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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : les Wanderer jouent Franck et Vierne

TrioWanderer Cesar Franck

Le Trio Wanderer ajoute un nouveau laurier à une couronne déjà fort pourvue, avec trois œuvres de Franck : non seulement le Quintette pour piano et cordes et la fameuse Sonate pour violon, mais aussi le peu connu premier Trio concertant, pièce de jeunesse. Ils ajoutent le Quintette de Louis Vierne, élève de la classe d'orgue du maître. Et livrent avec deux partenaires inspirés, des interprétations frappées au coin de l'excellence. Comme toujours !

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La musique de chambre a occupé chez César Franck une place essentielle aussi bien dans sa jeunesse qu'avec ses dernières compositions. De cette ultime période date la Sonate pour violon et piano en La majeur (1886), chef-d’œuvre absolu. Dont Jean-Marc Phillips-Varjabédian et Vincent Coq donnent une lecture magistrale. D'une extrême justesse de ton : tempo retenu au début de l'Allegro ben moderato, ton bondissant, d'une belle fluidité sous les doigts du pianiste au second Allegro, là où le violon radieux de Phillips-Varjabédian est d'une vraie élégance gallique. Celui-ci se fait royal au Recitativo Fantasia, qui fit dire à Ysaÿe, dédicataire de la sonate : « cette sentimentale déclamation, si bien préparée pour la voix du piano qui semble ainsi appeler au dialogue, est la plus empoignante partie de l’œuvre ». Enfin nimbé du juste et strict tempo, le finale se pare des arabesques entraînantes et conquérantes du violon. Au sein d'une foultitude de versions, en voilà une qui par la rigueur de son approche, se place aisément auprès des plus grandes.

Le Quintette pour piano et cordes en Fa mineur révèle pareilles félicités. Écrit en 1878-1879, dédié à Saint-Saëns, il est conçu dans la même tonalité que celui de Brahms. Les Wanderer et leurs deux partenaires habituels, la violoniste Catherine Montier et l'altiste Christophe Gaugué, en offrent une exécution puissante. À l'aune du début avec son attaque fortissimo drammatico des cordes à laquelle le piano répond par une cantilène sereine. Le dialogue entre celui-ci et ses partenaires conduit à une section Allegro alors qu'apparaît un thème caractéristique, cyclique, que l'on retrouvera dans les deux autres mouvements. Le piano qui tient une partie concertante, est ennobli par le suprême et élégant toucher de Vincent Coq. Le Lento con molto sentimento prend ici sa vraie tournure élégiaque, d'un lyrisme mesuré dans les échanges piano-cordes et entre grave et aigu de celles-ci. La fin s'illumine, se décantant par paliers. Les Wanderer & friends offrent du finale con fuoco une lecture fougueuse dans un tempo propulsif et un regain de tension. Là encore le pianiste apporte à l'ensemble un ton aérien.  

Peu joué, le Trio concertant pour piano, violon et violoncelle op.1 N°1 en Fa dièse mineur fait partie d'une série de trois écrits par Franck dans les années 1838-1842, alors qu'impétrant au Conservatoire de Paris, à une époque où l'on jouait les Trios de Beethoven, sous l'impulsion de Liszt. L'influence de ce dernier y est indéniable. L’œuvre en trois mouvements révèle une grande originalité formelle et une architecture monumentale. Ainsi de l'Andante con moto, débuté par le jeu staccato du piano qui introduit la mélodie des cordes, dont la partie de violon con duolo (avec douleur). L'équilibre entre les trois instruments est rigoureux, même si le piano occupe une position de leader, jouant concertant, et d'une virtuosité digne de Liszt. L'Allegro molto est un scherzo en notes répétées. Là encore le clavier mène les opérations, notamment au cours de deux brefs trios, l'un très enlevé, l'autre plus serein. Le finale joué attaca, Allegro maestoso, s'avère grandiose dans son classicisme, quoique traversé d'idées fulgurantes bien romantiques. La pièce s'achève dans une manière presque orchestrale, non exempte de quelques longueurs. Les Wanderer apportent toute leur expertise à cette quasi-résurrection d'une pièce qui mérite l'écoute.

L'autre rareté de cet album est le Quintette pour piano et cordes op.42 en Do mineur que Louis Vierne (1870-1937) écrit en 1917-1918, en hommage vibrant à son jeune fils disparu au front. Le rapprochement est bienvenu dans la mesure où l’œuvre s'inscrit dans le sillage de celle de Franck, son maître. Elle exhale une immense douleur, à l'aune de celle d'un père inconsolable. Qui dira lors de sa composition « je mènerai cette œuvre à bout avec une énergie aussi farouche et furieuse que ma douleur est terrible ». On le ressent dès les premières mesures du Poco lento-Moderato, initiées par le piano dans le grave, suivies d'une poignante phrase des cordes. Le mouvement progresse dense, traversé d'accords fiers mais aussi de traits d'une grande douceur. Le Larghetto sostenuto est d'abord marqué par le ton sombre des altos. Là encore la pensée musicale est partagée entre pathétique et colère, le tempo virant à l'agitato : toute une dramaturgie de la fureur à travers des traits saccadés des cordes et des accords secs du piano. De la révolte aussi, jusqu'à une fin bouleversante, celle d'un adieu affectueux. Abordé par des accords dissonants du piano, le finale ouvre un nouveau récit dramatique, celui des horreurs de la guerre. Le piano s’avère conquérant et les cordes âpres dans une course haletante qui ne connaît qu'un court répit. D'une formidable densité, la présente interprétation aussi implacable qu'émouvante, rend pleine justice à cette partition miroir d'un vécu de souffrance.

Les prises de son dans la belle acoustique du Théâtre auditorium de Poitiers offrent un parfait équilibre piano-cordes, préservant une totale clarté dans la saisie des cinq voix (quintettes) et une grande immédiateté.
Texte de Jean-Pierre Robert 

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Plus d’infos

  • César Franck : Quintette pour piano et cordes en Fa mineur. Trio concertant pour piano, violon et violoncelle op.1 N°1 en Fa dièse mineur. Sonate pour violon et piano en La majeur
  • Louis Vierne : Quintette pour piano et cordes op.42 en Do mineur
  • Catherine Montier (violon), Christophe Gaugué (alto)
  • Trio Wanderer
  • 2 CDs Harmonia Mundi : HMM 902318.19 (Distribution :[PIAS])
  • Durée des CDs : 1 H 58 min
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5)

CD disponible sur Amazon



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