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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : comment chanter le désenchantement amoureux

LaPalatine

L'ensemble baroque La Palatine nous convie à un parcours tout en clair-obscur autour de la musique italienne du XVIIème, sur le thème des affres du désenchantement amoureux. À partir de lamentos, airs et cantates de Monteverdi et de quelques contemporains, mis en regard, non sans audace, avec la célèbre chanson de Brassens ''Il n'y a pas d'amour heureux''. Une proposition aussi bien conçue que mise en œuvre.

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Le thème des amours désenchantés emplit le Seicento, dont ceux d'Ariane et de Thésée, puisés chez Ovide, célébrés par Monteverdi et son fameux Lamento d'Arianna. Mais aussi cultivés par bien d'autres musiciens de l'époque. Ainsi de Luigi Rossi dont l'air ''Begl'occhi che dite ?'' (Beaux yeux, que dites-vous ?) conte, sur le mode élégiaque, la rhétorique de l'amant faible face à la femme déterminée. Dans ''Dopo lungo penare'' (Après si longue peine) l'amant blessé par Amour se reprend et se moque à son tour de son délicieux persécuteur. Divers modes sont utilisés pour peindre cette thématique de la femme forte face à la mollesse de l'amant transi. Ce peut l'être par le regard séducteur, comme chez Mario Savioni et son ''Fermate, occhi, fermate'' (Cessez, beaux yeux, cessez), dans une ambiance douce-amère. Ou celui encore de la raillerie. Ainsi de Tarquino Merula dans la cantate ''Quand'io volsi l'altra sera'' (Quand je voulus l'autre soir) où l'homme se moque de la femme aimée qui a feint un rendez-vous avec un autre galant qui n'est jamais venu ! Le ton se fait ironique dans une vive scansion, assaisonnée de percussions rageuses. Le mode peut aller jusqu'à l'érotique non dissimulé. Dans ''El me tira'' (Nuit et jour), Merula pousse jusqu'aux limites du coquin pour dépeindre la surexcitation amoureuse, et ce de manière aussi allusive que comique, « le fourbe plante nuit et jour son dard impitoyable ». 

Monteverdi a mieux que personne mis en musique cette problématique dans son Lamento d'Arianna (1608), sur un texte de Rinucci. Durant ses cinq parties, Ariane clame son désespoir d'avoir été délaissée par Thésée sur l'île de Naxos, puis la supplication de le voir revenir, avant ses imprécations quant à la non tenue par celui-ci de ses promesses et la malédiction contre lui, interrompue par la vaine constatation de sa propre agressivité. Au long de ces stances de climats si différents, où alternent l'abattement et la fureur, la soprano Marie Théoleyre fait montre d'un superbe investissement expressif. Comme il en va dans les autres pièces vocales. Elle est magistralement accompagnée par les trois musiciens de La Palatine, ensemble créé en 2019 et révélé la même année par le dispositif EEEMERGING+ du CCR d'Ambronay : Noémie Lenhof, viole de gambe, Nicolas Wattinne, théorbe & guitare baroque, et Guillaume Haldenwang, clavecin & orgue.

Quelques pièces instrumentales émaillent agréablement le programme vocal, dont certaines d'auteurs peu connus comme Alessandro Piccinni, Giovanni Salvatore ou Bellerofonte Castaldi. À noter la ''Passacaille del  Signor Louigi'' de Rossi, élégiaque, et la ''Mascara sonata e balata da più Cavalieri Napolitani del Regio Palazzo'' d'un certain Gregorio Strozzi, parée d'amusantes percussions.

Le CD se conclut par une pirouette, justifiant son titre : la chanson de Brassens ''Il n'y a pas d'amour heureux'' (1953), sur un texte d'Aragon, interprétée pour voix de soprano, théorbe solo puis trio baroque ! Singulière permanence du thème trois siècles plus tard. Car aussi bien « rien n'est jamais acquis », « Mon bel Amour, mon cher amour, ma déchirure »''...

La prise de son à l'espace culturel de Jujurieux, dans une acoustique aérée, offre relief et excellente balance voix-instruments.

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Texte de Jean-Pierre Robert   

Plus d’infos

  • ''Il n'y a pas d'amour heureux''
  • Claudio Monteverdi : Lamento d'Arianna
  • Lamentos, airs et cantates de Giovanni Girolamo Kapsberger, Luigi Rossi, Tarquino Merula, Mario Savioni, Cipriano de Rore
  • Georges Brassens : ''Il n'y a pas d'amour heureux''
  • Pièces instrumentales de Gregorio Strozzi, Alessandro Piccinni, Giovanni Salvatore, Angelo Michele Bartolotti, Bellerofonte Castaldi
  • La Palatine
  • 1 CD Éditions Ambronay : AMY316 (Distribution : Outhere Music France)
  • Durée du CD : 59 min 41 s
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5) 

CD disponible sur Amazon 



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