CD : la musique de piano de Balakirev

L'intérêt de ce CD est de mettre en lumière un compositeur peu connu de la musique romantique russe, Mili Balakirev, grâce à une sélection de ses œuvres pour piano. Leur interprète, Katherine Nikitine, a fait choix de jouer des pièces empruntées à ses diverses périodes créatrices, aux côtés du fameux Islamey, une des rares qui ait survécu à l'obstination de l'oubli.

Mili Balakirev (1837-1910) est une figure aussi atypique que méconnue. Son parcours personnel sera chaotique, célibataire endurci, au caractère exécrable, doté de tics à la Satie. Un moment retiré de la vie musicale... comme chef de gare dans une petite localité, il deviendra, de retour dans la capitale en 1883, directeur de la Chapelle impériale avec Rimski-Korsakov comme assistant. Il était doté d'une autorité naturelle sur ses confrères, ce qui fera dire à ce proche : « il émanait de lui une force magnétique de spirite ». Adoubé par Glinka, Balakirev sera le fondateur de l'éphémère Groupe des cinq qui comprenait aussi Moussorgsky, Rimski-Korsakov, Borodine et Cui, mais sans doute aussi quelques autres. Il est pour beaucoup dans le succès que connaîtront les deux premiers.

Dans son œuvre pour piano, Katherine Nikitine a puisé une poignée de pièces significatives, empruntées à ce qu'elle appelle ses trois périodes créatrices. De la période de ''Jeunesse'', riche et prometteuse, date Islamey, fantaisie orientale op.18 de 1869, dédiée à Nicolaï Rubinstein. Cet Allegro con fuoco est un concentré de virtuosité dépassant la simple dextérité digitale, car sont requis de l'interprète des doigts d'acier, notamment au début et à la fin de la pièce, course haletante traversée d'accélérations fulgurantes dans ses répétitions et ruptures. Le morceau trouve son origine dans les recherches ethnographiques auxquelles s'était livré le musicien dès 1862, un chant géorgien en l'occurrence. À la période dite du ''Silence'', correspondant aux années de traversée du désert, proche de la stérilité créatrice, on trouve cependant la Mazurka N°3 de 1886. Le fameux rythme semble presque perdu de vue dans un discours quelque peu expansif. Ou cette curieuse pièce intitulée ''Au jardin, Idylle'' (1884), une étude pour la main gauche.

De la troisième période ''Renaissance'', la plus prolixe, à partir de 1900, la Valse N°2 possède un charme indéniable et le Scherzo N°3 est fantasque dans ses changements de dynamique et de tempos comme à travers sa thématique évanescente. La Berceuse en Ré bémol majeur, tonalité même de celle de Chopin, un compositeur que Balakirev n'appréciait guère pourtant, offre une manière aisée, éclair d'optimisme avec une fin extatique. Avec la Pièce de fantaisie et Humoresque, toutes deux de 1903, c'est la référence à Schumann qui s'impose. Balakirev en intègre l'esprit dans son propre langage. Enfin Fileuse (1906), Allegro con fuoco, renoue avec la volubilité pianistique et l’exigence des œuvres de jeunesse.

Katherine Nikitine, formée notamment auprès de Pennetier et de Duchâble au Conservatoire de Lyon dont elle sortira titulaire de deux masters, de Piano et de Pédagogie, est actuellement professeure à la Haute École de Musique de Genève. Ses interprétations de ces pièces sont extrêmement nuancées, bien au-delà de leur virtuosité pure. Le piano Opus 102 du facteur Stephen Paulello sonne clair quoique dans une acoustique un peu sèche.
Texte de Jean-Pierre Robert     

Plus d’infos

• Mili Balakirev : L'Alouette, Islamey, Au Jardin, Mazurka N°3, Romance, Valse N°2, Scherzo N°3, Berceuse, Pièce de fantaisie, Humoresque, Fileuse
• Katherine Nikitine, piano
• 1 CD Hortus : Hortus 211 (Distribution : UVM)
• Durée du CD : 62 min 12 s
• Note technique :  (4/5) 

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