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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : les Sonates pour clavecin et violon de Bach

Voici une nouvelle intégrale des Six sonates pour clavecin et violon de Bach, interprétées avec un profond souci d'authenticité par Ambroise Aubrun et Mireille Podeur. Qui met en valeur la richesse d'écriture de pièces significatives de la musique de chambre du Cantor.

Composées durant la période fort prolifique de son service à Köthen, entre 1718 et 1723, quoique remaniées ensuite, les Six sonates pour clavecin obligé et violon BWV 1014-1019 forment un corpus remarquable de la manière dont le Cantor fait constamment œuvre inventive. On a relevé que ces pièces alliaient le strict contrepoint allemand à la belle mélodie italienne et recouraient à des modes variés, tels le concerto ou le solo instrumental. Inspirées du modèle de la sonate di chiesa, sur le schéma en quatre mouvements lent-vif-lent-vif, à l'exception de la dernière précédée d'une partie introductive Allegro, ces pièces sont l'occasion pour Bach d'expérimenter des formes nouvelles comme celle de la sonate en trio. Ainsi le clavecin est-il envisagé soit comme simple accompagnement, soit le plus souvent, comme moteur de la mélodie, la partie de main droite pour renforcer la mélodie par ailleurs menée par le violon, alors que la gauche tient le rôle de la basse. Cet Ars combinatoria, procédé consistant à assortir les voix, a pour dessein de rechercher un maximum d'expressivité. Comme il en est spécifiquement dans les mouvements lents.

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À cet égard, les présents interprètes questionnent la gradation des tempos. Que Bach a qualifié en utilisant diverses notations pour ce qui relève des mouvements lents : adagio, largo, andante, voire dolce. Pour décrire divers affects, la plainte, la douleur, la déploration. Ambroise Aubrun et Mireille Podeur en font une quête particulièrement significative. Par exemple dans la Sonate N°2 BWV 1015 dont le Dolce introductif et son motif sinueux initié par le violon font montre d'une charge d'émotion plus marquée que dans un adagio, tandis qu'à l'Andante un poco, le dialogue du violon et de la main droite du clavecin évoque ce que Gilles Cantagrel qualifie de « discours sans paroles ». Les deux mouvements lents qui distinguent la Sonate N°4 BWV 1017 montrent pareil souci de différentiation. Le premier, Largo, sur un rythme de sicilienne, évoque une déploration intense dans sa déclamation émue. Alors que le second, Adagio, développé dans le registre grave du violon, évoque un chant d'une souveraine plénitude. Un Largo développé introduit aussi la Sonate N°5 BWV 1018 qui voit la partie de clavecin initier le discours dont procède le thème mélancolique du violon, lamento douloureux, alors que, plus tard, l'Adagio qui reprend ce mode, se veut plus consolateur.

On rencontre le même souci d'authenticité dans le traitement des mouvements rapides, marqués allegro, presto ou vivace. Vocabulaire plus restreint, pas moins pluriel car chez Bach, les divers allegros ne sont jamais les mêmes, la vitesse de jeu devant être modulée en fonction du contexte propre à chaque œuvre. C'est ainsi que le second mouvement de la Sonate N°3 BWV 1016 est un modèle de dialogue chaleureux, le dernier se voulant plus preste par contraste. Dans la Sonate N°6 BWV 1019, composée de cinq parties, l'Allegro initial impose un climat tout de clarté, que l'Allegro N°2 transforme en une jolie badinerie du seul clavecin. On y reconnaît l'art de Bach d'honorer son instrument favori. Le troisième Allegro parachève dans la joie une pièce d'une sûre inventivité, les deux partenaires rivalisant de brio en un dialogue ininterrompu.

La vision d'Ambroise Aubrun et de Mireille Podeur, tous deux diplômés du CNSMD de Paris se mesure aisément aux plus grandes versions (Leonhardt-Kuijken, Rannou-Malgloire ou encore Frisch-Valetti), grâce au naturel de la démarche et une vraie complicité que n'empêche pas la différence de génération. Et que parachève le soin apporté à l'ornementation. L'enregistrement dans le cellier de l'abbaye de Saint-Amant de Boixe (Charente) favorise une acoustique généreuse. Si les deux instruments sont parfaitement centrés, le violon reste parfois très exposé, voire proéminent dans le registre forte.
Texte de Jean-Pierre Robert

Plus d’infos

  • Jean Sébastien Bach : Six sonates pour clavecin obligé et violon BWV 1014-1019
  • Ambroise Aubrun (violon), Mireille Podeur (clavecin)
  • 2 CDs Éditions Hortus : 228-229 (Distribution : UVM)
  • Durée des CDs : 48 min 25 s + 59 min 49 s
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5)

CD disponible sur Amazon

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