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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : la face ''moine'' de Francis Poulenc

Commémoration oblige, cette fin d'année remet sur le devant de la scène Francis Poulenc, disparu il y a soixante ans. Le présent album associe deux œuvres appartenant à la veine religieuse du musicien, Les Litanies à la Vierge noire et le Stabat Mater. L'Ensemble Aedes, qui se fait un devoir de défendre le répertoire vocal français, celui de Poulenc singulièrement, en offre des exécutions habitées.

On a beaucoup disserté sur les deux faces de Janus de Francis Poulenc, à la fois ''moine et voyou'' pour caractériser un parcours personnel et créatif partagé entre mysticisme revendiqué et vie trépidante homosexuelle au sein du Tout-Paris. Le versant spirituel et pieux, qui s'affirme suite à une visite en 1936 au sanctuaire marial de Rocamadour, allait illustrer une partie significative de sa production, pour connaître son apogée avec l'opéra Dialogues des carmélites. La première des œuvres de cette veine, Litanies à la Vierge noire, a été composée d'une seule traite en 1936, immédiatement après le choc généré par ladite visite, chez un homme qui se disait jusqu'alors athée. Elle sera créée la même année par Nadia Boulanger à la BBC, avant la première française à Lyon, l'année suivante. C'est d'ailleurs Nadia Boulanger qui conseilla Poulenc pour les registrations de la partie d'orgue. Est donnée ici la version originale pour chœur de femmes a cappella (sopranos, mezzo-sopranos et altos) et orgue. L'intensité émotionnelle émanant d'une œuvre qui doit être jouée « humble et fervent », selon le souhait de l'auteur, provient de la force d'une dévotion paysanne, d'une foi presque rudimentaire. Que restitue à la perfection l'Ensemble Aedes, en formation réduite, et l'organiste Louis-Noël Bestion de Camboulas.

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Tout autre est le Stabat Mater, œuvre conséquente écrite pour soprano, chœur mixte et orchestre, en 1950-1951, en hommage à l'ami Christian Bérard, peintre et décorateur de théâtre, mort en 1949. C'est, dira Poulenc, « un requiem sans désespoir ». Également placé sous le patronage de la Vierge noire de Rocamadour, ce sera encore une première, consistant en l'occurrence à réunir le chœur et l'orchestre. Au fil de ses 12 parties, sur les 20 tercets de l’œuvre de Jacopo Todi, la pièce connaît une structure en arche dont la sixième partie en est le centre, celui de la première intervention de la soprano (''Vidit suum''). Le chœur en est l'élément essentiel « enchâssé » dans l'orchestre et « qui, même lorsqu'il chante avec l'orchestre, a la contexture harmonique d'un chœur a cappella », selon Poulenc (entretien avec Paul Guth, Le Figaro littéraire du 17 mai 1952, repris dans ''Francis Poulenc : J'écris ce qui me chante'', Fayard). Avec un orchestre fourni, c'est le contraire du dépouillement des Litanies. Puisant dans les polyphonies de la Renaissance, proche du grand motet français du XVIIIème, l’œuvre alterne sections lyriques calmes (''Stabat mater dolorosa'') ou de grande douceur (''O quam tristis''), et passages dramatiques (''Eja mater''), voire vigoureux (''Quis est homo'').

Cette variété ne nuit nullement à son unité et scelle une réelle grandeur de ton. Elle se termine dans le calme, celui de la résolution qu'est cette « prière intercessionnelle », affirmation d'une foi inébranlable, à l'aune de son puissant accord final.

La présente exécution, due à Mathieu Romano et son Ensemble Aedes convainc par la pureté de ton, la simplicité de l’approche, d'une gravité non tragique, habile à restituer les modulations typiquement poulencquiennes pour établir des climats tour à tour mystérieux, angoissés, voire détendus. Les instruments d'époque de l'orchestre Les Siècles apportent ce supplément d'authenticité, apte à restituer ces sonorités inédites, alors nouvelles chez le compositeur, et pour plus d'une, annonciatrices de celles des Dialogues des carmélites. Le soprano éthéré de Marianne Croux distingue les trois versets où intervient la voix solo, dont le N°6 cité et le N°10 '' Fac ut portem'', sur un tempo lent de sarabande, préfigurant telle réplique du rôle de Blanche de la Force dans l'opéra. 

Les prises de son, live au Théâtre Impérial de Compiègne (Stabat) et au Réfectoire des moines de l'abbaye de Royaumont (Litanies) dispensent l'espace et le relief nécessaires à mettre en valeur les diverses composantes des œuvres, chorale spécialement.
Texte de Jean-Pierre Robert  

Plus d’infos

  • Francis Poulenc : Litanies à la Vierge noire. Stabat Mater
  • Clément Janequin : ''O doulx regard, o parler gratieux''
  • Marianne Croux, soprano
  • Ensemble Aedes
  • Les Siècles, dir. Mathieu Romano
  • 1 CD Aparté : AP323 (Distribution :[Integral])
  • Durée du CD : 41 min
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5) 

CD disponible sur Amazon

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