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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : le voyage debussyste de Jean-Paul Gasparian

Debussy Gasparian

Pour son premier album sous label Naïve, consacré à Debussy, Jean-Paul Gasparian a choisi d'associer le Ier Livre des Préludes et Estampes. Une proposition judicieuse dans la mesure où les deux œuvres procèdent l'une de l'autre. Il la complète d'une rareté, la transcription de ''Rondes de printemps'', extrait des Images pour orchestre.

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« Le piano est ici un outil de vagabondage imaginaire, une machine à fabriquer des perceptions. Comme une sorte de voyage immobile ». Ainsi Jean-Paul Gasparian présente-t-il ce programme. Les Préludes constituent un échantillonnage de l'art du piano debussyste. Une pierre aussi à l'édifice de réforme de l'art pianistique. La concision, la variété de ces pièces ne cessent de fasciner. Debussy, qui admirait Chopin, puise à l'infini dans la liberté formelle qu'autorise ce genre musical. « Le mystère de l'instant », dira Jankélévitch, ou « ce qui fuse, jaillit sans cesse, apparaît-disparaît, c’est-à-dire apparaît pour disparaître et disparaît pour reparaître ». L'approche de Jean-Paul Gasparian est hédoniste : la poésie profonde, non point vaporeuse, mais structurée, sans pour autant sombrer dans un modernisme que d'autres éprouvent nécessaire de mettre en avant. Un subtil équilibre en tout cas, obtenu grâce au respect scrupuleux des indications, elles-mêmes minutieuses, du musicien. Un large spectre dynamique caractérise son interprétation comme un usage généreux de la pédale de forte. Les contrastes sont de ce fait creusés, non parfois sans quelque dureté dans le registre fff. Mais l'art de maîtriser l'atmosphère est tout aussi remarquable. Ainsi du mystère de ''...Des pas sur la neige'', dont le rythme immuable et obsédant « doit avoir la valeur sonore d'un fond de paysage triste et glacé », disait Debussy. Comme de l'angoisse sous-jacente de ''...Ce qu'a vu le vent d'ouest'', emporté et presque tumultueux, où Gasparian ose un toucher percussif presque lisztien. Comme il en est des notes finales de ''...Les collines d'Anacapri'', joyeuse tarentelle, ici empreinte de presque fébrilité. Au contraire recherche-t-il les sonorités archaïques de ''...La fille aux cheveux de lin'' ou le halo de climat médiéval entourant ''...La cathédrale engloutie'', ses brumes enveloppées de mystère évoquant la légende d'Ys. ''...Sérénade interrompue'', de son rythme de Jota d'une Espagne réinventée, est paré de forts contrastes restituant ce caractère d'improvisation qu'est essentiellement le prélude debussyste, ce sentiment qu'il n'y a pas de commencement non plus que de fin. Ainsi de cette parodie de sérénade qui n'en finit pas de débuter. Gasparian distille la poésie ineffable de ces pièces suggestives. N'appartiennent-elles pas, en définitive, plus au registre de l'impression qu'à celui de l’illustration.

Estampes (1903), qui les précèdent, annoncent les Préludes. De cette courte trilogie aux titres évocateurs, Gasparian livre la subtile palette de sonorités. Que ce soit ''Pagodes'' et son pentatonisme recréant l'ambiance extrême-orientale, chef-d’œuvre d’impressionnisme musical, où l'on admire la limpidité de sa main droite. Puis ''La soirée dans Grenade'' sur un rythme de habanera, « cette oscillation nonchalante », qu'y voit Jankélévitch. Et enfin ''Jardins sous la pluie'', basée sur la comptine ''Nous n'irons plus au bois'' et ses mouvements de gammes magistralement négociés. Il est finalement pertinent d'associer à ce programme une transcription de la troisième des Images pour orchestre, ''Rondes de printemps'', tant cette pièce, jouée après ''Jardins sous la pluie'' en prolonge la fraîcheur, celle d'une ondée de printemps. La transcription, due à Gérard Gasparian, père du pianiste, est fidèle aux textures orchestrales et aux subtiles recherches harmoniques de Debussy, par un usage judicieux des divers registres du piano. Et l'exécution, en première au disque, est rigoureuse dans l'évocation d'un paysage lumineux.

Ce qui rejoint la préoccupation de Jean-Paul Gasparian, soulignant que « le défi du son a traversé l'enregistrement » et sa volonté de cultiver « un son immatériel ». La prise de son à la Fondation Singer-Polignac à Paris a été conçue pour épouser ce parti. Reste que le piano, nul doute un Steinway, est capté dans une acoustique très généreuse, placé à une certaine distance comme dans une situation de concert, ce qui prive quelques morceaux de leur ton d'intimité.
Texte de Jean-Pierre Robert 

Plus d’infos

  • Claude Debussy : Préludes, Livre I. Estampes. Rondes de printemps (extr. des Images pour orchestre, transcription de Gérard Gasparian)
  • Jean-Paul Gasparian, piano
  • 1 CD Naïve : V 7958 (Distribution : Believe Group)
  • Durée du CD : 68 min 05 s
  • Noter technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile grise (4/5)

CD disponible sur Amazon

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