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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : les Goyescas ou la peinture faite musique

Les six pièces de la suite pour piano Goyescas d'Enrique Granados sont inspirées plus ou moins librement de toiles et cartons de Francisco de Goya. C'est tout un condensé d'Espagne que révèle cette musique colorée et généreuse, aux mille facettes. Le pianiste espagnol Javier Perianes en livre des exécutions flamboyantes, dans la lignée de l'illustre Alicia de Larrocha.

Avec Goyescas, son œuvre la plus renommée, dont les deux Livres ont été composés entre 1911 et 1913, Granados met en scène son amour pour la peinture de son compatriote Goya. Comme dans celle des toiles et cartons du maître, la palette du musicien recrée l'imaginaire du peintre. Sous-titré ''Los majos enamorados'' (Les beaux amoureux), le recueil figure une suite de colloques galants entre jeunes gens, qui tourne au drame lorsque l'amour et la mort viennent à s'affronter. Un mini drame aussi que ces bribes de dialogues sans paroles dont le contenu se resserre au fil des diverses séquences. Sous une apparente improvisation, l'aspect rhapsodique de l'écriture pianistique offre un récit structuré et extrêmement varié. C'est ce à quoi Javier Perianes s'attache dans son interprétation. Ainsi de la première pièce ''Los requiebros'' (Les propos galants), sur une danse de Jota, qui clame les compliments de l'homme quant aux charmes de la dame. Le colloque sentimental, assumé semble-t-il, de ''Coloquio en la reja'' (conversation échangée à la grille) développe une polyphonie originale ponctuée d'imposants accords dans le grave et de phrases affirmatives à la main gauche, alors que la main droite caracole de manière expressive. La touche espagnolisante est presque plus vraie que nature. ''El fandango de candil'' (Le fandango à la lueur de la bougie), marqué « avec beaucoup de rythme », est articulé ici, comme le requiert cette danse populaire madrilène. Son ostinato qui s'appesantit, ne semble plus vous lâcher. La pièce a été dédiée au célèbre pianiste Ricardo Viňes. ''Quejas, o la maja y el ruseñor'' (Complainte, ou la jeune fille et le rossignol) offre les contours d'un lied mélancolique car emprunté à une chanson populaire, d'une profondeur vraie, qui fait place, dans ses dernières pages, à une bouffée de poésie pure. Perianes négocie avec aisance les diverses ruptures dans le narratif comme les abondants trilles, dignes de Scarlatti.

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La longue et grandiose ballade ''El amor y la muerte : Balada'' (Ballade de l'amour et de la mort), qui ouvre le Livre II, est douloureuse tel un drame. La narration contrastée mêle mélancolie et ardeur jusqu'à l'adieu comme résigné. Le pianisme généreux exploite l'entier spectre sonore de l'instrument : graves imposants, quinte aiguë éloquente. Les pages ultimes composent une sorte de réminiscence d'un passé aimé, dont la satire n'est pas exclue. La dernière pièce, ''Serenata del espectro'' (Sérénade du spectre), dédiée à Alfred Cortot, livre un chant d'amour fredonné par un spectre à sa bien-aimée depuis l'au-delà. Goya et ses mystères sont là dans cette scène expressionniste que les notes piquées, répétées et saccadées et autres arpèges rendent fantomatique, non sans une note d'ironie. Ce morceau en forme d'épilogue récapitule les morceaux précédents. Dans cette somme pianistique majeure de la littérature musicale espagnole, Javier Perianes offre un jeu éminemment nuancé, très séduisant, alliant une large palette de couleurs à des contours marqués, sans dureté aucune, comme une extrême souplesse rythmique à la sûreté des ornements.

On le mesure encore dans la pièce El pelele (Le pantin), directement inspirée de la célèbre peinture de Goya, carton pour une tapisserie royale. Dite ''escena goyesca'', elle se situe dans la lignée des Goyescas. Là encore, elle figure une danse combien hispanique, combinant une once de nostalgie mais aussi de fierté.

La prise de son, à l'auditorium de Zaragoza, met parfaitement en valeur le Steinway, pour un rendu sonore immédiat et coloré.
Texte de Jean-Pierre Robert 

Plus d’infos

  • Enrique Granados : Goyescas op.11. El pelele
  • Javier Perianes, piano
  • 1 CD Harmonia Mundi : HMM 902626 (Distribution : [PIAS])
  • Durée du CD : 64 min 56 s
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5)

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