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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Anne Queffélec joue les trois dernières sonates de Beethoven

Anne Queffelec Beethoven

Pour son nouveau disque, Anne Queffélec s'attaque aux trois dernières sonates pour piano de Beethoven. « Les trois sœurs », dit-elle, porteuses de trois paroles : ''Es ist vollbracht''/C'est accompli, ''Es muss sein''/Ceci doit être, ''Ecce homo''/ Voici l'homme. Car « Beethoven a tout embrassé de la nature humaine ». Ces ultimes réflexions du compositeur, là où chaque sonate est partie d'un tout, elle les joue avec autant d'humilité que de profondeur abyssale. Et les pense en nous en explicitant le contenu, voire le substrat autobiographique, comme elle aime tant le faire en prélude au concert.  

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En ouvrant les premières pages de la Sonate N°30 op.109 en Mi majeur et son Vivace ma non troppo, un sentiment s'impose : la pianiste montre une droiture qui ne cherche pas à solliciter le texte. Rien de titanesque comme chez Kempff, d'immense à la façon de Brendel, de visionnaire comme sous les doigts de Levit, ou encore de grande virtuosité à l'image d'un Pollini. Une volonté d'approche naturelle plutôt, et de clarté bien française prévaut dans sa manière d'aborder cette première étape de la trilogie beethovénienne. Comme l'absolu équilibre entre les tempos lents-rapides et quant à la dynamique forte-pianissimo. Le Presto qui suit est naturellement impétueux, mais reste habité de justes proportions. Le vaste dernier mouvement marqué ''chantant, avec le sentiment le plus intérieur'', là où « Beethoven renoue avec l'intime », selon Anne Queffélec, voit son thème substantiel et méditatif précéder une cohorte de variations bien contrastées. Dont la troisième offre un presto aérien ou la suivante ses notes détachées, notamment dans le registre grave et de nature fuguée. La complexité de cette musique, elle la déjoue par la sobriété de l'approche.

De la Sonate N°31 op.110 en La bémol majeur, qui prend naturellement la suite de la précédente, Anne Queffélec confère très justement au Moderato cantabile initial ce caractère de dialogue avec soi-même qu'instaure ici Beethoven et que Kempff, cité par elle, considère comme « le monologue d'un sourd qui s'entretient avec lui-même pour ne pas désapprendre à parler ». Quant au deuxième mouvement, la pianiste va chercher loin dans le modelage de la note, là où sont combinés d'une part un Allegro en forme de scherzo, presque « comique » dans son amusante thématique, si proche du refrain, et d'autre part un Adagio si contrastant car menant aux tréfonds de la pensée beethovénienne. Ainsi par exemple de la longue phrase soutenue, expression de la douleur. La Fuga conclusive est rigoureuse mais pas austère, malgré sa large progression en dynamique. Qui laisse subrepticement réapparaître le chant ''dolente'' du mouvement précédent, poussé désormais vers l'apaisement. Avant que l'assomption finale « nous rende force vitale dans un hymne à la Joie exultant... en dépit de la souffrance, la Joie... Mort et résurrection » (ibid.).

Il en va de même de la Sonate N°32 op.111 en Ut mineur, « chef-d’œuvre stupéfiant », achèvement magistral de la trilogie. Anne Queffélec explique ses deux parties par les mots d'Edwin Fischer. La première, ''Ici bas'', avec son introduction Maestoso tragique suivie d'un con brio, « affrontement tumultueux avec le destin », elle la conçoit à la fois avec force et vraie élasticité, absorbant la prestesse du discours et ses contrastes entre aigus et graves du clavier. Dans La seconde, ''Au-delà'', et sa fameuse Arietta, l'interprète voit un « Adieu à la sonate en point d'interrogation ». Le mouvement est pris d'abord simplement pour amener le passage chantant. Le changement de rythme plus balancé vient naturellement dans une allure dansante. Le passage arpégé relève le discours dans une animation que Queffélec conçoit joyeuse. Le geste se resserre tandis que l'âme s'élève. La douleur s'éloigne, là où les aigus tracent un chemin de bonheur lentement retrouvé, qui atteint son intensité dans l’opposition des notes aiguës et graves et fait entrer dans ce Nirvana où nous conduisent les ultimes phrases. Queffélec nous guide par la main simplement sans nous écraser sous la grandeur du géant Beethoven. Pour entrevoir la perfection, par la Musique, à laquelle tout être aspire.

La prise de son au Théâtre Auditorium de Poitiers ménage parfaitement l'absolu naturel de l'exécution. L'instrument, bien centré, est saisi dans une acoustique aérée de concert et voit ses divers registres captés de manière cohérente, aigus cristallins et graves non redondants.

Texte de Jean-Pierre Robert      

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Plus d’infos

  • Ludwig van Beethoven : Sonates pour piano N°30 en Mi majeur op.109, N°31 en La bémol majeur op.110, N°32 en Ut mineur op.111
  • Anne Queffélec, piano
  • 1 CD Mirare : MIR 634 (Distribution :[Integral])
  • Durée du CD : 69 min 25 s
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5)

CD disponible sur Amazon



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