CD : l'art du violon selon Johan Helmich Roman
Poursuivant son exploration du répertoire pour violon seul des XVIIème et XVIIIème siècles, Fabio Biondi aborde l’œuvre du compositeur suédois Johan Helmich Roman. À travers une poignée de ses ''Assaggi per violino solo'', il nous révèle un fascinant corpus violonistique d'une singulière virtuosité et d'une inventivité sans limite.
Le genre du ''senza basso'' (sans accompagnement), pour désigner celui de la musique pour instrument seul, le violon en l'occurrence, a connu son essor dès le milieu du XVIIème siècle, avec la Passacaille couronnant les Sonates du rosaire d'Ignace Biber (1676). Plusieurs compositeurs vont ensuite s'y essayer, dont Telemann avec ses Fantaisies pour violon solo de 1735. À cette époque, le suédois Johan Helmich Roman (1694-1758), violoniste et compositeur adulé au point de se voir appeler « le père de la musique suédoise », brille par une technique enviable. L'histoire retient que lors d'un long Grand Tour européen, le menant de Stockholm à Rome, de Londres à Dresde, de Naples à Hambourg, il rencontrera des interprètes virtuoses et maîtres célèbres du violon, tels que Geminiani, Tartini, Pisendel et probablement Telemann. Ce qui lui permet de forger son propre style. Il compose, dans les années 1730, un certain nombre d’œuvres pour son instrument, qu'il intitule Assaggi per violino solo. Fruits de son imagination, ne répondant à aucune classification particulière - exercices, études ou plus simplement fantaisies - elles puisent aux diverses esthétiques musicales alors en vogue en Europe. Elles renferment « un mélange surprenant de styles typiques de l'époque », relève Fabio Biondi. Leur diversité les inscrit dans ce qu'on appelle alors les ''goûts réunis'', mêlant influences italienne et française, voire anglo-saxonne.
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En tout cas, les Assaggi de Roman révèlent un goût prononcé pour la technique violonistique la plus avancée, repoussant les limites de l'instrument : usage des doubles cordes dans l'aigu, du jeu en pizzicato notamment dans le registre piano, d'accords complexes, d'arpèges redoutables. La recherche du nouveau, l'extrême originalité en termes d'harmonie et de rythme, tout est ici poussé à un rare degré de virtuosité. Ce qui n'a rien d'étonnant considérant l'extrême maîtrise du suédois, qui a su s'inspirer de la faconde technique de ses éminents collègues. La liberté de jeu n'a d'égale que l'inventivité de l'écriture, la constante créativité que l'étonnante concision, car ces pièces ne dépassent pas chacune les quelque 12 minutes. Les sept Assaggi réunis par Fabio Biondi sont structurés en trois ou quatre brefs mouvements. Lorsqu'ils sont tripartites, c'est selon le schéma vif-lent-vif, ou plus exceptionnellement lent-vif-lent. Le découpage en quatre parties, plus élaboré, alterne les deux modules de manière aléatoire. On citera l'Assaggio en Ré mineur BeRI 311, et le plus conséquent en La majeur BeRI 301 et son génial sens de l’improvisation, outre une indicible influence italienne. Roman donne rarement d'indications de tempo, ce qui rend ces pièces encore plus intrigantes. Ainsi de l'Assaggio en Do mineur BeRI 310 qui débute par un ''Grave'', de la pièce en Si mineur BeRI 324 comportant au médian un ''Larghetto'', ou encore du fort bref Assaggio en Sol mineur BeRI 314 qui comprend un Allegro en deuxième position et un Tempo di Minuetto en quatrième place.
Fabio Biondi fait montre d'un goût sûr et dispense une vraie générosité dans l'exécution de ces morceaux. L'éloquent sens du phrasé rencontre la virtuosité hautement maîtrisée. Sous son archet tour à tour solaire et moiré, on se délecte des harmonies subtiles et des mélodies avenantes de ce compositeur décidément original au point de capter immédiatement l'attention de l'auditeur. Une prise de son soignée dans l'acoustique agréablement aérée à la Fondazione Montis Regalis de la ville italienne de Mondovi, achève de rendre cette immersion musicale aussi séduisante qu'enrichissante.
Texte de Jean-Pierre Robert
Plus d’infos
- Johan Helmich Roman : 7 Assaggi per violino solo
- Fabio Biondi, violon
- 1 CD Naïve : V 8209 (Distribution : Believe Digital)
- Durée du CD : 70 min
- Note technique : (5/5)
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