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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : un florilège de sonates pour viole de gambe de Corelli

Arcangelo Corelli

Les Sonates pour violon et basse continue de Corelli, écrites en 1700, ont fait l'objet de moult transcriptions pour d'autres instruments. Celle destinée à la viole de gambe, dont le manuscrit est conservé à Paris, figure parmi les plus intéressantes. Le jeune talentueux violiste Teodoro Baù, vainqueur du Concours MA Competition 2021 de Bruges, en offre une sélection, accompagné par l'excellent claveciniste Andrea Buccarella. Une belle expérience sonore.

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Venant après des recueils de sonates da chiesa, puis de sonates da camera, l'opus V, composé à l'orée du XVIIIème siècle, marque une étape importante dans l'écriture brillante de Corelli. En particulier quant à l'art d'improviser des ornementations, notamment dans les mouvements lents. Abandonnant le format de la pièce en trio, le compositeur aborde la sonate solo pour violon et basse continue. Genre qui va connaître un essor considérable. L'arrangement pour la viole de gambe de ces 12 sonates ne messied pas tant cet instrument se rapproche, comme le sera plus tard son descendant le violoncelle, du son de la voix humaine et se prête parfaitement aux ornementations. Ces sonates sont conçues sous le thème de la Follia, tant en vogue à l'époque. Les 6 pièces choisies ici sont pour la plupart en cinq mouvements, sur le schéma lent-vif, avec au centre soit un Adagio (sonates XI, V et IX) soit un épisode vif (sonates II et VI), tandis que la dernière est d'un seul tenant.

La Sonata XI qui ouvre le programme donne le ton de cette transposition du violon à la viole de gambe, en l'occurrence à l'octave inférieur. Où l'on découvre un univers séduisant, bien sonnant et chantant. Impressions qui se confirment avec la Sonata II qui débute par un Grave très expressif, alors que l'Allegro suivant contraste par son alacrité et le Vivace par son esprit. Le second Adagio est le lieu d'une improvisation, tandis que le finale Vivace conclut dans le même esprit. La Sonata V offre en premier un Adagio déclamatoire, très orné au clavecin, tandis que la viole tresse une mélodie elle aussi très travaillée. L'autre Adagio sera plus paisible. Les deux épisodes Vivace manifestent une belle alacrité, le premier avec une cadence juste avant la fin, le second architecturé d'accords serrés à la gambe. L’œuvre se termine par une gigue. La Sonata IX est en quatre parties, avec la gigue cette fois en deuxième position, proche ici d'un tempo de bourrée, alors que le finale est un tempo di Gavotta fort animé. Le Preludio est sinueux et l'Adagio a la fonction de transition, en forme de cadence de la gambe. Débutée par un Grave, la Sonata VI enchaîne trois Allegros et un Adagio en avant-dernière position. Ce Grave s'orne d'une improvisation presque élégiaque comme figurant le chant d'une voix passionnée. Les divers Allegros ont une tournure presque théâtrale, très virtuoses dans tous les registres de la viole, et de plus en plus rapides.

Le volume se termine, tout comme l'opus V de Corelli, par la Sonata XII en un seul mouvement dit ''Follia''. En fait, une série de variations à partir d'un thème expansif et démonstratif dans son expression appuyée. Il est décliné en une foultitude de variations successivement lentes et vives, d'une belle inventivité et souvent très concises. Y est cultivé l'effet de surprise, car plus d'une fois a-t-on l'impression que tout est terminé, alors que la musique reprend, suave ou agitée, traversée d'interjections de la viole, de balancements dansants, de trémolos, de moments donnant l'impression de calme avant que la course ne reprenne de plus belle. Ces 13 minutes semblent ne pas devoir s'arrêter, en tout cas résumer, à elles seules, l'esprit de ces sonates : un zest ''de folie'', souvent débridée, quoique raisonnée et toujours empreinte de goût.

Et ce grâce à l'interprétation idiomatique qui en est donnée ici chez l'un comme chez l'autre des musiciens. Teodoro Baù, qui joue une viola di gamba de Sergio Gistri de 2018 d'après Stainer, déploie une sonorité mordorée et un jeu profondément cantabile. La prestation est admirable de goût et de sensibilité. Le claveciniste Andrea Buccarella, sur un instrument de Keith Hill de 2001 d'après un anonyme allemand des années 1710, à la sonorité claire, offre un jeu extrêmement lié et lumineux. L'écoute de ces pages chambristes est un plaisir de tous les instants. D'autant qu'ils sont enregistrés avec soin dans une atmosphère délicatement résonante et avec un équilibre parfait entre les deux voix.

Texte de Jean-Pierre Robert   

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Plus d’infos

  • Arcangelo Corelli : Six Sonates pour viole de gambe et basse continue (extrait et d'après les 12 Sonates pour violon et basse continue op. V)
  • Teodoro Baù (viole de gambe), Andrea Buccarella (clavecin)
  • 1 CD Arcana : RIC 440 (Distribution : Outhere Music France)
  • Durée du CD : 72 min 57 s
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5) 

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Arcangelo Corelli, Andrea Buccarella, Teodoro Baù

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