CD : Bach à deux clavecins

Cet album se veut l'évocation des concerts donnés dans le jardin du célèbre Café Zimmermann à Leipzig dans les années 1730. On y jouait volontiers les compositions de JS Bach. À cette fin, Loris Barrucand et Clément Geoffroy ont compilé un programme imaginaire d’œuvres du Cantor transcrites pour deux clavecins. L'esprit donc, plus que la lettre. Avec une belle dose d'ingéniosité.

Le répertoire de musique à deux clavecins seuls est peu fourni. Mais l'imagination et quelques perspicaces recherches peuvent l'enrichir. Bach n'a pas écrit de pièces pour une telle formation. En revanche, dans sa période leipzigoise, il a composé trois concertos pour deux clavecins. Est donné ici le premier, le Concerto en Do mineur BWV 1060. Et ce dans un arrangement inédit, savoir pour les deux seuls clavecins et sans orchestre. Clément Geoffroy indique avoir procédé de la sorte à partir du Concerto BWV 1061 dont le Cantor aurait prévu deux versions, l'une étant pour les deux clavecins solos. On retrouve toute l'ampleur de l'écriture concertante de Bach, alors que ce « remaniement » permet de « proposer une nouvelle énergie et de nouvelles couleurs », précise Geoffroy. Ainsi des mouvements extrêmes et du cantabile du médian, marqué Largo ovvero (c'est-à-dire Adagio).

Les autres œuvres du programme sont des transcriptions. Ainsi de deux concertos pour orgue que Bach a conçus d'après Vivaldi et son Estro Armonico. Le Concerto pour orgue en La mineur BWV 593, d'après un concerto pour deux violons, et le Concerto pour orgue en Ré mineur BWV 596, d'après un concerto pour deux violons, violoncelle et orchestre. On suit les présents transcripteurs et interprètes lorsqu'ils affirment que « le jeu à deux clavecins permet de retrouver plus aisément la matière orchestrale ». La seconde œuvre en particulier associe diverses parties qui, après un Allegro dynamique, conduit à une Fuga savante puis à un Largo e spiccato (détaché) très chantant, pour terminer sur un autre Allegro extrêmement entraînant, pris ici prestement. Loris Barrucand et Clément Geoffroy proposent encore des transcriptions de deux chorals, en en restituant toute l'intériorité : ''Nun komm’ der Heiden Heiland'' BWV 659 et ''Wachet auf, ruft uns due Stimme'' BWV 140. On citera encore la vaste Passacaglia BWV 582, originellement pour orgue, dont le thème est traité en diverses variations. Sa richesse d'écriture et sa polyphonie sont magnifiées par la présente transcription, laquelle favorise le registre grave des clavecins.

Outre un réel talent pour respecter l'esprit des œuvres dans le délicat travail de transcription pour leurs instruments, le duo Barrucand & Geoffroy fait montre d'une égale réussite quant à l'interprétation : vivacité des tempos, large nuancier de couleurs, bien mis en valeur sur les deux instruments joués, l'un d’Émile Jobin, l'autre de Jean-François Chaudeurge, tous deux d'après des clavecins de Goujon. Lesquels sont captés brillamment quant à leur disposition spatiale et de manière aérée.
Texte de Jean-Pierre Robert 

Plus d’infos

• ''Bach sous les tilleuls''
• Jean Sébastien Bach : transcriptions pour deux clavecins des Concertos pour orgue d'après Vivaldi en La mineur BWV 593 et en Ré mineur BWV 596. Et des chorals ''Nun komm' der Heiden Heiland'' BWV 659, et ''Wachet auf, ruft uns due Stimme'' BWV 140, de la Sonatina ext. de l'Actus Tragicus BWV 106, du Pedal-Exercitium BWV 598 & de la Passacaglia pour orgue en Do mineur BWV 582
• Concerto pour deux clavecins en Do mineur BWV 1060 (version sans orchestre)
• Loris Barrucand, Clément Geoffroy, clavecin
• 1 CD L'Encelade : ECL 2303 (Distribution : Socadisc & Believe digital)
• Durée du CD : 53 min
• Note technique :  (5/5)

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