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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : l’envoûtante beauté des deux concertos de violon de Prokofiev

Maria Milstein Prokofiev

Couplage idéal que les deux concertos pour violon de Prokofiev. Où l'on rencontre les deux pôles de sa musique, quoique affirmés à des époques différentes, l'intense lyrisme, la riche fantaisie, offrant au soliste matière à briller. La jeune Maria Milstein en donne des interprétations de haut vol, aussi réfléchies que techniquement accomplies.

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Contemporain de la Symphonie classique, le Concerto de violon N°1 op.19 en Ré majeur a été conçu pour le virtuose polonais Paul Kochanski. Achevé en 1917, il ne sera créé qu'en 1923. Le compositeur y déploie une écriture éblouissante tant pour la partie soliste que dans l'orchestration. Et installe un lyrisme limpide à travers un panel extrême de nuances, notamment dans le registre pppp. Ainsi à l'Andantino, du frémissement des altos installant un premier thème serein d'où émerge le soliste. Le second, en montées chromatiques, impose au violon, de plus en plus volubile, une débauche de traits d'une redoutable technicité. Le développement renchérit dans la fantaisie poétique, là où le violon dialogue par exemple avec la flûte. Cette ambiance proprement magique est magistralement restituée par la violoniste russe et ses collègues musiciens qui visiblement connaissent leur sujet. Le Scherzo Vivacissimo se distingue par son humour léger et son esprit de divertissement, que la présente équipe achève avec brio, sans sombrer dans une virtuosité démonstrative. Si parfois l'orchestre semble prendre le dessus, c'est sans compter sur les facéties violonistiques accumulées par Prokofiev dans la partie soliste. Avec le Moderato final, l'orchestre en pizzicatos introduit la longue mélodie du violon. Un changement de rythme amène un crescendo culminant sur un climax fff, laissant alors au violon le soin de revenir à l'intense mélodisme du début de l’œuvre, et ce dans un tempo de marche à l'orchestre. Maria Milstein qui dit se souvenir « de l'impression indélébile » faite par l'écoute de ce Premier concerto enregistré par David Oïstrakh, ne cherche pas à surjouer les redoutables difficultés qu'il renferme. Mais s'emploie à alléger la texture, ce que permet la suavité de son archet. Il en va de même de l'accompagnement tout en finesse prodigué par le chef Otto Tausk dirigeant l'orchestre Phion, une formation des deux provinces néerlandaises de Gueldre et de Overijseel qui fait sienne l'idiome russe avec bonheur. 

Quelques années plus tard, en 1935, et à l'intention du violoniste français Robert Soetens, Prokofiev écrit son Concerto pour violon N°2 op.63 en Sol mineur. Plus conséquent quant à sa durée, le ton général s'y avère d'un lyrisme plus intense encore que dans le concerto précédent. Le climat est sombre, là où la luminosité prédominait dans l’œuvre de 1917. C'est au soliste qu'il revient d'ouvrir les opérations à l'Allegro moderato, rapide puis calme et dansant. Où l'on perçoit les effluves de quelque thème du ballet Roméo et Juliette, alors en chantier. Des ruptures de rythmes émaillent le discours, non sans que le violon ne se départisse de sa primauté acrobatique. Ces climats diversifiés se multiplient au développement avec de curieux alliages instrumentaux comme basson et cor. Le registre médian du violon est favorisé ici, à l'inverse de la situation dans le premier concerto, logé surtout dans l'aigu. À l'Andante assai, la cantilène du violon atteint des sommets de sérénité, soutenue par un orchestre généreux. Le changement au milieu du mouvement, qui rappelle un des thèmes effrayants de l'opéra L'Ange de feu, est heureusement interrompu par le retour de la bonne humeur. L'agitation règne à l'Allegro Ben Marcato et sa rythmique motorique de marche, chère à Prokofiev. Avec des interventions instrumentales originales et inattendues, telles les castagnettes. Le soliste est confronté là encore à une foison de traits périlleux, comme syncopes, ostinatos, arpèges brisés, trilles ppp, et le flux est tumultueux dans une accélération calculée. Ce que Maria Milstein assume haut la main par sa formidable maîtrise. Elle communique à cette œuvre une puissance qui ne cherche pas à en remontrer et une poésie toute en finesse. Le chef Otto Tausk et son orchestre néerlandais sont au diapason de cette magnifique interprétation qui se voit gratifiée d'une prise de son, au Muziekcentrum d'Enschede aux Pays-Bas, d'un étonnant relief, la soliste placée dans une perspective naturelle en symbiose avec l'orchestre.

Texte de Jean-Pierre Robert

Plus d’infos

  • Serge Prokofiev : Concertos pour violon et orchestre N°1 op.19 & N°2 op.63
  • Maria Milstein, violon
  • Phion, Orchestra of Gelderland & Overijssel, dir. Otto Tausk
  • 1 CD Channel Classics : CCS45223 (Distribution : Outhere Music France)
  • Durée du CD : 48 min 28 s
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleue (5/5) 

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Serge Prokofiev, Maria Milstein, Phion, Orchestra of Gelderland & Overijssel, Otto Tausk

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