CD : autour du Concerto pour violon de Stravinsky
Pour son nouveau disque, Isabelle Faust présente le Concerto pour violon de Stravinsky avec un orchestre jouant sur instruments d'époque. Ce qui confère à l’œuvre une saveur toute particulière. L'autre originalité de l'album réside dans son couplage : une poignée de pièces chambristes conçues essentiellement à partir du quatuor à cordes, appartenant à des périodes créatrices différentes, disposées en miroir autour du concerto.
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C'est sur une suggestion de l'éditeur Schott que Stravinsky accepte d'écrire un concerto destiné au violon, un instrument qui l'inspire peu. Il le conçoit pour un jeune violoniste en vue, Samuel Dushkin. L'originalité du Concerto pour violon en Ré majeur (1931) est qu'il tourne le dos à une virtuosité démonstrative. En témoigne notamment l'absence de cadence. Il est conçu en quatre mouvements, tel un concerto grosso de l'époque baroque. L'intitulé de chacun d'eux semble le confirmer, comme la référence à JS Bach. C'est « un peu comme un Concerto Brandebourgeois du XXème siècle », relève François-Xavier Roth, compte tenu de son écriture contrapuntique. La vision d'Isabelle Faust partage l'analyse d'André Boucourechliev selon laquelle « le véritable ''espace'' du concerto est le timbre ». Dès le premier accord clé, qui ouvrira chaque mouvement, et le motif qui lui succède, on est frappé par l'aisance et la clarté du jeu. Ainsi le rythme de la Toccata liminaire est-il comme absorbé par la couleur. À l'Aria I, le motif permet un magistral dialogue du violon avec les vents, celui-ci chantant dans ses cascades, avant de mener le jeu dans la seconde partie, plus articulée. L'Aria II renchérit en presque vocalité, le violon opérant dans le registre de la douceur à travers une mélodie sinueuse, parfaitement ménagée par Isabelle Faust, jusqu'à une section de presque immobilité. L'accord clé traverse le mouvement par deux fois, relançant le discours musical. On admire la manière pénétrante, pleine de délicatesse de Faust dans l'entrelacs avec les bois, jusqu'à la fin s'éteignant comme dans un souffle. La rythmique claironnante du dernier mouvement, Capriccio, fait contraste. Car l'atmosphère est joyeuse, à travers des associations originales, timbriques là encore, comme violon-basson ou violon-cor. Ici comme ailleurs, l'échange entre la soliste et l'orchestre est d'une fascinante densité, surtout quant au parti chambriste observé par Roth.
Les Trois Pièces pour quatuor à cordes, de 1914, dédiées à Ernest Ansermet, relèvent presque de l'aphorisme musical ; comme chez Webern. On est pourtant loin du langage de ce représentant de la Seconde École de Vienne. Après un très bref morceau ''à la russe'', puis une sorte de scherzo fantasque, la troisième pièce installe un choral, préfigurant celui de la Symphonie pour instruments à vent : un thème mélancolique ppp, là encore presque immobile. La fin se dissout dans le silence. Le Concertino pour quatuor à cordes (1920) voit la partie du violon I prédominer dans un rythme obsédant, laissant souvent la place à un discours plus lié. Enfin Double Canon pour quatuor à cordes, écrit à Venise en 1959, ne dure qu'une minute et quelques secondes. Boucourechliev la considère comme une œuvre de « caractère intemporel » eu égard au traitement et au choix du matériau. On entend encore la Pastorale pour violon, hautbois, cor anglais, clarinette et basson (1907) qui se situe dans le droit fil de Rimski-Korsakov. L'assemblage des bois offre une impression multicolore, alors que le violon se fond dans un ensemble délicatement rythmé. Les solistes des Siècles sont d'une précision d'horlogerie associée à un grand souci de souplesse.
Les enregistrements au Studio RIFFX 1 de La Seine Musicale ménagent un étonnant relief et un parfait équilibre entre les voix.
Texte de Jean-Pierre Robert
Plus d’infos
- Igor Stravinsky : Concerto pour violon en Ré majeur
- Trois Pièces pour quatuor à cordes. Concertino pour quatuor à cordes. Double Canon pour quatuor à cordes. Variation d'Apollon (extr. d'Apollon musagète). Pastorale pour violon, hautbois, cor anglais, clarinette et basson
- Isabelle Faust, violon
- Les Siècles, dir. François-Xavier Roth
- 1 CD Harmonia Mundi : HMM 902718 (Distribution : [PIAS])
- Durée du CD : 43 min 39 s
- Note technique : (5/5)
CD disponible sur Amazon
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