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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : un récital de Jodie Devos, sur les traces de Marie Cabel

Jodie Devos Bijoux Perdus

Ce nouveau CD de Jodie Devos émerveille comme le précédent ''Colorature''. D'autant qu'il s'inscrit dans un projet original : faire revivre des airs d'opéras du XIXème créés ou illustrés par Marie Cabel, célèbre cantatrice belge. Défendu avec brio et réelle empathie, ce corpus aux multiples facettes, qui reste enfoui dans les tiroirs des salles d'opéra, à peu d'exception près (Mignon), est justement remis sous les feux de l'actualité grâce au disque.

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Marie Cabel (1827-1885), nous enseigne Alexandre Dratwicki du Palazzetto Bru Zane, a connu une gloire peu commune sur la scène lyrique du XIXème, comblant le public et les compositeurs qui écriront pour elle quelques-unes de leurs plus remarquables inspirations. C'est cette histoire que la belge Jodie Devos nous conte, s'inscrivant sur les traces de sa prédécesseure. Des airs pas seulement bardés de pyrotechnie vocale, mais aussi frappés au coin de l'expressivité et de bien des couleurs différentes. Ainsi de Meyerbeer, qui dans Le pardon de Ploërmel (1959, Opéra Comique) sur un livret du tandem Barbier & Carré, confie à son héroïne Dinorah un air ''Ombre légère'' sur un rythme de valse et une enfilade de vocalises volubiles, mais dont la partie médiane apporte une note plus dramatique. La Prière de Catherine de L’Étoile du nord (1854) offre vocalises brillantes avec flûte concertante, entrecoupées d'une Barcarolle avec chœur. Victor Massé confiera à Marie Cabel une reprise de son opéra Galathée (1852). L' ''air de la lyre'', parodie du mythe de Pygmalion, voit les vocalises s'installer doucement pour s'envoler jusqu'au suraigu du soprano. De Jaguarita l'indienne composée en 1855 par Halévy, Jodie Devos joue la scène et l'air de l'héroïne, combinant invocation héroïque et démonstration vocale puis cantabile méditatif avec chœur, enfin refrain guerrier sur les paroles ''C'est la mort ou la liberté''.

Marie Cabel créera en 1856 le rôle-titre de Manon Lescaut d'Auber. Est ici donné l'air ''Plus de rêve qui m'enivre'', romance doucement expressive rehaussée d'interventions des bois, que suit une scène enjouée de la femme s'étourdissant de la fantaisie et des parfums du bal ; comme le fera plus tard la Violetta de Verdi. Elle investira aussi les rôles travestis, une forme connue dans l'opéra du XIXème. Ainsi de celui de Carlo, tiré de La part du diable (1843) offrant des mélismes touchants, ceux d'un jeune homme transi ; comme l'est le Siebel du Faust de Gounod. Mais c'est le rôle de Toinon, de l'opéra d'Adam Le bijou perdu (1853), qui scella le premier triomphe de Marie Cabel. L'air ici chanté distille une romance d'une émotion contenue, truffée d'interventions des bois. Un des ''bijoux'' de ce récital.

On ne saurait appréhender le monde lyrique de cette époque bénie sans convoquer Ambroise Thomas. Le décidément oublié Le songe d'une nuit d'été (1852) prête au personnage d’Élisabeth, d'abord une cavatine sollicitant le pur poétique où le langage sait aussi se faire tendre, ensuite un autre air ''C'est un rêve'', presque hypnotique. L'air de Philine de Mignon (1866), sur le livret de Barbier & Carré, un des succès durables de l'Opéra Comique, est plus resté dans les mémoires. Cette polonaise avec chœur ''Je suis Titania la blonde'', marque le sommet de la vocalise légère et sa technique diablement redoutable, qui ne manquent pas de déchaîner les bravos du public.

Tout ceci, Jodie Devos l'assure non seulement avec panache, mais tout autant avec une intelligence du texte. Que ce soit dans le registre enjôleur (Manon Lescaut), de la séduction (Philine) ou du charme (Toinon), les caractères sont saisis avec goût, même hors de leur contexte. La pyrotechnie, non conçue pour une fin en soi, la diction bien détachée, l'attrait d'un timbre ensoleillé rejoignent la précision dans l'attaque, non heurtée dans le registre aigu, et le souci de la vocalise nette qui n'a rien de mécanique. Outre la redécouverte de trésors perdus, voici une leçon de chant fort bien négociée. Pierre Bleuse lui confectionne un écrin de choix, car ces musiques contiennent souvent des envolées mélodiques insoupçonnées, que l'Orchestre Philharmonique de Bruxelles dispense à l'envi, singulièrement par ses solistes instrumentaux, mettant en valeur la voix de leur compatriote.

La prise de son au Studio 4 de Flagey à Bruxelles prodigue une balance voix-orchestre dans une ambiance ''ouverte'' où s'inscrit une formation que l'on sent fournie.

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Texte de Jean-Pierre Robert

Plus d’infos

  • ''Bijoux perdus''
  • Airs extraits d'opéras de Victor Massé (Galathée), Giacomo Meyerbeer (Le pardon de Ploërmel, L’Étoile du nord), Ambroise Thomas (Le Songe d'une nuit d'été, Mignon), Fromental Halévy (Jaguarita l'Indienne), Adolphe Adam (Le Bijou perdu), Daniel-François-Esprit Auber (Manon Lescaut, La part du diable)
  • Jodie Devos, soprano
  • Flemish Radio Choir
  • Brussels Philharmonic, dir. Pierre Bleuse
  • 1 CD Alpha : Alpha 877 (Distribution : Outhere Music France). En collaboration avec le Palazzetto Bru Zane
  • Durée du CD : 64 min 33 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5)

CD disponible sur Amazon



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Palazzetto Bru Zane, Jodie Devos, Flemish Radio Choir, Brussels Philharmonic, Pierre Bleuse

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