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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Lydia Jardon conclut son intégrale des sonates de piano de Miaskovsky

Resilience LydiaJardon

Soucieuse de mettre en lumière des musiciens négligés par le disque, Lydia Jardon s'attache à défendre la musique de piano de Nikolaï Miaskovsky, contemporain de Prokofiev et de Chostakovitch. Concluant l'enregistrement de l'ensemble de ses neuf sonates, ce CD présente trois d'entre elles, qui « renvoient aux années de jeunesse où le compositeur fut influencé par Schumann, Franck, Grieg et Debussy », précise-t-elle.

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Évoquer la musique de Nikolaï Miaskovsky (1881-1950), c'est aussi se replonger dans un pan d'histoire, celle sombre que connaît l'URSS dans les années staliniennes. Tout comme ses collègues Prokofiev, Chostakovitch et bien d'autres, Miaskovsky combat l'idéologie officielle prônant un langage corseté. Et pourtant écrire reste le seul vrai moyen de combattre. Son corpus est vaste dont, entre autres, 27 symphonies, 13 quatuors à cordes et neuf sonates pour piano. « Sa musique est pleine de sagesse, passionnée, sombre et profondément introspective. En cela il est proche de Tchaïkovski », écrira Prokofiev. La Sonate pour piano N°6 op.64 en La bémol majeur date de 1907. Elle sera révisée en 1944. Avec ses grands aplats, l'Allegro initial évoque les tourments d'un homme blessé et sa colère contre l'oppression. Il est traversé d'ostinatos de sonneries rappelant les cloches de Saint-Pétersbourg. Par contraste, l'Andante sostenuto développe un lyrisme empreint de sérénité, où le compositeur se souvient de Franck. On retrouve pareil climat de fureur au Molto vivace final. Les tonalités franckiennes y apparaissent comme enchevêtrées dans un langage de colère rampante. 

Tout autre climat avec les deux sonates suivantes, des années 1948/1949. Miaskovsky semble avoir pris ses distances avec un monde hostile qu'il ne craint plus. Quoique condamné ''pour formalisme'' en 1948, tout comme Chostakovitch, Prokofiev et Khatchatourian, son élève, il n'assiste pas au procès et refusera d'écrire quelque lettre ''pour confesser ses crimes''. Ces deux œuvres sont le fruit de l'apaisement, d'une sérénité retrouvée. La Sonate pour piano N°7 op.82 en Do majeur, de 1948, s'ouvre par un Allegro moderato baigné d'une douce lumière, qui « renvoie à la sérénité du chant folklorique russe », remarque Jardon. L'Andante pensieroso poursuit dans une veine intériorisée et une quête d'apparente simplicité d'écriture, là où la référence aux auteurs français est indéniable, ce qui se traduit par un ton élégiaque non apprêté. Le bref finale Allegro giocoso regorge de sortilèges dansants, de gaieté dans une rythmique sautillante. La Sonate N°8 op.83 en Ré mineur (1949) confirme ces impressions. L'Allegretto est conçu sur un rythme de barcarolle, dans lequel s'insère un motif plus statique donnant un sentiment d'apaisement. L'Andante cantabile « traduit d'une façon dense et troublante l'adieu à la peur qui le harcelait » : une musique étonnamment liée et chantante. Quant au Vivo final, il porte un optimisme et presque une joie de vivre puisée là encore dans le folklore russe. Toutes pensées annonçant le dépouillement auquel Miaskovsy parviendra avec la Sonate N°9.

Lydia Jardon ajoute une autre œuvre pour piano, Song & Rhapsody op.58, en Si bémol majeur, écrite en 1942. Ce diptyque sonne comme de « véritables nymphéas musicales... où les dissonances nourrissent les mélodies ». ''Chant'', marqué Andante cantabile e rubato, offre à ses « harmonies incandescentes » une écriture papillonnante dans le registre majoritairement pp. ''Rhapsodie'', Allegro assai, renforce la « coloration prémonitoire d'un ''impressionnisme sonore'' réconcilié avec le monde ». Il y a là « un souffle ininterrompu, où alternent mélodies d'inspiration folklorique géorgienne et harmonies impressionnistes ». En tout cas, un pianisme séduisant. Surtout dans la manière aisée que lui insuffle Lydia Jardon. Comme il en va de toutes les autres œuvres de ce programme, enregistré avec soin à la Salle Colonne à Paris. Comme remarqué dans son précédent enregistrement, elle offre des interprétations d'une singulière maîtrise.
Texte de Jean-Pierre Robert      

Plus d’infos

  • ''Résilience''
  • Nikolaï Miaskovsky : Sonates pour piano N°6, op.64, N°7, op.82 & N°8 op.83. Song and Rhapsody op.58
  • Lydia Jardon, piano
  • 1 CD AR RE-SE Classic: AR 2022-1 (Distribution : www.arre-se.com )
  • Durée du CD : 64 min 23 s
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5)

CD disponible sur Amazon

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Nicolaï Miaskovsky, Lydia Jardon

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