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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : mélodies et chansons de Poulenc

Cet album Poulenc est original à deux titres : l'interprétation par un ténor de plusieurs cycles de mélodies généralement confiées à un baryton ou à une voix de femme, et leur association à quelques chansons, une facette peu connue de l'art vocal du musicien. Une versatilité que Carl Ghazarossian et le pianiste Emmanuel Olivier offrent en partage avec brio, tendresse et humour.

Francis Poulenc a toujours été fasciné par la voix. Porté par la qualité littéraire des textes de ses contemporains, Éluard, Apollinaire, Cocteau ou Louise de Vilmorin, il s'inspire de la poétique du premier pour écrire, en 1936-1937, Tel jour telle nuit. Ce cycle de neuf mélodies est habilement architecturé, comme chez Schumann ou Fauré, variant l'intensité et la dynamique. On y croise la poésie évanescente (II. ''Une ruine coquille vide'', VI. ''Une herbe pauvre''), l'ésotérisme (IV. ''une Roulotte couverte en tuiles'') ou le récit effiloché (V. ''À toutes brides'', cœur de l’œuvre). Les tempos sont contrastés, allant de l'élégiaque (I. ''Bonne journée''), au « vif violent » (VIII. ''Figure de la force brûlante et farouche''). La dernière pièce est suivie d'un postlude pianistique, assurant l'unité stylistique de l'ensemble. En écho, comme un pendant féminin, affirmation qu'il désapprouvait, Poulenc écrira, deux ans plus tard, Fiançailles pour rire, cycle de six mélodies sur les poèmes éponymes publiés la même année par Louise de Vilmorin. La poétique douce-amère de ces pièces prend une dimension particulière chantée par une voix de ténor : leurs sous-entendus tragiques (II. ''Dans l'herbe'', IV. ''Mon cadavre est doux comme un gant'') ou libertins (I. ''La Dame d'André''). Le langoureux (V. ''Violon'', où l'on trouve la phrase « le cœur en forme de fraise » qui donne son titre à l'album), côtoie aussi le délicieux abandon de ''Fleurs'', la dernière pièce. 

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Cet abandon, on le retrouve dans ''Montparnasse'' première des Deux Mélodies de Guillaume Apollinaire (1941-1945), tandis que la seconde, ''Hyde Park'' s'offre les atours d'un ragtime, dans un timing de moins d'une minute. Avec À sa guitare, composé pour Yvonne Printemps, Poulenc donne dans le retour à l'ancien. Alors que ses Airs chantés (1935), que l'auteur était loin de chérir tant il méprisait la poésie de Jean Moréas, atteignent le comble de l'ironie. « Je déteste Moréas et j'ai choisi justement ses poèmes parce que je les trouvais propices à la mutilation », écrira-t-il dans Le journal de mes mélodies. De fait, des divers états traités, ''romantique'', ''champêtre'', ''grave'', celui-ci à la frontière de l'atonalité, seul le dernier ''Air vif'' possède un attrait que les interprètes se plaisent à souligner.

Dans le registre plus léger de la chanson, Toréador (1918) est un morceau hispano-italien sur un texte de Cocteau. Poulenc y voit « l'hommage au music-hall », où dans de savantes ruptures de rythmes, on remarque une belle diversité d'expressions, du doucereux à l'agressif. Sur des textes humoristiques de Jean Nohain, les Chansons pour enfant (1934) offrent une irrésistible veine cocasse. Des quatre pièces, on entend ''La Tragique Histoire du petit René'', puis ''Le Petit Garçon bien portant''. Et enfin le désopilant ''Nous voulons une petite sœur'', dont le refrain « Ce n'est pas ça que nous voulons » rythme une série de promesses de cadeau de Noël des années durant, jusqu'à ce que la 20ème sœurette réclamée ardemment par la maisonnée de fillettes se heurte à un irrésistible et définitif « Vous n'aurez Rien ».

Carl Ghazarossian distille l'ironie, voire l'humour ravageur de bien de ces pièces, mais aussi le clin d’œil gourmand, grâce à un timbre de ténor léger qui sait donner dans le registre de composition. Le tout adorné d'une diction parfaite, capable d'infinies nuances en voix de tête. Emmanuel Olivier lui prodigue une réplique magnifiant à la perfection l'écriture pianistique savante de Poulenc. Il joue un piano Pleyel de 1905 à la sonorité chatoyante. Dommage que le livret du CD ne donne pas le texte des mélodies et chansons. La prise de son met la voix au premier plan, le piano parfois légèrement en retrait.
Texte de Jean-Pierre Robert 

Plus d’infos

  • ''Le cœur en forme de fraise''
  • Francis Poulenc : Deux mélodies de Guillaume Apollinaire. Airs chantés. Tel jour telle nuit. Fiançailles pour rire
  • Toréador. À sa guitare. La Tragique Histoire du petit René. Le Petit Garçon trop bien portant. Nous voulons une petite sœur
  • Carl Ghazarossian (ténor), Emmanuel Olivier (piano)
  • 1 CD Hortus : Hortus 225  (Distribution : UVM)
  • Durée du CD : 55 min 11 s
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile grise (4/5)

CD disponible sur Amazon

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Francis Poulenc, Carl Ghazarossian, Emmanuel Olivier

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