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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : les splendeurs de l'Octuor de Schubert

Il est peu d’œuvres aussi séduisantes, même à la première écoute, que l'Octuor de Schubert. La richesse thématique, la diversité des combinaisons entre instruments sont au service d'une écriture foisonnante, presque orchestrale. Cette nouvelle version, due à l'un des ensembles chambristes de l'Orchestre Philharmonique de Berlin, se distingue par sa spontanéité et sa suprême élégance.

L'Octuor en Fa majeur D.803 de Schubert a été écrit en un temps très bref, en février 1824, sur la commande du comte Ferdinand Troyer, clarinettiste et amateur averti, qui suggéra au musicien de composer une œuvre à l'image du Septuor de Beethoven. En fait, Schubert livrera un octuor, en ajoutant un second violon à la distribution instrumentale de l'œuvre beethovénienne, savoir violon, alto, violoncelle, contrebasse, clarinette, basson et cor. Le nombre des mouvements, six, reste le même, selon une alternance rapide-lent. L'écriture est extrêmement riche, et même concertante, la clarinette singulièrement et à un moindre degré le cor, étant mis en exergue. Le ton général est celui du divertissement, non sans quelques arrière-plans plus dramatiques. Schubert entend unir ce qui relève du ton ''populaire'' et ce qui ressort d'une ambition musicale plus profonde : « le chemin vers la grande symphonie ». Car les proportions de l’œuvre sont aussi vastes que le tissu sonore est dense. Il prend pour point de départ le thème d'un des Lieder du cycle contemporain de La Belle Meunière.

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La présente interprétation des solistes du Berliner Philharmoniker, réunis dans une de ses diverses formations de musique de chambre, est d'un immense fini instrumental. Ajouté à une cohésion que seule permet la réunion de musiciens habitués à travailler ensemble. Elle possède la spontanéité et ce mélange de fraîcheur et de gravité inhérent au discours schubertien. Les tempos jamais ne s'alanguissent comme la variété des timbres reste toujours un constant bonheur. Juste milieu entre clarté classique et expressivité romantique. Passée l'introduction Adagio, l'Allegro du premier mouvement est pris à un rythme soutenu, avec un sentiment d'urgence. La section più Allegro en décuple l'allure. On remarque l'orignal duo entre le violon I et le cor. À l'Adagio, introduit par la cantilène de la clarinette lumineuse de Wenzel Fuchs, thème mémorable s'il en est, on ne traîne pas et le drame affleure çà et là au sein d'un océan de lyrisme. La reprise du thème par l'alto est empreinte de douce mélancolie. L'Allegro vivace se veut un scherzo vigoureux et souplement articulé, les cordes semblant mener le jeu sur un tempo très allant et dansant. Le trio contraste agréablement, le violoncelle s'y distinguant dans un joli contrepoint. L'Andante est bâti sur le schéma thème et variations, chacune de celles-ci mettant en valeur un instrument spécifique ou un groupe, à commencer par le violon. Puis ce seront la clarinette et le basson, dans un tempo rapide joliment troussé par les berlinois, le cor sur le commentaire subtil du violon I, le violoncelle avec la clarinette en embuscade. La cinquième, prestissime ici, unit les cordes en un irrésistible bondissement. La suivante est plus assagie. La joie triomphe à la dernière jusqu'à une péroraison lente profondément lyrique. Le Menuetto Allegretto est pris retenu, ce qui libère le sentiment douloureux sous-jacent, tandis que le passage trio renchérit en jovialité dans le registre des vents. Débuté par une introduction lente et ppp, de caractère angoissé dans le sourd bourdonnement des cordes graves, le finale bascule vite dans un Allegro fiévreux de plus en plus joyeux, fort de ses divers rebondissements.

Qu'ajouter ! Si ce n'est que la virtuosité instrumentale des Berliner, aucunement ostentatoire, se pare toujours d'élégance dans le jeu, là où le parfait équilibre entre les voix rend justice aux innombrables associations de timbres imaginées par Schubert, telles que violon-cor ou clarinette et basson. L'ampleur du récit, la vaste gamme d'émotions transcendent la complexité formelle de la pièce. Et la faconde enthousiaste n'a d'égale que la souveraine profondeur de ton. En un mot, une exécution respirant l'évidence de l'authenticité, restituant toute sa fraîcheur à cette œuvre sans pareille.

Elle bénéficie d'une prise de son multi micros très soignée dans une église-studio berlinoise. La répartition spatiale des huit instruments est finement jugée, les trois vents disposés au milieu des cordes. Outre l'excellente définition de chacune des voix, sans excès sur la ligne de basse, et la parfaite fusion entre elles, la captation instaure un sentiment de proximité comme il en est de l'écoute en salle de concert.
Texte de Jean-Pierre Robert  

Plus d’infos

  • Franz Schubert : Octuor pour cordes et vents en Fa majeur D.803
  • Philharmonic Ensemble Berlin : Simon Roturier, Angelo de Leo (violon), Ignacy Miecznikoswki (alto), Bruno Delepelaire (violoncelle), Janne Saksala (contrebasse), Wenzel Fuchs (clarinette), Andrej Žust (cor), Bence Bogányi (basson)
  • 1 CD Indésens Calliope Records : IC 027 (Distribution: Socadisc)
  • Durée du CD : 61 min 01 s
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5)

CD disponible sur Amazon

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