : portraits de femme autour du personnage de Lucrèce

L'idée de réunir quatre cantates baroques, autant de portraits d'une femme, Lucrèce, bafouée dans sa chair et, brisant la loi du silence, résolue à se donner la mort, a inspiré à Jérôme Correas un passionnant programme. Défendu avec brio par des voix incandescentes.

La tragique et édifiante destinée de Lucrèce, femme romaine abusée par Sextus, fils de Tarquin le Superbe, qui préféra le suicide au déshonneur, les compositeurs de l'époque baroque l'ont faite leur en empruntant le genre de la cantate. Laquelle, selon Jérôme Correas revêt ici « une forme de théâtre intérieur ». Quatre musiciens abordent cet épisode d'une violence altière des derniers instants de Lucrèce : les italiens Scarlatti et Marcello, le saxon Haendel et même le français Pignolet de Montéclair, qui avec leur style propre, nous émeuvent devant l’héroïsme d'une figure mythique. Reste que ce drame est traité à travers le point de vue masculin, en l'occurrence celui du cardinal Benedetto Pamphilj, prélat romain, mécène des arts, dans l'ouvrage Lucretia romana écrit en 1688. Il a inspiré directement Scarlatti et Marcello. Le premier, dans sa Lucretia Romana, le conçoit de manière rhétorique, presque raisonnée, au fil de quatre arias décrivant successivement l'invective envers l'agresseur, le cri de vengeance, puis une séquence où Lucrèce maudit sa propre beauté, enfin une forme d'angoisse à l'approche du suicide. La soprano Amel Brahim-Djelloul y est impressionnante. Le second l'aborde dans une esthétique exacerbée. La cantate Lucrezia de Benedetto Marcello offre en effet vocalité plus tendue dès le récitatif introductif et à travers les contrastes extrêmes dont sont pourvues les deux arias, l'une très appuyée jusque dans le plus grave du mezzo-contralto, l'autre emplie d'écarts presque effrayants. Ce que Lucile Richardot restitue avec la plus extrême véhémence. 

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Au contraire, dans sa cantate La Lucrezia écrite à Rome en 1707, Haendel confère à l'héroïne une stature marmoréenne, par une écriture dramatique intense. Ici, point de voix narrative ; seule Lucrèce parle et confie ses divers états d'âme : invocation divine pour réclamer vengeance, résolution de laver l’affront par sa propre mort, offre au monde de son sacrifice, mais aussi volonté d'écraser l'impie au-delà même de la mort. L’œuvre, vocalement exigeante, se nourrit d'amples intervalles, autant de sursauts de colère inassouvie. Karine Deshayes y est souveraine. Enfin dans Morte di Lucretia, le français Michel Pignolet de Montéclair, écrivant en italien conformément au mode des goûts réunis, privilégie un récit exaltant le courage de Lucrèce. Les trois airs, sur le mode lent, expriment le deuil impuissant, l'exhortation au courage pour affronter la mort, enfin la force d'âme de ce « cœur romain ». Dans cette cantate, Sandrine Piau offre une déclamation grandiose. Elle est soutenue, comme ses trois consœurs dans les autres cantates, par la somptueuse direction de Jérôme Correas. Dirigeant son ensemble Les Paladins, réunissant ici sept musiciens, il fait résonner ce qui à travers des approches différentes, poursuit le même dessein : donner vie à un personnage historique devenu mythique. Même investissement quant à l'exécution des pièces instrumentales, dont le Concerto a cinque en Fa mineur op.1/7 de Marcello, ménageant une sombre tonalité, notamment dans son expressif Adagio. Le tout capté avec relief.
Texte de Jean-Pierre Robert 

Plus d’infos

  • ''Lucrezia''
  • Michel Pignolet de Montéclair : Morte di Lucretia
  • Alessandro Scarlatti : Lucretia Romana
  • Georg Friedrich Haendel : Lucrezia HWV 145
  • Benedetto Giacomo Marcello : Lucrezia. Concerto a cinque en Fa mineur, op.1 No7
  • Bernardo Pasquini : Il martirio dei Santi Vito (sinfonia)
  • Sandrine Piau (Montéclair), Amel Brahim-Djelloul (Scarlatti), Karine Deshayes (Haendel), soprano, Lucile Richardot (Marcello), mezzo-soprano
  • Les Paladins, clavecin et dir. Jérôme Correas
  • 1 CD Aparté : AP 359 (Distribution :[Integral])
  • Durée du CD : 64 min
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5) 

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Alessandro Scarlatti , Sandrine Piau, Michel Pignolet de Montéclair, Karine Deshayes, Amel Brahim-Djelloul, Lucile Richardot, Bernardo Pasquini, Les Paladins, Jérôme Correas, Georg Friedrich Haendel, Benedetto Giacomo Marcello

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