CD : comme ensorceleur sonne le luth
Cet album présente un panorama significatif d’œuvres pour luth du début de la Renaissance. Célèbre luthiste et infatigable découvreur, Hopkinson Smith met en miroir deux compositeurs essentiels, Francesco Spinacino et Joan Ambrosio Dalza, témoins et acteurs de l'épanouissement de la culture de l'instrument à l'aube du XVIème siècle.
LA SUITE APRÈS LA PUB
|
Le programme entrelace des pièces inspirées de danses populaires de Joan Ambrosio Dalza (?- 1508) et plusieurs ricercari de forme libre de Francesco Spinacino (? - ca. 1507). Ces œuvres ont été publiées à Venise en 1507 et 1508 grâce à la sagacité d'un éditeur alors aussi célèbre que les musiciens révélés, Ottaviano Petrucci. Il a été le premier, en 1501 à Venise, éditeur de musique polyphonique vocale, puis peu après de musique entièrement instrumentale, précisément consacrée au luth. Hopkinson Smith puise dans ce vivier pour présenter d'abord quelques-uns des 27 Recercari de Spinacino, extraits de ses deux recueils de tablatures pour luth publiés à Venise en 1507 et 1508. Ils sont de forme libre et d'une grande diversité de styles : « des rêveries de la fin du Moyen Age évoquant des temps reculés par la voix digne et convaincante du luthiste solitaire devenu conteur grâce à son instrument », remarque-t-il. Et d'ajouter « la résonance de son instrument peut nous mener vers un ailleurs où nous entendons tantôt des récits d'amour et de perte dans des contrées éloignées, des accents de colère ou d'humilité, un appel à la guerre... des marins vénitiens condamnés par la tempête, les rêveries d'un poète persan, ou le bondissement alarmé d'un cerf cherchant à distancer la flèche des chasseurs ».
Les œuvres de Dalza, tirées des Pièces de luth publiées à Venise en 1508, sont d'un autre ordre. C'est que Dalza est « un luthiste de taverne », favorisant les rythmes de danses. Qu'elles soient de Saltarello, de Pavane ou encore de Piva, cette dernière d'origine paysanne, de nature répétitive et très rythmée. Elles sont soit vives, soit mélancoliques. Ainsi de la trilogie ''ala venetiana'', petite suite miniature, regroupant successivement une Pavana, un Saltarello et une Piva. On trouve aussi des chansons. Ainsi de ''Poi che'l ciel contrario adverso'', joliment rythmée et aérienne, richement ornementée comme s'il y avait plusieurs instruments. Quant à la pièce intitulée ''Tastar de corde'', il s'agit d'une sorte de prélude libre où l'on teste la corde avant de commencer un morceau. Pivot du récital, la pièce ''Io non compro più speranza'' de Marchetto Cara (1470 - ca. 1525) appartient au genre madrigalesque du haut Moyen Age.
Le luthiste suisse-américain Hopkinson Smith, grand maître de l'instrument, multirécompensé pour ses disques souvent audacieux, comme celui des arrangements pour luth des Sonates et Partitas pour violon seul de Bach, et par ailleurs redécouvreur de musiques enfouies dans un passé glorieux, donne de ces pièces des interprétations de référence. Tout en s'attachant à en restituer la facture d'origine, ce qui a impliqué parfois un travail de reconstruction musicale eu égard au « degré de confusion dans lequel un bon nombre d’œuvres de Spinacino nous sont parvenues », prévient-il. Il joue un luth à 6 chœurs du facteur Joel van Lennep, Boston 1977, monté selon une tradition issue de la fin du XVème siècle, qui rend sa clarté sonore et sa résonance encore plus vives. Ce festin de sonorités est saisi à l’Auditorium de Caen dans une acoustique généreuse.
Texte de Jean-Pierre Robert
Plus d’infos
- ''Bright and early''
- Pièces de luth extraites d’œuvres de Francesco Spinacino, Joan Ambrosio Dalza, Marchetto Cara
- Hopkinson Smith, luth
- 1 CD Naïve : E 7345 (Distribution : Believe Group)
- Durée du CD : 64 min 43 s
- Note technique :
(5/5)
CD disponible sur Amazon
LA SUITE APRÈS LA PUB
|