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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Amandine Beyer et Gli Incogniti enluminent les Sonates du Rosaire de Biber

Mystery Sonatas

Un des plus grands violonistes de son époque, Heinrich Ignaz Franz Biber, laisse avec ses Sonates sur les mystères du Rosaire un des monuments de la littérature violonistique. Qui par son sujet dépasse la pure assomption technique pour aborder la sphère spirituelle. Amandine Beyer et ses comparses de Gli Incogniti livrent une interprétation aussi accomplie qu'inspirée de ces compositions si originales dont on ne se lasse pas de savourer l'ingéniosité et la beauté plastique.  

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 Composées dans les années 1678, à Salzbourg, par Heinrich Ignaz Franz Biber pour son employeur le Prince archevêque Maximilian Gandolph von Kuenburg, dont il deviendra le Maître de Chapelle en 1684, les Sonates sur les mystères du Rosaire furent vraisemblablement jouées durant le mois d'octobre, celui du rosaire. Il s'agit d'une collection de quinze sonates pour violon et basse continue traçant l'itinéraire de Marie, depuis l'Annonciation jusqu'à son Couronnement comme reine des Cieux et de la Terre. Si un esprit de symétrie semble présider à cette composition, puisque ses trois parties, ''Les mystères joyeux'', ''Les mystères douloureux'' et ''Les mystères glorieux'', se composent chacune de cinq sonates, l'hétérogénéité les caractérisent tout autant, ne serait-ce que quant à leur nombre de mouvements, d'un à quatre, même si majoritairement de trois. Ceux à connotation de danse colorent plus d'une sonate, comme la Sonate V qui voit se succéder Allemande, Gigue et Sarabande. Surtout on note l'usage fréquent du procédé de la variation, ce qui autorise une écriture enluminée dépassant de loin la pure virtuosité violonistique. Celle-ci est à première vue débridée, semblant ne pas connaître de limite, l'immense variété des rythmes ajoutant à cet égard un élément décisif. Ce qu'accentue encore le procédé dit de la scordatura, consistant à accorder le violon de différentes façons jusqu'à une impression de dissonance. Mais on aurait tort de s'en tenir à cette seule impression, tant la diversité de l'écriture est en étroite symbiose avec le propos fondamental : une célébration mariale. C'est un objet d'étonnement que le violon accompagné de la seule basse continue puisse traduire avec autant d'acuité une si large variété d'événements, traversés d'émotions combien diverses.

Chacune des trois parties possède sa couleur particulière. Ainsi les ''Cinq mystères joyeux'' ont-ils une tonalité claire, resplendissante même, à l'aune du Praeludium lumineux de la Sonate I - L'Annonciation, fabuleuse entrée en matière. Ce qu'on retrouve dans la vaste Chaconne de la Sonate IV - La Présentation de Jésus au Temple. Une couleur plus sombre nimbe les ''Cinq mystères douloureux'', ce qui est renforcé par la survenance d'accords dissonants. À l'image du Lamento par lequel débute la Sonate VI - l'Agonie au jardin des Oliviers, et surtout la Sonate IX - Le Chemin de croix, qui s'ouvre par une ''Sonata'' d'une tragique profondeur, richement ornée, que suivent une Courante comme réconfortante dans son fabuleux travail d'ornementation et une Finale résumant l'esprit d'affliction à travers une étonnante guirlande de motifs extrêmement travaillés. Pareilles impressions ressortent de la Sonate X - La Crucifixion et la Mort de Jésus, entamée par un Prélude déclamatoire, suivi d'une Aria à variations tel un chant de gloire mêlé de traits saccadés et dans le registre grave du violon, et enfin d'un Adagio aussi émouvant que resplendissant dans son crescendo lumineux.

Le climat des ''Cinq Mystères glorieux'' est celui de l'exaltation, de la lumière éclatante. À commencer par la Sonate XI - La Résurrection, qui avec sa Sonata introductive semble en appeler à témoin de cette illustre occurrence. La Sonate XII - L'Ascension prolonge ce sentiment de solennité dans un climat survolté. Quant aux trois autres volets, Pentecôte, Assomption et Couronnement de Marie, leur tonalité reste glorieuse. L’œuvre se termine par une Sonate XVI - L'Ange gardien, confiée au seul violon, en forme de Passacaille. Ce postlude substantiel à une somme déjà tant nourrie de matière, n'en est pas moins original en ce qu'il resserre le propos de l'aspect collectif de la prière à un geste de nature individuelle et simple.

L'interprétation d'Amandine Beyer et de ses musiciens de l'ensemble Gli Incogniti, dont on sait l'immense musicalité dans le répertoire baroque, de Vivaldi en particulier, comme récemment dans une poignée de concertos de violon, est d'une absolue beauté, rejoignant les grandes versions passées, de Davitt Moroney en particulier (Erato). Richesse du contrepoint, souci de la savante ornementation, art des contrastes, extrême sensibilité dans les mouvements lents, souvent d'une douceur immatérielle, sagacité dans l'appréhension des plus rapides, comme empoignés, tout ici relève de la plus juste appréciation. Dont procède surtout la ferveur du jeu. Amandine Beyer joue quatre violons différents, dont une copie d'Amati et une autre de Guadagnini, permettant de varier la palette de couleurs. La basse continue de Baldomero Barciela (viole de gambe & violone), Francesco Romano (archiluth), Nacho Laguna (théorbe) et Anna Fontana (clavecin & orgue positif) est de la plus haute tenue, au soutien discret mais combien efficace d'une soliste hors pair. 

Ils sont enregistrés dans la belle acoustique du Théâtre Auditorium de Poitiers, le violon saisi assez proche dans un équilibre adéquat avec la basse continue.
Texte de Jean-Pierre Robert 

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Plus d’infos

  • Heinrich Ignaz Franz Biber : Sonates sur les mystères du Rosair
  • Gli Incogniti, Amandine Beyer, violon
  • 2 CDs Harmonia Mundi : HMM 902712.13 (Distribution :[PIAS])
  • Durée des CDs : 52 min 01 s + 53 min 29 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5)

CD disponible sur Amazon 



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